Il est l’heure du Take Five mensuel… et mois d’avril oblige, derrière les 5 séries-mystère du mois se cache une petite thématique ! Toutes les fictions reviewées du jour proviennent en effet du monde musulman, et ont été diffusées à l’occasion du Ramadan. Bon, presque toutes, en fait, mais vous allez voir que j’ai des circonstances atténuantes. Cela étant, un peu par accident, j’ai eu l’impression qu’un second thème se dégageait de plusieurs de ces visionnages… vous me direz si ça vous fait cet effet-là aussi.
D’ailleurs, n’oubliez pas de rester après les 5 reviews, car évidemment, il y a quelques petites choses en plus dans les Take Five de cette année !
Aa Amal (2024)
Drama
Voilà une série qui aurait presque trouvé sa place dans la rubrique dédiée aux posters promotionnels, vu la force de sa symbolique. Cette femme transformée en poupée, ballotée par les hommes… On ne s’arrête pas à la symbolique, d’ailleurs, avec cette série qui a convaincu des élues libanaises de travailler à une nouvelle loi de lutte contre les violences faites aux femmes. On s’excuse du peu.
La série suit Yassar, qui a trouvé le succès devant les caméras ; elle est à la tête d’un talk show en direct qui prône l’autonomie des femmes, au cours duquel elle donne des conseils mais aussi reçoit des invitées pour parler de sujets touchants aux Droits des femmes. Et précisément, le jour où démarre la série, elle attend une invitée, Hanan, qui ne semble pas venir…
Mais le premier épisode de Aa Amal ne s’intéresse pas qu’à Yassar. En fait, bien qu’elle soit résolument l’héroïne de la série, on y trouve toute une collection de protagonistes féminines ayant leurs préoccupations. Comme on ne nous dit pas exactement (ou pas encore) comment ces intrigues sont liées les unes aux autres, cela crée un ensemble de vignettes saisissantes sur la condition féminine au Liban. Des vignettes qui incluent aussi bien des « souvenirs » de la naissance de Yassar (qui a faill être étouffée à la naissance, pour n’avoir pas été un garçon) ; des instants du quotidien de Farah (la meilleure amie de Yassar), une étudiante en médecine qui est également la chanteuse d’un petit groupe de musique féministe (et qui est, je suis navrée de vous le dire, d’ores et déjà ma protagoniste préférée) ; Yara, une jeune femme qui épouse Haroun parce qu’elle est l’aînée de la famille, mais n’a en réalité aucune intention de rester mariée avec lui ; Hadeel, la jeune soeur de Yara, éprise de Haroun mais qui n’a pas pu se marier avant sa soeur, et qui pleure pendant tout le mariage bien que sa soeur l’ait rassurée sur la non-consommation de celui-ci ; ou encore, bien que hors-camera, le sort de Hanan, qui devait témoigner sur le thème des violences domestiques et qui en réalité a été tuée avant l’interview avec Yassar.
Il n’y a pas de concession possible dans Aa Amal, et la série est très intentionnelle dans ce qu’elle dépeint de la réalité des femmes modernes. Une réalité encore faite de sexisme, d’attentes brutales de la société, de violences (haha, quel pays arriéré le Liban, ça n’arriverait pas en France ça, hein ?). Aa Amal est une série puissamment en colère, quand bien même elle s’apprête à confronter son héroïne à plus de violence encore lorsqu’un nouveau voisin s’installe dans l’immeuble de Yassar. Il prétend ne pas savoir qui elle est, alors que la série nous révèle qu’il est obsédé par elle, suggérant que cet emménagement n’est pas une coïncidence… Sommes-nous condamnées à ne jamais être maîtresses de nos destinées ? Quel pouvoir nos mantras personnels sur le développement de notre autonomie ont-ils face à la brutalité du patriarcat ? Ce sont quelques unes des questions qui pointent leur nez dés cette exposition de Aa Amal.
Dhaxal (2024)
Drama
Si jamais vous vous posiez la question : oui, c’est la toute première fois que je reviewe une série somalienne ! J’ai même dû créer le tag du pays pour l’occasion, je sais pas si vous vous rendez compte, ça n’était pas arrivé depuis des lustres. Dhaxal est un drama qui a été lancé à la mi-avril, et à ce titre la série ne compte pas comme une série du Ramadan, mais enfin, vous conviendrez que pour ce coup-là on va s’octroyer un peu de latitude…
Dhaxal (qui apparemment signifie « l’héritage ») s’intéresse au quotidien de plusieurs protagonistes, et notamment à leur rapport à l’argent. Galad (à votre gauche sur l’image promotionnelle ci-contre) est un jeune diplômé qui tente d’entrer dans la vie active, mais ne parvient pas à trouver un emploi ; il caresse des rêves pour son futur, mais il est coincé dans la chambre qu’il partage avec son frère dans la petite maison familiale. Paradoxalement, il refuse de prendre un emploi à temps partiel comme enseignant dans une école, job que son père, instituteur, pourrait lui obtenir ; Galad craint de finir coincé dans un emploi sans avenir et avec un salaire qui ne permette pas à toute une famille de subsister, et préfère passer ses journées à quadriller la ville CV à la main. Bon, ça ne veut pas dire qu’il ne fait rien : il a tout de même un emploi dans un fast food le soir ; c’est de l’ambition, pas des illusions de grandeur. A l’opposé du quotidien de Galad, il y a Hani, une jeune femme née dans une riche famille, et qui tient un poste important dans une banque. Tous les matins, le chauffeur de sa famille l’emmène au travail, et le soir, elle a de l’argent à dépenser pour aller prendre un verre avec des amies. Le premier épisode de Dhaxal offre un commentaire intéressant pendant cette scène, d’ailleurs : l’une de ses amies est mariée, et a cessé le salariat, tandis que l’autre a lancé son entreprise et est donc sa propre patronne. Toutes les trois discutent des avantages que procure, pour une femme, la vie active, et Hani, si elle n’est pas opposée à une vie de famille, en profite pour indiquer qu’elle n’a aucune envie d’abandonner de son indépendance si jamais elle se marie. Je serais curieuse de voir ce que la série veut faire de ce sujet par la suite.
Pour le moment, dans cet épisode introductif, qui introduit une foule de personnages secondaires avec leurs préoccupations (par exemple le jeune frère de Galad, Buhran, est amoureux d’une camarade d’université ; il vient aussi de quitter son job à mi-temps), on prend le temps d’observer les gens comme dans leur milieu naturel. Les scènes sont plutôt longues, calmes, avec des dialogues cherchant l’authenticité. Dhaxal adopte un ton quasiment documentaire qui souligne bien son ambition de refléter la réalité de ses spectatrices. Toutefois on peut déjà voir poindre son propos de fond par petites touches ; le père de Galad, par exemple, donne un cours à ses élèves sur l’indépendance de la Somalie. Pour lui qui a connu les années 60, explique-t-il, il n’a plus les mêmes idées qu’il avait alors ; cette indépendance n’était pas une fin en soi, aussi, de la même façon que le pays doit continuer à progresser, les élèves, individuellement, doivent être ouvertes au changement, et s’autoriser à continuer d’évoluer toute leur vie. J’ai été très impressionnée par le propos comme par la démonstration, qui donne de la dimension à l’intrigue pourtant en apparence simpliste de ce premier épisode. Ce monologue inspirant recourt non seulement à des figures historiques africaines, mais cite, aussi, des passages de l’oeuvre de Timocade.
Il y a sûrement d’autres références qui m’ont échappé, mais j’avoue avoir été intriguée par le mélange de chronique tranquille et de manifeste sur le sort économique de la jeunesse somalienne que propose Dhaxal. De quoi, en effet, cette génération a-t-elle hérité ? Que peut-elle en faire ? Je suis toujours fascinée par ces séries aux apparences humbles qui arrivent à en dire tant. Et au passage, dans un registre plus superficiel : mon Dieu que le somali est une jolie langue.
Jak Al Elm (2024)
Comédie
Un sitcom sans prétention sur une famille bédouine, qui commence (c’est de circonstance) le premier jour du mois de Ramadan. C’est le jour qu’a opportunément choisi Mary, l’employée étrangère de la famille Samel, pour tenter de négotier une augmentation de salaire. Lorsque celle-ci lui est refusée, elle décide carrément de faire sa valise et partir ! Voilà donc les Samel bien marries, d’autant qu’Abu Samel venait de discuter avec son voisin de samosas et que maintenant, eh bah, il a faim de samosas à la viande. Alors que faire ? L’intrigue comme la mise en scène ne semblaient au départ pas franchement casser trois pattes à un canard. Jak Al Elm s’enorgueillit de son format familial, dans lequel il y a rarement des tonnes de choses à analyser. Et pourtant, ce premier épisode prend un tournant amusant lorsqu’Um Samel, qui n’est pas la dernière des imbéciles, a l’échange suivant avec son époux, que je vous retranscrit ici parce que je l’ai juste trouvé délicieux :
– Je suis pas ta bonne, Abu Samel ! Pendant le Ramadan, les hommes trouvent la nourriture toute prête sans se fatiguer, et les femmes ne font que cuisiner.
– Les femmes ne font que cuisiner depuis la nuit des temps ! Pas les hommes.
– Ah mais je sais que les hommes cuisinent aussi quand ils sont dans le désert.
– Oui, ils cuisinent, et coopèrent, et préparent les meilleurs mets. Mais pas des samosas et des beignets !
– Je vais te montrer comment faire des samosas, sinon ya pas de petit-déjeuner. Tu vas apprendre ! Si tu veux des samosas tu les feras toi-même. Sinon, tu n’as qu’à les commander dans un restaurant ou demander de l’aide à tes amis.
– Oh mais j’ai peur de les faire carrés.
– Qu’ils soient carrés ou ronds, si tu veux en manger, tu vas m’aider.
Allez, pan dans les dents. Pas d’excuse sexiste, pas d’incompétence stratégique : malgré les tentatives d’Abu Samel (haha, quel pays arriéré l’Arabie saoudite, ça n’arriverait pas en France ça, hein ?), il ne lui est laissé aucun choix. Acculé, Abu Samel se retrouve donc à préparer ses fichus samosas à la viande, et le pire c’est que de l’aveu même de sa femme qui pendant ce temps est au téléphone avec sa meilleure amie, ses samosas sont meilleurs que ceux qu’elle prépare elle-même. Or, la meilleure amie d’Um Samel est bavarde, et à son mari qui ne l’aide pas assez en cuisine, elle a lancé le fameux « tu vois, Abu Samel lui il cuisine des samosas à sa femme, pourquoi tu me fais jamais des samosas toi ? ». Vous-même vous savez. Il n’en fallait pas plus pour que la rumeur courre parmi le cercle amical d’Abu Samel que celui-ci cuisine des samosas, alors que c’est un homme ! Preuve que le monde marche sur la tête. Abu Samel fera-t-il marche arrière après être humilié par ses copains sur son groupe WhatsApp ? Et si oui, que mangera-t-on pendant le mois saint ?!
Bon, j’avais prévenu, c’est pas de la grande télévision ; Jak Al Elm est une gentille comédie domestique, avec des gags un peu basiques et des protagonistes stéréotypées. Mais ça m’a plu, ce renversement des rôles et cette exploration des rôles genrés ; malgré quelques peurs (il y a un moment où l’humiliation fait dire à notre homme qu’il ne cuisinera plus jamais, et j’ai bien cru qu’on allait faire marche arrière), finalement l’épisode se conclut sur un ultime retournement de situation. Ainsi, non seulement le digne Abu Samel fait maintenant ses samosas lui-même, mais en plus il va apprendre sa technique à son fils ! Qui n’aime pas un bon happy ending ?
…Par contre regarder cet épisode m’a donné une de ces envies de samosas, à moi !
Taj (2024)
Drama, Historique
L’histoire coloniale de la France, c’est encore les autres pays qui en parlent le mieux.
Taj est le nom d’un ancien boxeur qui en 1936 occupe plusieurs rôles : celui de père, de mari, d’entraîneur… et de révolutionnaire. Le premier épisode nous replonge en effet dans la période du mandat français. Taj est en première ligne pour organiser des manifestations, des grèves, et même une tentative d’assassinat envers le colonel Jules, l’un des officiers français les plus violents. La tentative, hélas, échoue in extremis, et Taj prend la fuite avec deux de ses camarades ; forcément, Jules décide de le rechercher activement (sous le nom de code « Ciseaux »), et obtient une information quant à la maison que le groupe utilise pour s’organiser, et comme cache d’armes. Sauf que le jour du raid subséquemment organisé par le colonel, Taj n’est pas là : il a été arrêté quelques heures plus tôt pour un motif plus bénin. Il n’en faut pas plus à son entourage pour l’accuser de trahison, et lui reprocher le massacre de ses camarades. Commence alors une lente descente aux Enfers qui lui fait perdre un à un tous ses rôles : révolutionnaire, entraîneur et mari. Fort heureusement, il conserve la garde de sa fille (…après que son épouse l’ait quitté).
Cinq ans plus tard, Taj est à la dérive… Toutefois, en 1941, la situation géopolitique a changé. Taj parviendra-t-il à retrouver son honneur ? Une question indémêlable de l’honneur et l’indépendance de la Syrie, bien-sûr.
Taj (évidemment à ne pas confondre avec la série indienne du même nom) est impressionnante par son ambiance étonnamment feutrée. La plupart des scènes se déroulent de nuit ou au moins dans des pièces sombres ; on y trouve de beaux tableaux contemplatifs ; les personnages s’expriment presque toujours d’une voix calme, presqu’à voix basse ; des chansons d’amour tristes occupent le fond sonore de nombreuses scènes… Le résultat est mélancolique avant même que les choses ne tournent au vinaigre pour le héros. Je n’ai même pas trouvé l’acteur particulièrement bon, mais même comme ça, la série réalise un sans-faute avec cette introduction.
Umm-e-Ayesha (2024)
Drama, Romance, Religion
Ayesha a 23 ans (c’est même son anniversaire dans le premier épisode), et c’est une jeune femme épanouie et pleine d’énergie. Elle jongle entre ses études, sa dévotion à sa famille, et sa dévotion religieuse. C’est un peu la fille idéale ! Mais justement, jongler avec tout cela ne manque pas de défis, et ce sont ces tiraillements qui sont au coeur de la série Umm-e-Ayesha, diffusée pendant le Ramadan cette année et également mise en ligne sur Youtube. Tournée dans les conditions du soap opera mais évidemment avec des références musulmanes (un mélange dont je ne me lasse jamais !), la série nous montre cette héroïne qui aspire à une pratique moderne de l’Islam. Elle a, par exemple, choisi de porter le hijab (nombre des autres protagonistes féminines de la série ne le portent pas), mais elle circule aussi en scooter à travers la ville (ce que plusieurs personnes réprouvent, y compris au sein de sa propre famille), et suit des cours à l’université qui d’ailleurs touchent à leur fin. Quel avenir pour elle ? Sa mère commence progressivement à parler mariage… mais est-ce ce que veut Ayesha ? Et si oui, sous quelle forme ?
Pour l’instant il est un peu tôt pour le dire, ce premier épisode exposant les personnages, leurs dynamiques et leur dilemmes moraux sans trop s’avancer encore quant à la suite de l’intrigue. Il faut dire que des personnages, il y en a vraiment beaucoup ! Outre Ayesha, son père (qui l’encourage), sa mère (plus conservatrice), sa tante, ses deux soeurs et son cousin, Umm-e-Ayesha nous présente une autre famille, celle d’Aswad, un jeune homme qui travaille avec son père et qui dans le même temps sort régulièrement avec ses potes, ainsi que sa cousine à laquelle sa tante permet tout. Leur existence plus moderne désespère la mère d’Aswad, qui est elle aussi plutôt conservatrice et préfèrerait un peu plus de convenance dans le style de vie de sa maison. Elle espère secrètement qu’Aswad va se marier à une bonne musulmane qui le fera rentrer dans le rang.
Ayant vu une ou deux séries dans ma vie, je pense que je ne m’avance pas trop en présumant qu’une romance (plus ou moins arrangée ?) se profile pour Ayesha et Aswad. Toutefois, ce n’est vraiment pas ce sur quoi la série insiste, mais plutôt sur l’état d’esprit de la jeunesse, et ses valeurs. Ayesha, bien-sûr, personnifie un idéal : sa toute première apparition dans la série consiste à venir en aide à deux femmes victimes d’un vol de sac à main, engueuler le voleur pour avoir présumé de la faiblesse de deux femmes… et engueuler les deux femmes pour se comporter comme des victimes (elles ont refusé de gifler le voleur pour lui donner une leçon). Plus tard, Ayesha, qui évidemment a d’excellents résultats universitaires, tancera sévèrement l’une de ses amies qui se réjouissait qu’une étudiante antagoniste ait raté quelque chose ; selon Ayesha, il ne faut évidemment pas se réjouir de l’échec d’autrui, et surtout pas si cette personne est « mauvaise » car c’est alors se lancer dans une course à la médiocrité. Le propos est ici clair, et Ayesha a plusieurs fois l’occasion de démontrer que sa foi ne s’arrête pas à la prière, mais qu’elle en fait la démonstration dans tout ce qu’elle fait et dit. Ecoutez, c’est une série du Ramadan, je ne sais pas à quoi vous vous attendiez.
Cependant, la série ne s’arrête pas là, et donne aussi beaucoup d’importance au point de vue des parents, recentrant le débat sur l’éducation. Car une jeune femme comme Ayesha, ça ne tombe pas du ciel ; Umm-e-Ayesha se fait l’écho de la meilleure façon d’élever de jeunes adultes musulmanes dans le Pakistan d’aujourd’hui. Faut-il s’adapter à un monde qui change, et si oui, à quel point ? Où est la nuance entre permissivité et ouverture d’esprit ? Entre préservation des convenances qui importent et rigidité superflue ? Plus que d’offrir un role model en la personne d’Ayesha, la série s’interroge sur la façon dont la société dans son ensemble a son rôle à jouer dans ce que sont et font les adultes de demain. J’ai vu passer de très intéressants articles félicitant Umm-e-Ayesha pour parler de la discrimination envers les jeunes femmes portant le hijab (haha, quel pays arriéré le Pakistan, ça n’arriverait pas en France ça, hein ?), de références à des figures historiques/religieuses féminines (Ayesha mentionne par exemple Khawla et Zaynab bint Ali), de l’importance du soutien de la figure paternelle à l’autonomie des filles (dans le respect de leur personnalité), ou encore de la nécessité d’encourager l’indépendance des Pakistanaises (ce qui se matérialise ici par le scooter d’Ayesha).
Et apparemment, Umm-e-Ayesha est l’un des plus grands succès pakistanais de ce début d’année ! Je trouve que ça réchauffe le coeur.
Je.
Non mais franchement. Qu’est-ce que le fuck ? Le poster de la série japonaise Messou mo Nai m’a laissée bouche bée. Pourtant j’en ai vu quelques uns, des posters hallucinés (y compris au Japon), mais alors celui-là est juste… je sais pas quoi vous dire. Il casse mon cerveau. C’est profondément perturbant et en même temps il émane quelque chose de calme, presque serein de ce tableau, malgré son côté quasiment horrifique. Tout cela colle plutôt bien au synopsis, qui mélange apparemment surnaturel et spirituel, en même temps. Reste que ce poster m’a obsédée tout ce mois d’avril.
Ne me laissez pas oublier de reviewer le premier épisode, d’ailleurs, vu que j’ai réussi à mettre la main sur des sous-titres.
Je n’ai pas toujours le temps ou la capacité à répondre à chaque commentaire, mais croyez-moi ils sont lus et appréciés ! Ce mois-ci on revient, au travers de ce commentaire de Mila, sur la culture téléphagique.
C’est compliqué d’acquérir de la culture télévisuelle de nos jours, j’ai l’impression. Entre la vague de la « Peak TV » qui nous a submergées de séries neuves semaine après semaine pendant des années, et le désintérêt patent des plateformes de streaming pour les séries de plus de 10 ou 15 ans (à l’exception de quelques titres déjà connus de « tout le monde »), il est pour commencer assez difficile d’avoir accès à pas mal de séries anciennes. Et donc d’avoir ne serait-ce que connaissance de leur existence.
Et puis surtout, cette culture de l’immédiateté s’est accompagnée de tout un discours ambiant sur « la série à voir ce mois-ci » et « le nouvel âge d’or de la télévision », laissant assez peu de place à des retours en arrière. Avec en plus la crise de la presse internet spécialisée, ça ne s’est pas arrangé. Celle-ci s’est trouvée réduite à du clickbait pour survivre, donc bien souvent forcée de se limiter à la mise en lumière de séries populaires au détriment des autres. L’un des effets secondaires de cette pression s’est matérialisé par une tendance à rabâcher régulièrement les mêmes titres de séries pour faire de l’audience (genre trouver une excuse pour parler de Friends ou Buffy bien que les séries n’aient évidemment pas d’actualité, sortir 712 articles sur Game of Thrones, etc.). Du coup, on s’est collectivement retrouvées pendant un long moment dans un couloir faisant abstraction de toute histoire télévisuelle… et, potentiellement, pas très propice à construire l’histoire télévisuelle de demain.
A quoi bon ? On ne fera jamais autant d’audience/de vues avec de vieux épisodes qu’avec une série dont personne ne sait rien, qui vient d’être balancée sur Netflix en milieu de semaine, et que tout d’un coup il faut absolument avoir vue.
Devrait-on compter sur les spectatrices pour combler leurs « lacunes » ? C’est beaucoup leur demander quand rien n’est fait pour le leur faciliter. C’est un peu ce qui m’a fait perdre la foi dans les articles historiques, d’ailleurs : à quoi bon citer des noms de séries qui sont aujourd’hui impossibles à trouver ? Qui ça aide, au juste ?
…Surtout quand le téléchargement n’est plus dans les habitudes de la plupart des spectatrices, et que les options pour voir d’anciennes séries légalement se comptent sur les doigts de la main d’un manchot. Dans le cas de ma rétrospective de comédies françaises des années 80, à part Madelen, il n’y a PERSONNE sur ce terrain. Personne. Je sais bien combien d’heures j’ai passé à enquêter sur les épisodes que j’ai reviewés ; je ne vous parle même pas de ceux que j’ai cherchés et sur lesquels j’ai fait chou blanc (Vivement Lundi, ma grosse déception téléphagique de 2024, ironiquement).
Qui, aujourd’hui, a la capacité à dépenser autant de temps et d’énergie à des fouilles archéologiques ?
Donc quand je vois des commentaires comme celui de Mila, des « eh bien après avoir lu tout ça, je m’aperçois que je connaissais pas », je ne suis pas surprise. C’est complètement normal. On est dans un système télévisuel où à l’heure actuelle, il n’y a aucun moyen ne serait-ce que de savoir qu’on ignore des pans entiers d’histoire. Encore aujourd’hui j’ai vu quelqu’un dire : « j’ai trouvé [un film] formidable. J’avais vu des critiques en mode rien ne le distingue d’un téléfilm. Ben le jour où Hitchock fait des téléfilms, avec des acteurs tous excellents, prévenez-moi ». Bah mon ami, voilà, je te préviens. Deux fois, même. Tu pouvais pas savoir que tu ne savais pas, honnêtement.
Tout ça pour dire : contente d’avoir pu contribuer un tout petit peu à améliorer les choses pour la vaillante poignée de personnes qui me lisent. Et d’ailleurs, contente de lire que ça aide un peu ; c’est le genre de choses qui me fait retrouver la foi dans les articles portant sur les choses plus anciennes. Même si j’admets bien volontiers que le Take Five d’avril ne reflète pas trop ce sentiment !
…Bon allez, je m’arrête là. Assez causé de moi. Et vous, qu’avez-vous vu ce mois-ci ?
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