Concept plus ou moins maîtrisé d’une série à une autre : le prénom interdit. Alors que nous sommes à, pour arrondir, un mois du lancement des festivités de la rentrée (pilotes à foison, changements de cast dans les séries déjà lancées…), le problème va se poser du prénom interdit, avec, fatalement, quelques loupés en la matière.
Ah, alors : qu’est-ce que c’est que cette fameuse histoire de prénom interdit ? Le Petit Téléphage Illustré nous dit, page 236, édition 2008 :
Prénom interdit : prénom utilisé pour un personnage nouveau, mais qui a déjà été porté par un personnage majeur de l’histoire de la téléphagie par le passé.
Comme toujours, Le Petit Téléphage Illustré vole au secours de l’éducation des masses.
Pour vous en donner un criant exemple : l’année dernière, la palme du prénom interdit est revenue à Veronica de Better Off Ted. A l’effet : « hein ? Veroni-… ah, celle-là ! » propre au prénom interdit, s’ajoutait le second effet Kiss Cool, qui fait qu’on associe le prénom à un type de personnage, ici, la blonde cynique.
Avouez que ça va être dur à battre en cette nouvelle saison, tant le syndrome est merveilleusement illustré par le présent exemple.
Certains personnages dotés d’un nom hors du commun sont d’emblée hors de danger : Josiah, Angus, et autres Fox, sont relativement à l’abri, sauf à vouloir explicitement leur rendre hommage (j’ai par exemple des soupçons sur la ressemblance entre Buffy et Sookie).
Il y a aussi les petits flemmards qui ont d’emblée déclaré forfait, et qui optent pour un classique John, Mike ou encore Tom. Cette guerre n’est pas leur guerre, ils ont déjà rendu les armes.
Entre ces deux extrêmes, il y a tout le reste. Les prénoms qu’on espère avoir utilisés avant tout le monde, ou au moins, qui n’auraient pas été utilisés par un personnage marquant ces dernières années ; à cet égard, l’exemple Veronica est criant parce que quand Veronica Mars a déboulé, plus personne ne pensait aux Dessous de Veronica, alors qu’à son arrivée, la Veronica de Better Off Ted débarquait dans un univers où les téléphages pensaient encore à Veronica Mars, et même à l’éventuelle résurrection de cette série en film ; là se trouve la faute qui a fait basculer Better Off Ted dans l’univers parallèle du prénom interdit.
Chaque saison, il faut rivaliser de ruse et renouveler son abonnement auprès du Guide des Prénoms des éditions Atlas pour trouver, miracle, un prénom qui sorte un peu de l’ordinaire, et garantisse d’être protégé du fameux danger du prénom interdit.
Parce que le problème du prénom interdit, c’est qu’il refuse au personnage d’avoir son identité propre, parce qu’il rappelle trop celle d’un autre. Qu’y a-t-il dans un nom ? Tout le personnage, condensé en quelques lettres évocatrices. Et sur ce simple nom repose tout l’affect que le spectateur a placé dans un personnage qui lui est antérieur, et bloque le principe-même sur lequel le succès d’une série se construit : l’attachement. C’est un peu comme quand votre nouveau mec s’appelle comme votre ex, ça ne peut pas se faire sans aléas…
A la rentrée, nous aurons évidemment notre lot annuel de John, Mike, Tom et toute la clique. Et puis il y aura ceux qui auront pris le risque de braver le prénom interdit. Pour un nouveau personnage, c’est un défi en soi, même s’il semble relever du détail.
A plus forte raison parce que chaque spectateur a sa propre liste, toute personnelle, de prénoms interdits. Pour moi, il ne peut y avoir qu’une Fran, qu’une Reba, qu’une Roseanne, et d’ailleurs une seule Dana, aussi. Alors que de toute évidence il en a forcément existé d’autres que celles auxquelles je pense. Ces personnages qu’on peut se permettre de nommer uniquement par leur prénom, participent à la malédiction du prénom interdit.
Tremblez, scénaristes ! Le jour du jugement premier n’est plus très loin…