Il y a quelque chose dans l’air ? Qu’est-ce qui se passe ? Cette année, trois diffuseurs américains ont décidé de commander des séries très similaires… et vu qu’elles n’ont pas vraiment l’excuse d’avoir un pitch super commun (comme, mettons, un police procedural par exemple), ça crée un drôle de hasard. Pourquoi tout d’un coup ces séries sur des couples atypiques sont devenues la marotte des chaînes US, on ne saura pas. Toujours est-il que ce soir sur le network étasunien, ABC va ouvrir les hostilités avec The Company You Keep, dans laquelle un ex-escroc et une flic tentent de faire fonctionner leur couple malgré tout ce qui les sépare ; ce à environ deux semaines du lancement de True Lies sur CBS et Paramount+, où une femme découvre que son époux est un espion, et en amont Mr. & Mrs. Smith, sur un couple d’espionnes qui acceptent un nouveau job qui secoue leur relation, et qui devrait atterrir dans les mois qui viennent sur Amazon Prime Video. Les histoires changent, mais l’idée qui les sous-tend, pas vraiment : il s’agit avant tout de reconsidérer le couple au prisme des activités professionnelles de chacune, qui agissent comme un révélateur de ce que l’on ignore sur l’autre, et qu’il faudra donc redécouvrir et accepter bien que sur le tard.
C’est toujours marrant à observer, ces mini-tendances…
La coïncidence est ici d’autant plus confondante qu’aucune de ces trois séries n’est totalement inédite ! Mr. & Mrs. Smith est l’adaptation d’un film de 2005 (rien à voir, en revanche, avec la série éponyme de 1996), True Lies est, évidemment, basée sur le film du même nom sorti en 1994… et The Company You Keep ? C’est sûrement l’adaptation qui ressemblera le plus à un projet original, vu qu’elle est un remake US d’une série sud-coréenne, que beaucoup n’ont donc pas vue.
Gungmin Yeoreobun! (ou My Fellow Citizens! de son titre international) a initialement été lancée en 2019 par le diffuseur public KBS. C’est la seule série du lot qui ne soit pas explicitement intéressée par l’espionnage, bien que le concept de double-vie subsiste (et puis il faut bien des variations !). Comme je n’avais pas regardé la série originale, et que je gage que la majorité d’entre vous non plus, voici donc une review du premier épisode.
En fait, cette introduction est plus ou moins coupée en deux : pendant une bonne partie de l’épisode, on découvre Yang Jung Kook, un escroc qui est, au moment où nous faisons sa connaissance, sur le point d’achever le plus gros coup de sa carrière. Et probablement le dernier. Il s’agit en effet d’arnaquer un usurier, auquel il fait croire qu’il a monté un business juteux au Venezuela afin d’échanger des billets en monnaie locale contre des won. L’idée fonctionne, d’autant que Jung Kook a un allié parmi le staff de sa cible, et le voilà bientôt en possession d’une rondelette petite somme qui devrait le mettre à l’abri pour le restant de ses jours. Oui, même en divisant la somme, puisque sa petite amie Hee Jin est aussi dans le coup, ainsi que deux complices, Charles et Seung Yi. Il n’y a plus qu’une seule chose à faire après avoir réussi ce tour de force : faire profil bas pendant 6 mois, d’autant que les billets sont probablement marqués, et ensuite toucher le pactole. Franchement, le plus dur est fait ! Dans le soulagement ambiant, Jung Kook propose même à Hee Jin de l’épouser, et elle lui dit oui. Pour un arnaqueur, franchement c’est le scénario idéal… Jusqu’au lendemain, quand il s’avère que Hee Jin s’est tirée avec tout le pognon. Réussissant enfin à la contacter par téléphone (de justesse : elle était sur le point de monter dans son avion !), Jung Kook découvre que si ses sentiments à lui étaient sincères, ceux de Hee Jin, en revanche, ne l’ont jamais été. Après ça, il fait la tournée des bars et des clubs pour essayer d’oublier sa souffrance.
Une fois ces éléments posés, nous repartons en arrière de quelques heures pour découvrir une autre protagoniste : Kim Mi Young. Policière chevronnée, elle est positionnée avec son partenaire dans un véhicule de surveillance aux abords d’un love hotel ; mais interrompt la procédure lorsqu’elle repère un véhicule familier qui s’engage dans son parking. Dégainant sans plus réfléchir sa batte de baseball, elle se précipite dans le motel pour découvrir… son petit ami, en charmante compagnie. Ce connard la trompait depuis un bon moment, et en plus il a le culot de prétendre que c’était par inquiétude pour elle, vu qu’elle fait le métier peu féminin de policière et qu’en plus elle y risque sa vie. Mais Mi Young n’est pas le perdreau de l’année, et ça ne prend pas. Elle plaque le gars, là, comme ça, en plein motel, encore en caleçon, pleurant comme un bébé… Après ça, elle fait la tournée des bars et des clubs pour essayer d’oublier sa souffrance.
Si ça a l’air court, c’est parce que ça l’est, pour une série sud-coréenne. Ce premier épisode dépasse à peine la demi-heure. Pourquoi ? Eh bien parce que, comme on le disait à propos de Jojak, les chaînes sud-coréennes ont commencé à explorer des idées pour insérer plus de publicité tout en se conformant à la loi, et proposer des épisodes de 30 minutes fait partie de ces idées de génie. Gungmin Yeoreobun! pratique exactement la même technique, et donc je vous invite à vous référer à la review de Jojak (ou au moins à la première partie de celle-ci) pour en comprendre les enjeux, notamment dans le cadre d’une review de pilote.
Ici, la question est d’autant plus saillante qu’on est donc devant une série qui va avoir un remake sous la forme d’un drama (donc d’une durée d’une heure, publicités comprises… et vous inquiétez pas qu’un network US ne va certainement pas de priver de coupures de publicité, lui !). Il « manque » donc des choses à ce premier épisode, qui se trouveront probablement dans The Company You Keep ce soir… à commencer par une troisième protagoniste, qui dans Gungmin Yeoreobun! n’apparait pas avant le deuxième épisode. Mais les deux personnages introduits dans ce premier épisode n’ont même pas encore interagi non plus !
Et c’est d’ailleurs certainement le meilleur moment, en tout cas le plus touchant et bien fichu : les heures qui suivent la rencontre entre les deux protagonistes, et leur décision de noyer leur chagrin dans… une relation ensemble ! L’idée de génie est donc que Mi Young et Jung Kook commencent à se fréquenter, sans attaches, avec l’idée que si ça colle entre eux eh bah très bien, et si ça ne marche pas eh bien personne n’aura rien perdu. Or, ça marche bien, ça marche même tellement que Jung Kook finit par la demander en mariage…
Sauf qu’évidemment, il ne lui a pas dit qu’il était escroc (parce que bah c’est illégal donc), et elle ne lui a pas dit qu’elle était flic (parce que ça dégoûte les mecs), et les surprises commencent donc après le mariage. Dans le deuxième épisode, on a même droit à un fast forward de deux ans qui montre que la révélation (partielle) des cachotteries a largement refroidi les relations de couple. A charge pour la série, entre autres choses, de mener ces deux personnages vers un peu plus d’acceptation… non sans péripéties au passage, quelques unes assez surprenantes si on en croit la toute première scène de la série.
N’ayons pas peur des mots, Gungmin Yeoreobun! est plutôt une dramédie, voir une comédie en single camera, qu’une série dramatique. Beaucoup d’élements l’engagent sur le terrain de l’humour, qu’il s’agisse bien-sûr de la situation initiale, de certains retournements de situation (…attendez de découvrir la mère de Young Mi), de certaines répliques, et de l’interprétation. Il y a de jolis moments, mais pour l’essentiel c’est une romcom, avec autant de rom que de com. Pour le coup, ce côté comique fonctionne vraiment bien sur un format d’une demi-heure (même si ce n’était pas nécessairement le but à la base), parce que le format court s’accommode bien des changements de ton, du montage énergique, et du côté très léger de ce démarrage.
Alors évidemment, il y a des choses que The Company You Keep va probablement changer, non seulement parce que toutes les adaptations font des choix (c’est même leur boulot), mais aussi parce que dans le cas présent, certains de ces choix sont peu ou pas adaptés au changement de format. Personnellement, comme je ne regarde jamais les trailers, je me réserve la surprise pour la découverte du premier épisode… et au pire, si ça ne marche pas, des séries similaires, ce n’est pas ça qui va manquer dans les prochains mois.