Preuve que quand on veut on peut, en quelques années, les séries historiques mettant en valeur de grandes figures féminines ont explosé. Les femmes n’ont pas fait l’Histoire !? Toutes les Isabel, Ekaterina, Ki, Victoria, Naotora, Sofia, Kösem, Elizabeth (…tous les tags appropriés sont en fin de review) viennent prouver le contraire. Soudainement les scénaristes les trouvent, les femmes qui ont fait l’Histoire, et pas seulement dans l’Histoire récente mais bien parmi des têtes couronnées lors de siècles précédents ! Le monde entier semble redécouvrir qu’il y a bel et bien eu des femmes qui, lorsque les obstacles légaux à leur règne daignaient être levés, ont été capables de diriger.
La télévision autrichienne ne fait pas exception, et a dégoté la sienne au 18e siècle en la personne de… *grande inspiration* Maria Theresia Walburga Amalia Christina von Habsburg. Mais la série s’appelle juste Maria Theresia, Dieu merci.
A l’origine, Maria Theresia devait être une simple mini-série d’un peu plus de 3h, une grande production exceptionnelle, co-produite par plusieurs pays aux côtés de l’Autriche (le découpage variant selon les diffuseurs ; pour ma part je l’ai vu en version allemande en deux parties, ce qui collait bien à la structure de la saison). Cependant, le succès lors de la diffusion en décembre 2017 a conduit la série à être renouvelée pour une deuxième salve proposée en décembre dernier, offrant des prolongations aux règne de son héroïne.
Il faut dire qu’il y a matière, puisque ledit règne a duré quatre décennies ! Maria Theresia s’amuse même à remonter encore plus dans le temps, en revenant sur l’adolescence (et brièvement l’enfance) de son personnage éponyme. Toute la première partie de la mini série est consacrée en fait à dévoiler pourquoi l’accession au trône s’est montrée si compliquée.
Parce que bien-sûr, qu’elle a été compliquée. Vous imaginez bien que dans un pays catholique comme le royaume d’Autriche, on ne voyait pas d’un bon œil la perspective de laisser une femme accéder au pouvoir, et Maria Theresia insiste sur tous les ressorts d’un tel mécanisme. Le pays tout entier est, si vous me passez l’expression, pendu aux lèvres de la reine consort Elisabeth Christine, qui n’a pour l’instant porté que des filles et ne va pas en rajeunissant ; l’empereur Karl VI lui-même est obnubilé par l’idée d’obtenir un fils. En fait, il est tellement convaincu qu’un héritier lui sera délivré un jour ou l’autre qu’il n’a pas vraiment d’ambition pour ses filles, Maria Theresia et sa cadette Maria Anna. Celles-ci sont éduquées pour la vie à la cour et pas grand’chose de plus ; aussi quand Maria Theresia s’éprend de l’héritier du duché de Lorraine, François, l’union n’est-elle pas vraiment remise en question par le roi. Sauf que plus le temps passe, et plus la possibilité d’avoir un fils semble improbable. Le principal conseiller du Karl, qui de toute façon pense qu’une femme à la tête du pays serait un signe de faiblesse que l’Autriche ne peut se permettre alors que l’empire est menacé de toutes part par de grandes puissances (les royaumes prussiens, français, ottomans…) met de son côté tout en oeuvre pour s’assurer qu’un mariage politique est conclu avec une personnalité bien plus importante qu’un simple fils de Duc.
A travers le début de cette intrigue se profilent les plus grandes qualités de Maria Theresia… et ses défauts : sa volonté de fer, son amour indéfectible pour François, son intelligence, ou encore son incapacité à suivre les conseils de son entourage. Des traits incarnés avec beaucoup de présence par l’actrice Marie-Luise Stockinger (entourée par un cast international parfois doublé en allemand).
Par moments la série semble la faire échouer exprès, tant son aveuglement à la raison (sans même parler de la raison d’Etat) la conduit à faire des erreurs. Alors certes elle est encore jeune quand la série commence, mais ses inimitiés n’ont parfois pas beaucoup de sens si ce n’est qu’elles compliquent encore plus les choses pour elles. A la fin de la première partie, malgré tout, grâce à son obstination à épouser l’homme dont elle est amoureuse (…c’est pas un spoiler si c’est dans les livres d’Histoire que vous n’avez pas daigné ouvrir !), notre héroïne trouve le bonheur et un coin de paradis en Toscane. Bien-sûr, les choses ne pouvaient pas rester ainsi, et Maria Theresia est bientôt appelée à monter sur le trône…
Cette saison n’est pas toujours très fine dans les articulations de son récit, et c’est forcément difficile quand on essaye de littéralement réécrire l’Histoire, en insufflant des émotions dans des titres princiers. Cela dit, dans l’ensemble, Maria Theresia se déroule plutôt bien pour nous décrire à la fois les difficultés de sa protagoniste à accéder au pouvoir, et les qualités qui font qu’elle le mérite, malgré tout ce que son entourage (en particulier masculin), peut penser. Evidemment, il faut accepter les règles du jeu de la série historique royale, c’est-à-dire très souvent royaliste, pour apprécier les développements ; par exemple l’entêtement de Maria Theresia dans la guerre contre la Prusse, après son arrivée sur le trône (et qui n’est certes qu’une réaction à l’invasion), signifie des milliers de mort, que la série traite quand même de façon plutôt accessoire en dépit d’une ou deux scènes vaguement tristes. Tout est présenté sous l’angle des réussites et des échecs de l’héroïne.
Et il est vrai qu’on a envie qu’elle réussisse ! Non parce qu’elle est une femme, mais parce qu’en dépit du fait qu’elle soit une femme, et que tout ait été fait pour que son sort soit décidé par d’autres, Maria Theresia est une femme qui se destine à être la maîtresse de son destin.
Je crois cependant que ce que j’ai apprécié le plus dans ces épisodes de Maria Theresia, c’est le fait que la série ne joue pas exclusivement la carte du « seule contre tous », souvent tentante dans ce type de fiction. En fait, notre reine a même une meilleure capacité à écouter les femmes de son entourage que beaucoup des hommes, et plusieurs personnages féminins, quand bien même ils sont résolument secondaires, brillent par leur conseil : sa sœur Anna, sa gouvernante la comtesse von Fuchs, et à l’âge adulte, la courtisane Elisa Fritz et même sa propre mère, Elisabeth Christine, avec laquelle pourtant les choses démarraient mal. Cela ne signifie pas que Maria Theresia est une série pleine de sororité, et les rapports de l’héroïne avec les hommes sont bien plus importants ; mais c’est l’époque et le contexte qui veulent ça, en grande partie. Au final, de celles et ceux à qui elle fait confiance aussi bien des autres, Maria Theresia devra apprendre à mettre de l’eau dans son vin pour parvenir à ses fins, quelque chose que son caractère ne rend pas naturel (d’autant qu’elle est assez peu intéressée par la vie de la cour, la diplomatie et… les relations interpersonnelles en-dehors de son mariage).
Le thème qui revient le plus au fil des années est souvent que la reine doit faire des compromis… mais que même ainsi, rien ne lui est garantit. Maria Theresia a beau être riche, protégée, puissante, et même aimée, rien ne semble lui être facile paradoxalement ; il y a une scène déchirante dans la seconde partie où d’ailleurs elle le résume très bien, tant ni les affaires d’Etat, ni le mariage, ni la maternité, ne semblent tourner comme elle le souhaite. Probablement parce que le monde n’était pas fait pour qu’une femme, et encore moins une femme aussi fière et décidée que celle qui nous est décrite, obtienne ce qu’elle souhaite.
Il ne l’est toujours pas. Maria Theresia, avec ses problématiques royales qui semblent datées, a aussi cet aspect résolument moderne dans la façon dont il raconte le destin d’une femme extraordinaire, mais à qui arrive un problème des plus ordinaires : dans un monde qui a tant de mal à voir les femmes comme des personnes, il est difficile de tout avoir. Certains jours il semble même qu’il semble difficile d’avoir quoi que ce soit…
« Maria Theresia Walburga Amalia Christina von Habsburg. Mais la série s’appelle juste Maria Theresia, Dieu merci. »
Pff, lâches. Mais c’est vrai qu’on voit de plus en plus de fictions historiques sur des femmes puissantes à la télé (avant cela, j’en voyais surtout dans les films, qui ont moins attendu, même si le traitement n’est pas toujours parfait). Et tant mieux.
« Sauf que plus le temps passe, et plus la possibilité d’avoir un fils semble probable. » alors, je peux me tromper parce que j’ai encore la tête dans le postérieur, mais est-ce que ce serait pas plutôt « improbable » ? Ou alors j’ai rien compris à la progression de l’histoire, ce qui ‘nest pas à écarter…
« (…c’est pas un spoiler si c’est dans les livres d’Histoire que vous n’avez pas daigné ouvrir !) » *silently nods in approval*
J’aime ta conclusion, bien que j’aimerais qu’elle ne soit pas juste, et le rappel du point de vue royaliste de cette fiction, et de beaucoup de fictions historiques, qui ne m’avait pas toujours frappée quand j’étais jeune, mais qui maintenant me saute bien plus aux yeux.
Ah goddammit, IMprobable. Stoopid, stoopid, stoopid. Je corrige.