En matière de télévision française, il peut être légèrement difficile de se faire une culture télévisuelle sur le tard. Les archives mises à dispositions par l’INA sur Madelen, par exemple, sont majoritairement constituées de titres des années 70 ou antérieures. Les plateformes de streaming sont, à l’inverse, rarement intéressées par des séries ayant plus de 10 à 15 ans grand maximum. Il n’y a plus grand’chose à espérer des sorties en DVD ou Blu-ray. Ne regardant plus la télévision linéaire, je serais également bien en peine de vous dire où trouver des rediffusions de séries françaises spécifiquement.
Or, j’ai été prise d’une forte envie d’explorer les séries des années 80. C’est à la fois une période que j’ai connue, et une période pendant laquelle je ne consommais pas encore beaucoup de télévision (ou alors avec très peu de choix quant à ce qui m’était accessible ou non). A partir du milieu des années 90 environ, ça a un peu commencé à évoluer, et avec l’adolescence mon appétit télévisuel est devenu plus prononcé… mais c’est aussi une période à partir de laquelle, un peu par principe, j’évitais tout ce qui était français. Ironiquement, j’ai donc une culture télévisuelle française assez pauvre (quoique l’expérience a prouvé que c’était peut-être une vision déformée des faits).
Alors, eh bien, je me suis dit que j’allais suivre le modèle de mes autres explorations télévisuelles, un peu par défi, un peu par esprit de contradiction, en ce mois d’avril. J’ai décidé spécifiquement de chercher des sitcoms des années 80.
Après tout, les comédies sont généralement celles dont les ouvrages respectables sur l’histoire télévisuelle parlent le moins, et donc celles où j’ai présumé que mes lacunes étaient plus vastes à combler. Nous voilà donc aujourd’hui devant un nouvel article « Multi« , dans lequel je vais vous parler des comédies des années 80 que j’ai réussi à dégoter !
Cela n’a pas été sans mal. Et cela a été imparfait. Je regrette par exemple de n’avoir pas pu mettre la main sur Vivement Lundi, qui de par son genre mais aussi son inspiration, aurait été une expérience complémentaire à celles que j’ai pu faire ici. Mais dans l’ensemble, c’était un voyage dans le temps plutôt sympa… Jugez plutôt.
Maguy (1985)
Si vous l’ignoriez, Maguy est le remake français de la série étasunienne Maude (avec Bea Arthur, celle-là même), et en l’occurrence le premier épisode de la version française est une adaptation relativement fidèle de l’originale… A noter que c’est le premier épisode diffusé, et non le premier épisode produit ; la diffusion de Maguy était apparemment assez chaotique de toute façon.
…Ou, plutôt, du 3e épisode de l’originale. Par ce choix, Maguy a ainsi éludé la question de la psychiatrie (pilote de Maude) et des attitudes sociales vis-à-vis de la nudité et du sexe (deuxième épisode de Maude), pour directement passer à une intrigue reposant sur l’embauche d’une employée de maison. Aaah, je me disais aussi. Ça c’est la télévision française que je connais ! Il me semblait bien que Maude allait être un peu trop gauchiste pour nous, et ce, en dépit du fait que rien moins que 13 années séparent les deux séries.
Voilà donc Maguy, son mari Georges (dans cette adaptation, il est son troisième mari, là où Maude a été mariée quatre fois), sa fille Caro et, dans une moindre mesure, son petit-fils Jérôme, en train de s’adapter à cette nouvelle présence dans leur foyer. Maguy, dont le tempérament sanguin est vite établi par l’épisode, a déjà eu de nombreuses employées avant elle, et à chaque fois, les pauvres s’enfuient en courant, et la maison de cette famille multi-générationnelle sombre encore plus dans le chaos. Cette fois-ci, Maguy veut absolument prendre soin de son employée potentielle, et se faire bien voir pendant leur entretien d’embauche ; de ses propres mots, Maguy essaie de se faire embaucher comme patronne, ce que les autres protagonistes trouvent parfaitement ridicule. Arrive donc Rose Le Plouhannec, une femme très pragmatique et pleine de bon sens, avec laquelle, très rapidement, il apparaît que les choses ne collent pas. C’est que, à force de vouloir absolument bien la traiter (lui servir un apéritif au déjeuner, porter les courses à sa place, l’empêcher de passer par la porte de service, et ainsi de suite), Maguy lui rend la tâche impossible. Vers la fin de l’épisode, Rose claque la porte… au bout d’une semaine d’essai seulement. Elle n’accepte de revenir que lorsque Maguy commence à mal lui parler. Haha, c’est drôle parce que, dans l’univers de Maguy, la leçon à tirer de tout cela est qu’il faut traiter le petit personnel de façon autoritaire et méprisante, vous comprenez ? Hilarant.
Et c’est vraiment ça : il y a une leçon à tirer. Maguy n’est pas une série sur la complexité des opinions politiques de son héroïne, sur ses contradictions, sur son hypocrisie parfois même, comme Maude pouvait l’être. La série française a l’intention de rire de l’absurde, pas vraiment donner à réfléchir, même pas par accident. Et si c’est absurde, c’est parce qu’il relève de l’évidence (sauf pour la protagoniste centrale) que cela tombe sous le sens de ne pas chercher à respecter, et encore moins à contenter, une femme de ménage. Même l’appeler « assistante familiale » est complètement risible, n’en déplaise à l’obstination de Maguy dans cet épisode, alors vous pensez…
Si c’est la leçon à en tirer, c’est parce que, dans la façon qu’a ce premier épisode d’introduire les personnages, tout est fait pour créer une situation dans laquelle Maguy est montrée comme supérieure à Rose. Dans sa belle maison moderne (…oui bon, pour les années 80, quoi), Maguy est une femme plutôt élégante et raffinée, qui s’exprime bien et abondamment, quand Rose a un accent « populaire » (du Sud-Ouest, même si elle porte un nom breton et qu’elle dit avoir passé toute sa vie à Grenoble), et est une femme de bon sens, mais de peu de mots. Ces marqueurs indiquent qu’il tombe sous le sens que ces femmes ne soient pas égales, alors qu’en réalité, ce qui les oppose, c’est juste que l’une emploie l’autre. C’est précisément ce qui horrifie Maguy, mais pas parce qu’elle a un problème avec les différences sociales, non ! Comme vraiment Maguy ne veut pas se mouiller, c’est surtout qu’elle ne veut pas faire fuir une nouvelle employée, après de nombreuses mésaventures précédentes ; il est insinué d’ailleurs que c’est plutôt l’état déplorable de la maison et la personnalité de Maguy qui ont été la cause de ces nombreuses expériences négatives ; alors Maguy, naturellement, a décidé d’être exagérément amicale avec la nouvelle venue pour l’amadouer. Dans Maguy, on ne fait donc rien par conscience sociale (même si, hilares, son mari et sa fille parlent d’elle comme une syndicaliste communiste), mais par intérêt personnel. Au moins on est certaine de ne contrarier aucune spectatrice… Et ça ne fonctionne pas du tout, surtout avec les yeux du 21e siècle.
Sauf que ce n’est pas qu’une question de recul. Car, quelque part pendant le voyage des scripts entre Tuckahoe et Le Vézinet, une page des dialogues s’est apparemment perdue dans la soute : celle qui précise que dans l’épisode original de Maude, l’employée de maison est noire. Et ça change tout ! L’épisode de la série américaine est en effet placé sous le signe d’une discussion sur l’attitude de Maude (dont les deux épisodes précédents ont prouvé qu’elle était très progressiste, mais que son comportement n’était pas toujours en adéquation avec ses idées) vis-à-vis de cette femme noire qui vient juste faire son travail. Or, Maude est tellement préoccupée par l’émancipation de son employée, Florida, qu’elle en vient à devenir étouffante. Son problème n’est donc pas tant de n’avoir plus de femme de ménage (d’autant que sa maison n’est pas du tout montrée comme particulièrement en désordre), que d’offenser celle-ci en particulier. Plus largement, c’est une question de principe : Maude veut absolument être très ouverte d’esprit. C’est ce paradoxe politique que l’épisode explore (bien que n’utilisant jamais les termes « white guilt » ou « white savior« , que Maude exemplifie) ; et cet angle change absolument tout dans les dynamiques ! C’est d’autant plus paradoxal que Maude a expressément demandé à l’agence qu’on lui envoie une employée noire, comme l’étaient les précédentes qu’elle a trop choyées pour exactement les mêmes raisons. C’est ce progressisme forcené, mais pas très bien appliqué, que le script de Maude critique ouvertement. Plus saisissant encore, la fin de l’épisode offre une confrontation entre Maude et Florida, au cours de laquelle cette dernière démontre que se faire traiter en égale, c’est la laisser faire ses propres choix, et surtout, son travail. Visiblement, honteuse, Maude prend le temps de la réflexion, puis Florida lui offre une chance de la traiter, réellement, comme une égale, et cesse de l’infantiliser au nom de la cause afro-américaine.
Cela, évidemment, l’épisode inaugural de Maguy ne peut pas le retranscrire à la situation qu’il s’est choisi. En dépolitisant entièrement l’intrigue, la série s’est coupée de toute opportunité de raconter plus qu’une farce. Imaginez acheter les droits d’une série comme Maude et de précisément la stériliser à ce point…
Marc et Sophie (1987)
Apparemment, c’est le succès de Maguy qui a conduit à la création de Marc et Sophie, et si vous pensez qu’on avait perdu en qualité entre Maude et Maguy, accrochez-vous, la descente en apnée continue.
Sur le principe, j’avais pourtant envie d’apprécier ce premier épisode, qui se comporte, chose rare dans notre panorama du jour, comme une véritable introduction. Marc et Sophie viennent de se marier, et arrivent dans leur nouvel appartement, au rez-de-chaussée d’un immeuble, juste après le repas de noces. Cela permet d’exposer plutôt bien qui sont nos protagonistes, ainsi que la situation dans laquelle les épisodes suivants sont amenés à se dérouler. Bon, ça fait un peu doublon avec le générique, lui-même très pédagogique, mais c’est en tout cas l’occasion d’établir que Marc est vétérinaire, Sophie est docteure, et que leurs cabinets vont se trouver dans leur nouvel appartement, ce qui permettra à toutes sortes de personnages de venir les rendre frappadingues avec des malentendus divers. Pour le moment, les cabinets ne sont pas encore ouverts ; en revanche, la nuit torride des jeunes mariées est sans cesse repoussée par toutes sortes d’incidents qui offrent autant de prétextes additionnels à présenter d’autres personnages (comme la gardienne de l’immeuble, Madame Moulinard) ou des dynamiques (Marc est un peu un fils à maman). On a franchement construit des épisodes d’exposition sur moins que ça ! C’est une bonne idée et une plutôt bonne structure, à la base j’étais partante.
Là où ça se corse, c’est qu’on est ici devant un sitcom dont les dialogues sont parfaitement nuls. Ils sonnent maladroits comme s’ils étaient improvisés, mais c’est une explication préférable à l’autre possibilité : celle que ces mots aient été écrits spécifiquement dans le but d’être tournés, puis montrés à une heure de grande écoute. A des gens. Avec des cerveaux, et tout. Beaucoup de répliques de cet épisode, hélas, ont effectivement été écrites par quatre scénaristes peu inspirés. Les rires enregistrés, courageusement, incitent à ignorer combien une série dont le but est l’humour a décidé de complètement outrepasser son obligation d’être drôle. A une exception près. Marc et Sophie contient dans ces 22 premières minutes une, j’ai bien dit UNE réplique qui m’a fait sourire, au tout début, avant que le couple n’entre dans l’appartement. Je vous laisse la trouver ; l’épisode est par exemple en ligne sur Youtube. Dommage que le reste de l’épisode soit aussi peu enclin à jouer sur les double sens malins (et coquins), pensant vraisemblablement son public trop stupide pour répéter le miracle.
Il est vrai que mon opinion de cet épisode n’est pas basée que sur la qualité des échanges. J’ai été aussi très agacée par la façon dont Marc et Sophie ne fait aucun mystère d’une partie de sa recette, qui consiste à montrer l’actrice Julie Arnold sous toutes les coutures, et aussi peu habillée que possible. Le racolage est assez grossier, parce qu’il ne se produit même pas nécessairement quand le couple veut par exemple consommer son union, mais aussi, voire surtout, pour tenir une bassine sous une fuite d’eau. Donc, totalement gratuitement. Mais bon, les années 80 sur TFHein, c’est aussi les années Collaro, donc dans le contexte historique, je suppose que ça a du sens. Ce n’en est pas moins rageant.
En essayant de faire un peu de lecture sur Marc et Sophie (et franchement, il n’y a pas grand’chose à se mettre sous la dent pour une série qui était aussi populaire), j’ai découvert une mention sur le site de l’INA qui m’a fait lever un sourcil circonspect :
J’ignorais complètement que Marc et Sophie avait été générée par une IA, vraiment le Minitel quelle belle invention française.
…Plus sérieusement : hein ? en 1987 ? Quelqu’un a des détails sur ça ? Si ça venait d’une autre source que l’INA, je mettrais ça sur le compte d’un gros troll (c’est le genre de truc qu’on disait dans les cours de récré sur TOUTES les séries françaises qu’on n’aimait pas), mais là, bon. Le générique ne comporte aucune indication dans ce sens, et pas moins de 4 paires de mains ont écrit cet épisode (elles semblent toutes humaines). Par contre la série employait un « Conseiller Faits de Société », qui me laisse un peu circonspecte. J’entends bien que le générique proclame que « leur vie c’est un petit peu comme la nôtre aujourd’hui », mais se tenir au courant de qui se passe, c’est pas un peu le travail des scénaristes ? Le « Conseiller vétérinaire », je vois son rôle ; celui-ci, beaucoup moins.
Non, franchement, tout d’un coup j’ai surtout envie d’une oral history de Marc et Sophie. Qui se dévoue ?
Objectif Nul (1987)
La série la plus originale de cette sélection… et aussi la plus courte, l’épisode durant environ 7 minutes. Parodie de séries de science-fiction, Objectif Nul a plus en commun avec Red Dwarf (pourtant apparue l’année d’après outre-Manche ; au passage, j’ai reviewé le pilote il y a quelques mois) qu’avec Star Trek, largement trop proprette en comparaison.
C’est aussi, hélas, la série la plus difficile à reviewer de cette sélection. Objectif Nul est, pour commencer, une série à sketches, ce qui signifie que sa qualité est par définition très fluctuante. Il y a des passages drôles (j’aime en particulier ses jeux de mots), et il y a les autres. En outre, certains de ses sketches sont des parodies d’autres choses que les séries de science-fiction, notamment des publicités. Autant dire que les références publicitaires de 1987 échappent pas mal aux spectatrices d’aujourd’hui, par opposition à des références musicales ou cinématographiques (qui sont également présentes dans ce premier épisode, mais ne constituent pas la base de tout un sketche), dont l’obscolescence est plus lente.
Objectif Nul est de la fiction meta par excellence, entre les personnages qui ignorent allègrement le quatrième mur, qui se plaignent de certaines répliques, ou encore l’habillage intégré dans celui de Canal+ imitant les pauses publicitaires, la série jongle avec les codes télévisuels en parfaite connaissance de cause. Hélas cela démontre aussi qu’une série très meta a souvent un peu plus de mal à vieillir que d’autres. L’avantage au moins c’est qu’Objectif Nul, avec ses scènes extrêmement courtes, a tendance à ne pas laisser trainer ses gags en longueur, donc même quand ça ne prend pas (ou plus), ce n’est pas bien grave.
Cela ne signifie pas qu’Objectif Nul est impossible à apprécier pour autant, et encore moins que son 7 d’Or (décerné à une époque où la télévision française avait encore ses propres récompenses) ne soit pas mérité. Mais il est certain que sans la nostalgie, et tout ce que cette nostalgie implique, c’est un peu difficile d’appréhender son humour à sa juste valeur aujourd’hui. En revanche, ce qui reste saisissant, c’est la volonté de sortir du lot qui se cache derrière ses blagues. Avec son montage survolté et ses jeux de camera constants, la réalisation reste d’une efficacité indéniable (c’était apparemment un point sur lequel l’équipe avait insisté), en dépit des moyens visiblement limités.
Ah, et puisqu’on parle des Nuls, ils apparaissent également dans la série suivante…
Palace (1988)
Egalement comédie à sketches, Palace est pourtant d’une durée record d’une heure et quart, bien loin des 7 minutes d’Objectif Nul ! Pourquoi faire aussi long, quand une série à sketches pourrait aussi bien être deux à trois fois plus courte sans que cela n’ait le moindre impact ? Au cours de cet épisode inaugural, on pourrait se poser la question ; d’autant que certains segments reviennent plusieurs fois et sont voués à devenir des rendez-vous d’épisode en épisode, donc à quoi bon les répéter au sein du même épisode encore en plus. Le nombre d’occurrences des « Brèves de comptoir » déclamées par Jean Carmet, par exemple, est un peu étrange et pas forcément bien étalé (mais fait vraisemblablement bien marrer la production, qu’on entend pouffer dans le fond). En fait, ce format est dû moins à son contenu qu’au cadre de sa diffusion : elle serait inspirée d’une émission italienne, Grand Hotel, lancée en 1985 par Berlusconi pour mélanger comédie et musique, et ainsi faire de la concurrence à une émission de variété en primetime.
Moins portée sur les numéros musicaux, qu’elle remplace par des intermèdes plus proches du music-hall, Palace ambitionne elle aussi de faire du primetime, quitte à remplir les épisodes de sketches sans trop s’inquiéter de la cohésion d’ensemble de ces pièces mises bout-à-bout. En revanche, visuellement, c’est une réussite : avec ses décors immenses (2500m² !), ses costumes reconnaissables entre mille, sans plans ambitieux et sa réalisation ingénieuse, Palace se donne énormément de mal pour affirmer sa différence.
Il y a du bon, du moins bon, et du désolant, dans ce premier épisode. Je suis particulièrement fan, par exemple, du numéro final, forcément inspiré par le film Airplane! et dans lequel les clientes du restaurant découvrent, atterrées, qu’il n’y a plus de bacon pour le petit déjeuner. C’est parfaitement délicieux, si vous me pardonnez le jeu de mots. Les gags bon enfant du segment « Service Palace » sont aussi plutôt amusants, notamment de par leur usage du hors champs. On trouve aussi dans l’épisode des choses un peu plus adultes, je vous rassure, comme cette longue scène dans laquelle quelques unes des clientes les plus distinguées du palace se concertent dans le cadre raffiné de l’entrée de l’hôtel sur l’organisation d’une partouze. Primetime oui, mais pas spécialement destiné à un public familial ! En témoignent deux passages de l’épisode, qui trouvent une excuse pour montrer des seins nus… oui, les années 80, ça reste les années Collaro. Heureusement qu’on peut compter sur le client irrascible et l’affable directeur pour revenir à des choses plus innocentes ; immortalisés par les pubs de la MAAF pendant un peu plus d’une décennie, ces sketches sont probablement ce que Palace a laissé de plus propice aux memes dans les esprits.
Quoi que je pense des sketches en dents de scie (celui sur les clientes qui ont tellement peur de leur facture qu’elles organisent une grande évasion traînait un peu en longueur), reste que Palace fait encore son effet. A la fin de l’épisode, qui pourtant n’est pas bien court, j’avais le sourire aux lèvres et l’envie d’en voir plus. Il se dégage quelque chose d’unique de cette série, à la fois photographie de son époque (et des talents de l’époque : quelle distribution !), et parenthèse absurde, lookée à l’extrême au point de devenir intemporelle.
Papa Poule (1980)
« Madame Chalette, c’est moi », énonce comme la plus grande des évidences Bernard Chalette, le héros de cette série. Papa Poule est la seule série de cette sélection à se trouver sur le Madelen, le site de l’INA, probablement parce qu’à cause de sa date de production et de son style, elle est à cheval sur les années 70. On m’avait promis une comédie, je trouve dans son premier épisode plutôt une dramédie tendre, proche de la chronique (et tournée en single camera), qui suit donc Bernard, père de quatre enfants de deux mariages différents. Celles-ci se retrouvent sous sa garde lorsque sa deuxième compagne le quitte ; les circonstances font que la famille doit déménager dans la foulée, ce qui conduit dans ce premier épisode ce pauvre Bernard à chercher également un nouvel endroit où habiter.
L’essentiel de la bonne humeur de Papa Poule tient à son chaos : les quatre gosses de Bernard (et en particulier les deux filles les plus jeunes) sont pleines de vie, d’idées, de choses à dire. Bernard trimbale sa petite tribu partout où il va (sauf évidemment au boulot, quand même !), écoute leurs suggestions, les embarque dans ses plans. Il n’est pas permissif, et les recadre ou les fait taire quand les situations s’y prêtent, mais il leur laisse aussi pas mal d’amplitude pour s’exprimer, courir, sauter, bref, être des enfants.
Dans Papa Poule, la parentalité au masculin n’est pas un point d’interrogation. Personne ne se dit « oh là là, il va pas être capable », y compris le principal intéressé ; tout-au-plus sa seconde compagne s’inquiète-t-elle qu’il s’en sorte, mais en même temps, quatre gamines dans les pattes, c’est sûr que ce n’est pas une mince affaire. En fait, on apprendra que c’est une partie de la raison pour laquelle elle quitte Bernard : selon elle, il fait un excellent père ET une excellente mère, si bien qu’elle se sent de trop à la maison. C’est dire si la série se refuse à poser la question de la compétence, et personnellement j’ai trouvé ça super rafraîchissant. Et cette compétence s’exprime, qui plus est, sous la forme d’une relation équilibrant complicité et autorité, loin des stéréotypes sur le rôle de père. Tout cela sans aucune aide, y compris féminine (bien que l’aînée, Julienne, aide parfois à canaliser l’énergie des benjamines), puisque contrairement à d’autres séries il n’y a ici ni employée de maison, ni grand’mère (celle-ci, qui reçoit la visite de Bernard et ses enfants en cours d’épisode, habite ailleurs), ni une voisine, ni quelque autre figure maternelle de substitution. On peut compter ce type de représentation sur les doigts d’une main, et tout justement, Papa Poule était la première en son genre pour la France. La raison de sa quête d’authenticité est sûrement à chercher du côté de son origine : la série est l’adaptation d’un roman semi-autobiographique publié un an plus tôt par Daniel Goldenberg, son scénariste.
De ce retour en arrière effectué en une poignée de séries, je garde une appréciation nouvelle pour le fameux « esprit Canal », dont j’étais passée à côté vu que chez moi, on n’avait pas Canal+. Sans parler du fait qu’il était mal vu de regarder autre chose que TFHein dans les années 80 (…même 90 et au-delà). Forcément, je ne ressens pas la nostalgie qu’une grande partie de ma génération téléphagique peut ressentir, mais je ne suis pas insensible à ce qui se dégage des séries de C+ à l’époque. Du coup, avec plusieurs décennies de retard, je souffre un peu de FOMO !
…Au juste, je n’étais pas certaine que ce voyage dans le passé vous intéresse ; surtout que j’ai publié pas mal d’articles « Multi » ces derniers temps. Mais je me suis dit que peut-être l’une ou l’autre de ces séries vous donnerait envie de vous aussi tenter un visionnage de série plus ancienne, par curiosité ou par nostalgie. Laquelle préféreriez-vous (re)tenter, si je vous demandais de choisir ?
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