Color of your soul

6 décembre 2010 à 22:21

C’était il y a moins d’une semaine. Le temps passe vite, quand on s’amuse. Je redécouvrais le pilote d’Untouchable et, cette fois, j’allais au bout, découvrant par la même occasion ce qu’il n’est pas exagéré d’appeler une bonne série (même si vous ne me voyez pas la qualifier non plus d’excellente).
Et voilà, j’ai vu le final de la série il y a quelques minutes, et elle va déjà me manquer. Heureusement pour elle, elle a assuré ses arrières, juste au cas où. Si je peux me permettre, c’est pas avec ces audiences-là qu’elle va revenir de si tôt, mais enfin l’espoir est permis.

Untouchable avait donc démarré comme une série d’enquêtes journalistiques, pour s’achever sur une immense conspiration. Que de chemin parcouru entre la première et la dernière minute de la série ! Je ne consacre pas souvent un post de clôture aux dorama que je regarde de bout en bout, mais vu l’enthousiasme avec lequel j’ai englouti les 9 épisodes en cinq jours, et la réelle bonne surprise que la série a été, je me suis dit qu’Untouchable avait bien mérité un petit message d’adieu, que je vais toutefois prendre la précaution de dénuer de toute forme de spoiler, comme si ça si vous avez envie de vous joindre à moi et de regarder la série, même seulement le pilote, c’est pas moi qui vous aurai empêchés.

Ce qui ne va pas m’empêcher de chanter les louanges de la série, croyez-le bien. Il y a dans son approche quelque chose de très finaud : on commence par quelques épisodes construits sur le modèle du formula show, et puis, quand le spectateur est harponné, on lui fait réaliser qu’il a mis le doigt dans l’engrenage et que désormais, le dorama deviendra feuilletonnant, qu’il le veuille ou non. Le résultat est imparable parce que du coup, si le mystère d’un épisode donné peut être d’intérêt variable, l’intrigue s’est mise en place sans même qu’on y prenne garde et on reste absorbés.

Ça peut surprendre d’entendre dire qu’une série conspirationniste ne montre pas qu’elle est feuilletonnante au premier abord. On a souvent l’impression que l’un et l’autre sont indissociables.
La raison en est simple : il y a une conspiration, mais aucun adepte de la théorie du complot. Personne, et surtout pas le personnage central, ne tombe dans la paranoïa avant… allez, le septième épisode, disons. Les premiers épisodes se déroulent donc avec une ardoise propre, genre : on a découvert une truc franchement pas catholique dans le premier épisode, mais c’est pas pour autant qu’on va commencer à voir le mal partout, et on ne va pas se mettre à suspecter la main de cette dangereuse entité partout où il se passe quelque chose. Quand on a baigné pendant une grande partie de son adolescence dans l’ambiance des X-Files, franchement, c’est incroyablement rafraîchissant, c’est fou, c’est comme voir le genre d’un œil tout neuf. Pas de « trust no one » à l’horizon, au contraire, c’est avec une facilité déconcertante que l’héroïne, Ryouko Narumi, écoute tous ceux qui veulent bien lui parler, comme si elle n’était jamais complètement échaudée par le pipeautage de l’épisode précédent. Non qu’elle soit absolument naïve, car elle se pose les bonnes questions, mais elle regarde tout avec un vrai regard de journaliste : objectif, dans la mesure du possible. Elle ne commence pas à suspecter tout le monde de lui mentir, ce n’est pas la base sur laquelle elle travaille.
Du coup, c’est un bonheur de la voir évoluer à l’écran, aussi gauche et coincée soit-elle, parce que ce qu’elle croit vraiment, c’est qu’à force d’interroger les gens encore et encore, la vérité sortira. Elle a une sorte de foi dans la vérité qui lui fait penser que même ceux qui mentent finiront par tout lui dire si elle insiste suffisamment. Une ténacité qui, elle, est dans la droite lignée de tous ceux qui avant elle ont enquêté sur des conspirations dans des séries.

La série au lieu d’exclure des personnages progressivement pour rétrécir la liste des suspects qui, potentiellement, sont de connivence avec l’entité conspiratrice, soigne en conséquence sa galerie de personnages, pas forcément en appuyant sur le détail et la profondeur des portraits, mais en n’oubliant jamais de mentionner tout le monde, histoire de garder le flou sur qui est, et qui n’est pas, à la recherche de la vérité. Rares, très rares sont les seconds rôles inutiles à l’intrigue, chacun a un rôle à jouer ou presque. Au fur et à mesure, c’est donc un véritable ensemble show qui se dessine, bien que gravitant essentiellement autour de Ryouko, donnant à un grand nombre de personnages l’occasion de dépasser leur stéréotype d’origine, brossé dans le pilote, pour apporter leur contribution aussi infime soit-elle.

Mais le plus frappant, c’est l’énergie avec laquelle Untouchable s’attaque à ce qui semblerait justement intouchable pour un dorama : la politique et les médias. Deux sujets dans lesquels rares sont les séries qui s’y engouffrent, et où l’esprit critique n’est pas un acquis, le légendaire (et presque pas exagéré) respect des Japonais pour les institutions y étant pour quelque chose du côté de la politique, et la gratitude du ventre jouant son rôle pour la question des médias. Mais Untouchable va purement et simplement flageller ces deux pouvoirs de façon répétée, n’hésitant pas à écorner quelques autres honorables et également intouchables institutions telles que la religion ou la justice.
Si la première affaire était centrée sur le monde des médias, je m’attendais à ce que la suivante s’en éloigne. Au contraire, ce dont veut parler Untouchable, c’est justement la manipulation de ces médias, et les épisodes vont tous tirer partie de cette donnée, chacun dans la mesure de ses moyens. La position du Shukan Untouchable, où officie Ryouko, est bien pratique pour lancer la série : c’est un torchon qui vend du scandale avec de jolies filles en couverture, bref une publication peu prise au sérieux, rarement dans la course pour le scoop sérieux. Une position d’outsider. Cette donnée de départ va être complètement pervertie à mesure que Ryouko, qui ne se console pas d’avoir échoué dans un magazine de troisième zone, progresse dans sa découverte de la vérité.

Ce qui transparait aussi, c’est finalement un véritable questionnement sur la liberté de la presse au Japon. On n’y vit pas dans une dictature où la presse serait contrôlée par le gouvernement, ce serait trop facile ; on est avant tout dans un monde où la presse s’est construite grâce au libéralisme, à la concurrence, à l’argent, et c’est justement là que se loge le vice, la faille du système. Les réseaux et l’argent ont fait la presse, ils peuvent aussi la défaire. Ce que, dans sa fiction conspirationniste, Untouchable dit, c’est quelque chose qui n’est qu’exagéré, pas fictif, sur l’état de la presse. Et ça n’a, au final, rien de strictement nippon…

Au bout du compte, Untouchable est plus glaciale qu’il n’y parait, parce qu’en évitant l’atmosphère de paranoia, qui a tendance à rendre le spectateur éminemment méfiant et à le rendre imperméable à certaines manipulations, la série met en place un monde dans lequel on a l’impression d’avoir des certitudes, et où finalement les limites se brouillent entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. « Gentils » et « méchants » ne sont pas si simples à cerner qu’il n’y parait… même quand ils sont identifiés. Tout est dans l’image qu’ils renvoient, et ils la manipulent tous un peu.

Alors bien-sûr, je ne vous cacherai pas que j’ai été un tantinet déçue par l’épisode final, notamment parce que les quelques petites choses que j’avais devinées (j’avais encore quelques hésitations sur d’autres choses, qui m’ont effectivement surprise), une fois franchement évidentes, sont appuyées à l’envi pendant de longues minutes qui auraient pu être employées à mettre en place un final plus dérangeant sur le fond.
Le final d’Untouchable donne la « solution », la clé de ses énigmes et répond aux questions posées. C’est un avantage non-négligeable quand on est fatigué de se faire balader pendant plusieurs saisons par des séries ayant la même thématique. Mais c’est dommage car sur le fond, il reste une zone de flou, surtout après les révélations terrifiantes de l’avant-dernier épisode sur certains agissements de l’entité que Ryouko veut percer au grand jour.

Je l’ai dit, je le répète une dernière fois : Untouchable n’est pas un chef d’oeuvre. Mais c’est vraiment une bonne série qui parvient à la fois à divertir et, j’espère avoir su vous l’expliquer correctement, à soulever quelques thèmes intéressants.
Dans le fond, je sais d’ailleurs très bien qu’une deuxième saison ne serait pas souhaitable. Mais vous verriez la toute dernière image de la série…

par

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Nakayomi dit :

    Pourrait presque être intéressant celui-là vu son évolution… En tout cas, ça m’intrigue… (Bon, ben je le note sur ma feuille des « peut-être à voir un jour »… Si, si, l’air de rien, je le fais parfois !).

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