Dans les années 90, Fabián Delmar était l’acteur le plus célèbre de la télévision mexicaine. Au générique des telenovelas les plus populaires du moment, présent sur les écrans de toute la planète, en couverture de tous les magazines, apparaissant dans les rêves romantiques de toutes les jeunes femmes… Delmar était une immense star. Avec un ego proportionnel à sa célébrité !
…Mais ça, c’était les années 90. Depuis, les années ont passé. Après avoir disparu de la scène médiatique quasiment du jour au lendemain, Delmar tente pourtant de faire son comeback. Or, comme le souligne si bien la tagline de la dramédie El Galán : la télévision a changé, lui non.
Les séries mettant en scène des protagonistes ayant jadis connu la gloire ne sont pas rares (je vous en ai d’ailleurs mis quelques unes en référence, au bas de la review ici présente). Elles ont quasiment toutes comme point commun de présenter une notoriété effacée, et qui ne reviendra jamais, quoique l’on fasse. On ne peut être et avoir été… Toutefois, El Galán semble vouloir mettre une insistance particulière sur la façon dont ce n’est pas simplement la célébrité qui a échappé à son héros, mais le temps tout entier : il vit résolument dans le passé, mais pas simplement parce qu’il s’aggripe à une renommée écaillée. En fait, il est incapable de percevoir que le monde ne vit plus dans les années 90 tout court. Le premier épisode de la série veut vraiment en rajouter sur ce point.
Les dernières décennies, après avoir subitement disparu des radars dans son Mexique natal, Delmar les a passées à chanter sur des bateaux de croisière en Russie. Là, il joue le vieux beau tous les soirs, à chanter la sérénade à un public vieillissant qui l’a autrefois vu à la télévision, quand la telenovela qui l’a rendu célèbre, Serás Mía, nuit après nuit. Bizarrement les fans russes qui viennent s’émerveiller devant ses apparitions chantées semblent savoir très bien où le trouver, alors qu’El Galán prétend que personne au Mexique ne sait ce qu’il lui est arrivé… bon, admettons. Toujours est-il que c’est un boulot un peu miteux, mais qui lui a permis de vivre sur le peu de notoriété qu’il a encore… jusqu’à ce que la compagnie de croisière envisage de changer complètement son business model (en transformant le bateau en un gigantesque escape game à base de zombies ; en passant, je veux une série là-dessus). Refusant de se grimer en monstre alors qu’il est convaincu d’avoir entretenu l’image d’un sex symbol, Delmar claque la porte, et contacte son vieil ami (et apparemment ancien manager ?), Charly. L’occasion est parfaite pour revenir au pays.
A son arrivée, non seulement Fabián Delmar n’a pas l’air de se douter qu’il n’est pas attendu comme le Messie, mais en plus il a l’air de tout ignorer de 2022. Bon, la pandémie, il est au courant, quand même. Mais les smartphones, connaît pas. Instagram (ou n’importe quel réseau social), connaît pas. Il ne sait même pas ce que veut dire « viral », quand Charly lui annonce qu’il va falloir qu’il le soit s’il veut se faire remarquer sur internet. J’ai même cru qu’il allait demander ce qu’est internet, à un moment. Delmar utilise toujours un énorme téléphone portable des années 90 ; il a même réussi à passer un appel à partir d’une cabine téléphonique (?!) quand celui-ci ne fonctionne plus. C’est assez incroyable qu’El Galán accumule ces détails, parce que dans le fond, on n’en a pas besoin tant la description de la célébrité fanée de Delmar se suffit à elle-même. En outre, la reconstitution de scènes entières de la telenovela (imaginaire) Serás Mía fait déjà un très bon travail en matière de reconstitution d’une ère lointaine (si vous avez aimé Pôr do Sol pendant SeriesMania, vous aimerez sûrement ces passages d’El Galán).
Mais non. La série veut vraiment nous dire que ce n’est pas juste la perception de lui-même, mais la perception du temps qui n’est pas au point chez Fabián Delmar. Un choix intéressant…
…Même si, au départ, il ne semble pas si fascinant que ça. Le premier épisode continue de prouver à Delmar (qui n’est clairement pas prêt à entendre cette vérité) qu’il est désormais fini au Mexique. Surtout qu’il ne veut surtout rien changer ! El Galán accumule les démonstrations du ridicule de ce type qui a une image faussée de l’impact qu’il a sur autrui ; la seule fois où il trouve un public ravi, c’est dans une maison de retraite… mais même là, ça ne semble toujours pas lui arriver au cerveau. El Galán est-elle le genre de farce dans laquelle une célébrité vieillissante sur le retour va constamment s’humilier devant nous ? Delmar va-t-il, épisode après épisode, se ridiculiser en vivant hors des codes de notre époque ? Est-ce que je vais avoir besoin de retourner faire de l’hypnothérapie pour oublier ce que j’ai vu comme après mon visionnage de The Comeback ?!
Il faudra attendre les toutes dernières minutes de cet épisode inaugural pour qu’enfin, on nous donne une dimension plus dramatique à se mettre sous la dent. Qui, certes, n’explique pas tout du décalage de Delmar avec le monde, mais promet, au moins, d’en explorer les ressorts, les conséquences, et potentiellement l’évolution.
Et ça, c’est une promesse intéressante, même si dans l’intervalle je ne doute pas que le pathétique Fabián Delmar continue de se rabaisser encore un peu. C’est, hélas, souvent une obligation dans ce genre de séries, qui ne connaissent pas d’autre moyen d’apprendre l’humilité à leur protagoniste…
« qui ne connaissent pas d’autre moyen d’apprendre l’humilité à leur protagoniste… », j’avoue que c’est pour ça que je ne regarde que peu ce genre de séries… J’ai beaucoup aimé Schitt’s Creek, mais j’ai passé toutes les saisons à sauter pas mal des scènes de Moïra pour cette exacte raison.