Si je m’étais écoutée, j’aurais regardé le pilote de Kommissarie Winter deux fois ce weekend à l’occasion de Scénaristes en Séries. Le programme le permettait, en plus. Pendant ce weekend à tendance nordique (mais pas que, j’y reviendrai), il y avait des séries de toutes sortes, mais c’était réellement l’une des deux plus impressionnantes à avoir été projetées devant mes yeux. Je ne manquerai pas de vous parler de l’autre mais pour l’instant, souffrez un post où je ne parle que de cette série, mais quelle série !
Il faut dépasser son titre et son pitch assez peu originaux, pourtant, car derrière ses apparences de série policière banale se cache une perle dramatique et imprégnée de critique sociale.
En fait, le pilote n’en fait pas un mystère : sa scène d’ouverture annonce tout de suite la couleur, entre réalisation soignée, montage acéré et images percutantes (avec notamment un plan rapide mais glacial d’une victime se faisant littéralement exploser le visage au fusil à pompe sous nos yeux). Passé l’électrochoc, Kommissarie Winter est prêt pour sa lente exploration des ténèbres.
Plus qu’une enquête sur quatre meurtres, la série va s’attacher à dépeindre son contexte : une immense cité faite de barres de béton, qui n’est pas sans résonance avec ce que le spectateur français peut voir par-delà le périph’. Bloc d’appartements anonymes qui ne forment qu’une communauté d’yeux, la cité voit tout, mais la cité ne dit rien, et surtout pas aux flics qui ne sont pas les bienvenus, mais dont on tolère une partie des allers et venues tant qu’on maîtrise ce qu’ils peuvent voir et entendre. La cité devient un organisme vivant dont chacun fait partie, qu’il le veuille ou non, et qui présente une résistance sourde aux investigations de Winter et son équipe. Ou quand le béton se transforme en miroir sans tain…
Les questions que se posent les enquêteurs ne trouveront pas de réponse dans le pilote, car Kommissarie Winter n’est pas un formula show, contrairement à ce que son principe policier pourrait laisser penser. Attirés par le mystère insondable de la cité, les enquêteurs, et surtout Winter, reviennent inlassablement pour faire parler le silence.
Kommissarie Winter est avant tout une série qui fonctionne sur l’empathie. Winter s’immerge dans son ressenti, tente d’absorber celui des familles des victimes, des témoins, des gêneurs, il écoute avec une ferveur obsessionnelle la dernière chanson qu’écoutaient les victimes cette nuit-là… Peut-être que son collègue a raison et qu’il perd de vue l’enquête (et les pistes d’un mobile racial), mais en tous cas, à mille lieues des froids enquêteurs qui aiment à garder leurs distances dans les innombrables séries policières du moment, il se plonge dans le vécu de ceux qu’il croise, il s’immerge dans les émotions des autres, et refuse d’en sortir indemne. Ce serait trop facile. Comprendre qui a tué qui n’aide pas à comprendre la situation dans sa globalité, or c’est ça qui l’intéresse.
Comble de l’ironie, à chaque fois qu’il s’autorise à prendre de la distance, c’est là que la main invisible de la cité frappe, donnant lieu à deux scènes d’intense contraste entre l’insouciance éphémère de Winter et le chaos de la forêt d’immeubles.
Je ne vous cache pas que Kommissarie Winter me plaît plus par son abord dramatique que pour son enquête (c’est une constante dans mon rapport aux séries policières, ce qui explique que j’aie tant de mal avec les Experts, Bones et tutti quantico…), mais cela rend d’autant plus déchirante cette incertitude de ne pas voir la suite (ou en tous cas, vous pensez bien que je peux la trouver, encore faut-il dénicher les sous-titres, aventure qui exigera sans doute un peu plus que les 24h que j’ai eues depuis mon retour). Evidemment, ça n’arrive que quand on a un coup de cœur, des coups comme ça !
A vot’ bon cœur, M’sieurs-Dames.
J’avoue que ça c’est un gros problème à mes yeux le fait de savoir que j’ai de fortes chances de ne pouvoir voir que le début et pas la fin… Ca devrait être interdit de frustrer les gens ainsi. (J’espère maintenant pour toi que du côté anglais on sous-titre ce genre de série…).
(Sinon, Bones et Les Experts… Disons que le côté enquête passe quand même au second plan dans le premier… Mais j’aime le jeu de mot pour l’occasion… )
Maintenant, je suis pas tout à fait persuadé que la série pourrait être mon style (et puis, comme il y a de fortes chances que je ne puisse pas la voir, je me dis aussi que j’ai raison de ne pas me faire de mal de cette manière ! )
Le mobile me fait penser à celui d’Akfrinanen. Apparemment, les scandinaves arrivent très bien au travers des séries policières et des polars à parler sans concession de leur société. J’ai lu pas mal de critiques de bouquins qui abordaient ce point.
(Et vous avez pu parler avec Ake Edwardson ? )
Courage pour ta recherche !
@Naka : tu me connais, je suis attirée de nature par les pilotes, donc je ressens cette frustration moins souvent que toi.
@Wax : au stade du pilote je ne saurais parier que le mobile est racial, mais en tous cas c’est vrai que l’enquête est ici plus prétexte à disséquer la société et notamment la vie de la cité, et c’est ça qui fait tout l’intérêt de Kommissarie Winter.
PS : non seulement j’ai rencontré Ake mais c’est lui qui est venu me voir quand il m’a repérée, flânant près des brochures sur la série, en me disant « that’s my baby ». Il sentait bon la bière et il s’est énervé quand j’ai prononcé les mots « social statement » XD