Ce n’est pas que Blue Beetle n’ait rien à apporter au genre (très fourni) des films de superhéros. C’est que Blue Beetle n’ose pas vraiment. Ses scènes portant les moments dramatiques les plus intenses, le film préfère les tourner à la dérision ou au moins à la rigolade, jouer sur l’absurde, sur l’inimaginable. Il y a des passages atroces, et beaucoup de violence dans ce film, mais il fait mine d’en ignorer la substance (la « rencontre » du héros avec Khaji-Da relève du body horror le plus cauchemardesque, mais on pourrait croire qu’il s’agit d’un épisode de Benny Hill vu les efforts produits par la réalisation pour amenuiser son effet). Seul le deuil d’un des personnages est (brièvement) traité avec sincérité, comme si Blue Beetle n’acceptait la tragédie que lorsqu’elle semble universelle, c’est à dire accessibles aux personnes blanches… et encore, c’est en grande partie à des fins de développement personnel que cet ingrédient sert l’intrigue. Ce qui, d’autre part, est largement ancré dans la souffrance d’une communauté, le film ne s’épanche surtout pas dessus. La pauvreté ? Le racisme ? La gentrification ? L’omnipotence des multinationales ? Le trafic d’armes ? Le cycle infernal de l’interventionnisme américain dans les affaires internationales ? Non, non, vous comprenez, ça ce n’est pas drôle, inutile de le traiter comme un véritable thème. L’aborder en coup de vent, l’utiliser si ça sert l’action (« hahaha Nana était une révolutionnaire, la bonne blague« ), à la grande rigueur pour émouvoir dans les chaumières, devra suffire. On veut envoyer des signaux à la communauté hispanique (et sud-américaine au sens large) qu’elle est représentée, mais il ne faut surtout pas fâcher quiconque n’y appartient pas. Au risque de se complaire dans un énième exercice de whitewashing. Plutôt ironique, quand on y pense.
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