Tu ne tueras point

20 avril 2017 à 18:00

Se présenter à Séries Mania, surtout pour regarder des séries internationales, correspond souvent à deux cas de figure : soit il s’agit de découvrir le début d’une série avant tout le monde, alors que dans quelques semaines voire quelques mois elle sera très largement disponible, soit il s’agit de regarder le début d’une série qu’on ne verra plus jamais, et qu’il faudra bien oublier.
Le cas de la série belge De Geboden est un peu à part : la série va effectivement disparaître de notre radar après le festival… mais elle finira par être diffusée dans son pays natal en 2019 ! C’est dire si on a le temps à la fois de se vanter de l’avoir vue avant tout le monde, et de l’oublier.
Mais oublier quoi, au fait ? Bienvenue dans la review de son premier épisode.

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Après avoir fait du bon travail dans une unité d’élite d’intervention, Vicky Degrave réalise qu’elle n’est plus à même de faire ce travail éprouvant depuis qu’elle a survécu à un grave accident de voiture voilà deux ans. La mort dans l’âme, elle est donc contrainte d’abandonner ce job pour un autre plus tranquille, pense-t-elle, au sein d’un commissariat classique. Devenue la partenaire d’un vieil inspecteur rôdé aux réalités du métier, Peter Devriendt, elle arrive dans le service précisément alors qu’une étrange affaire débute.

Tout avait commencé comme une affaire sordide mais hélas plutôt banale : une jeune fille de 17 ans est retrouvée égorgée. Il ne faut que quelques heures à la police pour suspecter que cette jeune fille musulmane a été exécutée par son propre oncle, un Turc venu tout spécialement en Belgique pour commettre ce crime d’honneur ; l’adolescente n’est en effet plus vierge (elle est même enceinte de trois mois) et fréquente un jeune homme blanc alors qu’elle a été promise à un mariage arrangé. Bref, les circonstances sont horribles, mais pas très mystérieuses.
Le problème de Devriendt et Degrave, c’est qu’il n’y a pas de preuve ni de témoignage permettant de coffrer l’oncle, et que celui-ci repart pour la Turquie dans quelques heures…
De Geboden n’a pas l’air pour le moment de proposer quelque chose d’excitant, mais c’est parce que vous ne savez pas encore que la nuit avant son départ, l’oncle de la victime est kidnappé, et brûlé vif. A côté de son corps brûlé (mais encore en vie : quelqu’un a arrêté les flammes et appelé les secours), une citation biblique du premier commandement. Toute la question est de savoir si cela a un rapport avec le SMS mystérieux que Peter Devriendt a reçu sur son téléphone juste avant que l’oncle de la victime ne soit attaqué…

Très franchement, même avec ce twist, on ne peut pas dire que De Geboden révolutionne le genre. Bien-sûr, beaucoup de choses sont encore en suspens, et l’orientation de l’enquête fera beaucoup pour déterminer dans quelle mesure la série belge s’est trouvé une personnalité propre. Mais même en l’absence d’indices forts à ce sujet, la série parvient à être très vite à accomplir d’autres choses annexes pas mal du tout.
C’est ainsi dans ses deux portraits principaux (Vicky et Peter), que De Geboden brille le plus. Les personnages ne sont pas manichéens, leurs réactions sont humaines et réalistes, et il ressort de chacun un mélange de douleur et de bonhomie tranquille qui fait du bien. Vicky, par exemple, continue de souffrir du dos, et semble terrassée par la douleur ainsi que la diminution physique qui résulte d’un accident pourtant vieux de deux ans. Pour autant elle ne tire pas la tronche à longueur d’épisode et s’avère être un personnage agréable à suivre dans son travail. Sans oublier qu’elle s’y montre très vite efficace. Quant à Peter, il est face à sa solitude (il est divorcé) et son impuissance (le devenir de sa fille unique lui échappe), mais la série ne le dépeint pas comme un personnage sombre ou torturé du tout, il est même plutôt gentil, dans l’ensemble, du moins tant qu’on ne le pousse pas dans ses retranchements.
Il s’agit là de portraits plutôt simples, et en même temps suffisamment complexes pour ne pas être dénués d’aspérités. Puisque le premier épisode prend tout son temps avant d’en arriver à son intrigue principale (cette agression, première d’une liste qui va continuer d’être inspirée par la Bible), avoir ces deux personnages intéressant à suivre et observer est précieux.

Le fait que l’intrigue se dirige vers une énième histoire de tueur en série d’inspiration religieuse pourrait effrayer. Mais De Geboden ne met pas du tout en scène de meurtre : à dessein semble-t-il, cet étrange attaquant se refuse à tuer qui que ce soit. Il semble plutôt adresser des avertissements quant aux conséquences qui attendent les criminels les plus odieux (celui du deuxième épisode, projeté hier et sur lequel je vais tâcher de ne pas vous spoiler, avait été introduit de façon très fine dans le premier épisode, et était la réponse que j’attendais à la question sur la représentation du racisme dans la fiction).
Et d’ailleurs si ça vous rassure, cette histoire d’agresseur de tueurs est consciente de sa proximité thématique avec Dexter, la série américaine étant mentionnée au détour d’un dialogue.

En-dehors de cette particularité, toutefois, on est dans une série policière assez classique, qui ne vient pas bousculer nos idées préconçues sur le genre, mais qui fait son travail avec une certaine sincérité. Très franchement, c’est toujours bon à prendre : tant qu’à être envahis de séries sur le sujet, autant que leur traitement soit solide.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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