La vague de nostalgie qui envahit la télévision étasunienne (et en particulier ses diverses plateformes de VOD) n’en finit pas de m’étonner. J’ai si souvent l’impression que le public, en pratiquant plusieurs médias, en ayant de plus en plus de choix, et en vivant en des temps peu propices à la naïveté en général, est plus cynique que jamais. Et pourtant, nous y voilà : les revivals nostalgiques se succèdent, preuve que quelque part, quelqu’un doit les regarder et même les apprécier.
Cette semaine, c’était le tour de Punky Brewster, et je crois que je n’ai jamais été autant interpelée par tout cela que devant son premier épisode.
Le re-premier épisode de Punky Brewster est pourtant des plus classiques. C’est la formule qu’ont choisi de nombreux revivals avant elle (et sans doute après), consistant à essayer de présenter les mêmes personnages, interprétées par les mêmes actrices, plus ou moins dans le même contexte, mais avec des décennies de plus. L’épisode multiplie les contorsions pour nous dire que même si tout a changé, rien n’a changé.
On pourrait difficilement le faire plus explicitement que dans cet épisode réintroductif : Punky est peut-être une divorcée qui élève trois enfants aujourd’hui, mais elle porte toujours des chaussures dépareillées. Les intrigues ont changé mais les symboles restent. C’est assez cosmétique, dans l’ensemble, et Punky elle-même l’avoue à demi-mots lorsqu’elle admet avoir l’impression de s’être perdue avec les années et les épreuves, et se réfugie dans des détails comme ses godasses pour essayer de se rassurer. Sauf que c’est surtout les spectatrices qu’il faut rassurer. Alors pour bien enfoncer le clou, Punkier Brewstier répète les clins d’oeil sans aucune subtilité (parler au portrait de feu Henry Warnimont, par exemple), on réintroduit des personnages secondaires qui ne sont là que parce qu’ils ont un air familier (rien ne nous sera dit à propos de Cherie qui ne serve l’intrigue de Punky ; mais bon, c’est aussi parce qu’elle est noire), et on rappelle des points essentiels de l’intrigue de la première série comme des psaumes (on ne sait jamais, si on les invoque juste une fois de plus, peut-être que la magie opèrera comme au premier jour).
On ne peut pas accuser Punkiest Brewstiest de nous chambouler, et ce n’est pas son rôle. Son job, et sous un certain angle je suppose qu’il est bien fait, est de nous conforter dans ce que nous savons déjà. La télévision nostalgique c’est avant tout de la télévision de sécurité ; on ne peut pas tout avoir, c’est soit les souvenirs soit une série plan-plan. Même si ce dont nous nous souvenons est, avec les décennies, réduit à peau de chagrin. En saurions-nous autant sur la première série en lisant le résumé au dos des DVD ? Oui, mais plus personne n’achète de DVD alors tout va bien, on peut se contenter du service minimum, et limiter l’affection pour la série à des chaussures dépareillées et un soleil peint sur une vitre dans l’arrière-plan.
Entre nous soit dit, je ne sais même pas vraiment s’il y avait tellement plus à dire sur la série d’origine. Alors dans le doute je suis allée relire ma review du pilote original de 1984. Une review qui remonte non pas à 1984 (je ne savais pas écrire quand la série a été lancée ; je veux bien être précoce m’enfin peut-être pas à 2 ans quand même) mais à 2012, lorsque je me suis lancée dans un visionnage du premier épisode, et ai découvert qu’il était en réalité constitué de trois parties.
Un visionnage ouvertement motivé par… la nostalgie.
A ce stade j’ai bien été obligée de prendre une pause, histoire de méditer à la critique lapidaire que je m’apprêtais à écrire. Inspirer, expirer, inspirer… Pourquoi est-ce que j’en veux autant à 2Punk2Brewster pour ses méthodes de revival facile ?
Est-ce précisément parce que cette fois, c’est pour une série envers laquelle j’éprouve réellement de l’affection (avec tout l’irrespect que je dois à Fuller House) que mes attentes sont différentes ? Pourtant il suffit que je me relise pour réaliser que sans ce revisionnage il y a 9 ans, moi non plus je ne me souviendrais que des choses les plus cosmétiques dans la série. Et encore, dans le meilleur des cas. La plupart des gens n’ont pas 72 minutes à passer dans des revisionnages de vieux pilotes pour se remettre les détails d’un simple pilote en tête… alors pourquoi le scénario d’un revival n’en tiendrait-il pas compte ?
Mais surtout, j’ai l’impression que c’est moi qui suis devenue cynique. En voilà une autre qui s’est perdue avec les années et les épreuves, tiens. Il devrait pourtant y avoir de la place pour des revivals simplistes dans une alimentation télévisuelle équilibrée. Et la preuve est qu’il y en a, de la place ! Alors pourquoi en attendre autre chose ?
Au juste, je ne suis pas certaine de ce que je voudrais à la place ; on ne peut pas dire qu’une version dans laquelle Punky Brewster serait devenue tueuse en série (ou pire, enquêterait sur un tueur en série) soit tellement plus souhaitable, par exemple. On ne peut absolument pas faire de gritty remake de Punky Brewster, quasiment par définition. Ce serait une pire trahison encore ! Tout bien pesé, les choix opérés par cette nouvelle série font totalement sens.
Il n’est pas erroné de dire que ce premier épisode n’est, fondamentalement, pas très bon. Sa structure est scolaire, ses personnages transparents, ses tentatives pour paraître actuelle sont grossières, et son humour n’est en réalité pas très drôle. Peut-être que j’aurais aimé rire sincèrement à ce que fait ce premier épisode lorsqu’il prétend être drôle. Il y a les rires placés au bon moment pour m’indiquer quand le faire, en plus (décidément je ne m’y ferais jamais, aux rires dans Punky Brewster). Mais rien à faire. Dans mon souvenir, la série d’origine savait être drôle… mais c’est aussi ça, l’effet de la nostalgie. Les années qui passent embellissent les choses (un peu comme quand mes souvenirs du premier jeu des Sims, sorti en 2000, sont en 3D).
Bien-sûr, tout ce que fait cette nouvelle mouture est facile mais… la série d’origine était avant tout une série pour la jeunesse, avant, bien avant, que celles-ci ne soient reléguées à des chaînes spécialisées. On ne parle pas de revivals de… non vous savez quoi, j’allais donner des exemples mais je veux pas tenter le sort. Disons simplement que cette vague de revivals, en grande majorité, ne touche pas les séries les plus complexes et intelligentes de leur décennie. Cela ne signifie pas qu’il est impossible de faire quelque chose de futé (Saved by the Bell l’a prouvé l’an dernier), mais ce n’est absolument pas le but du jeu, parce que d’un âne on ne fera jamais un cheval de course. Et pourtant ça me coûte à dire, précisément parce que je l’aime, mon vieil âne.
En fait, la seule façon d’apprécier ce retour de Punky Brewster, c’est d’essayer d’interroger le moins possible cette histoire de nostalgie. La téléphagie, ce n’est pas qu’une question de qualité, de toute façon. Affirmer le contraire, c’est passer à côté de ce que fait toute forme artistique : susciter des émotions. Et parfois, tout ce qu’on veut, c’est ressentir la profonde conviction qu’on est en terrain familier, et qu’on est rassurée. Juste parce qu’on peut consacrer une petite demi-heure à se réjouir que Punky continue à porter des chaussures dépareillées.
Être rassurant, en ce moment, ce n’est pas la moindre des ambitions, après tout, et certains jours on dirait même que seule la nostalgie peut nous tirer de nos pensées les plus sombres (« maybe the world is blind or just a little unkind » hits different, comme disent les jeunes). Alors va pour Punky Brewster.
Je ne connais pas la série originale (si toi tu étais jeune et moi donc xD) donc je n’ai aucun attachement à elle, quand les remakes de séries que je regardais gamine arriveront, ça fera bizarre (enfin je dis ça, mais le remake de Charmed a déjà quelques années). J’ai bien ri aux noms fictifs de la série que tu as choisis.