Après deux épisodes supplémentaires de Reed between the Lines depuis mon dernier post, je confirme mon verdict : c’est un sitcom au charme vraiment naturel (pourvu que l’on ne parte pas du principe que les deux termes sont incompatibles) qui lui donne une longueur d’avance sur beaucoup de séries en multi-camera de ces dernières années, y compris cette saison.
La série parvient à éviter dans 99% des cas le surjeu, la surenchère de comédie physique, et les blagues téléphonées qui sont l’apanage des pires séries du genre. J’ai presqu’envie d’envoyer un DVD à Chuck Lorre pour qu’il apprenne comment on fait rire les gens sans les prendre pour des crétins.
Si Tracee Ellis Ross lutte visiblement contre son réflexe de faire le singe (et surmonte ce handicap presqu’à chaque fois), les prestations de Malcolm Jamal Warner et Zoë Soul sont sans défaut. Impeccables. Toujours élégantes et sobres, mais drôles.
En particulier, Soul est une véritable révélation (et les scénaristes l’ont bien compris parce que son personnage est bien plus mis en valeur que celui de son jumeau), elle est d’une grande justesse, toujours extrêmement fluide, et délivre la moindre ligne comme si elle venait d’elle… et elle n’a qu’une quinzaine d’années ! Quand je pense que ce n’est même pas une qualité qu’on trouve chez les comédiens rôdés aux comédies depuis plusieurs décennies… Ce sera un privilège, Mademoiselle, de suivre ce que vous allez devenir dans les prochaines années (surtout que vous n’étiez personne il y a encore quelques mois).
Les histoires sont également à louer ; la façon dont les quelques séances psy sont conduites (presque dénuées de blagues, en fait, mais vibrantes de rythme), la façon dont les intrigues parviennent à gentillement surprendre par leur déroulement et leur dénouement, la façon dont, tout simplement, cette famille est décrite. Il en ressort une grande envie de normalité tout en étant capable de rendre les choses drôles et c’est une qualité qu’on ne voit pas souvent.
C’est vraiment le mot « naturel » qui décrit le mieux mon ressenti vis-à-vis de cette comédie, et pourtant le terme parait si étranger au genre du multi-camera !
Il n’y a pas de cliché, pas de gentille maman ou de maman gaffeuse, de papa sévère ou de papa parfait, d’enfants terribles ou d’enfants transparents ; personne ne tombe dans la caricature. L’épisode où les parents s’aperçoivent que leur cadette est en réalité un petit monstre parvenait à être drôle, tendre, et terriblement honnête dans sa démarche et son traitement, et si vous n’avez rien contre l’idée de ne pas commencer par un pilote, je vous suggère (à ce jour, puisque seulement quatre épisodes ont été diffusés) de commencer par celui-là. S’il ne vous charme pas c’est que Reed between the Lines n’est pas pour vous. Mais j’en doute. Car c’est vraiment une série à la croisée des genres, plus subtile que la moyenne dans sa catégorie. Si j’étais vraiment quelqu’un de persiffleur, je dirais que si vous tolérez une seule série de Lorre, votre niveau d’exigence est trop bas pour que vous n’appréciez pas Reed between the Lines. Eh, c’est pas une attaque, j’ai regardé la première saison de Mike & Molly vous savez…
Je ne suis pas certaine que quelqu’un d’autre pense à vous le dire, mais rarement un sitcom m’aura fait cet effet-là (une comédie en single camera, plus facilement, à titre de comparaison), et je ne saurais que trop vous encourager à donner sa chance à cette comédie méconnue. Passez 20mn (ou 45, comme le font les spectateurs de BET) avec les Reed, et venez me dire ensuite que ce n’est pas meilleur que Whitney (duh !), ou 2 Broke Girls.
L’art délicat de la comédie
Avec une telle lettre de recommandation, difficile de ne pas se laisser tenter. Pourtant, j’ai déjà largement de quoi faire, mais si tu me prends par les sentiments en me sortant Malcolm-Jamal Warner, mon acteur préféré du Cosby Show, je ne peux plus lutter. Il va falloir que je trouve un créneau pour Reed between the Lines.
Sinon, le multi-camera en soi ne me dérange pas. Ce n’est pas tant le format que le contenu d’une comédie qui fera que j’accroche ou non. Autant j’ai pu hurler de rire devant Friends et Will & Grace, autant Tout le monde aime Raymond est une production au titre on ne peut plus mensonger selon moi et je n’ai jamais réussi à adhérer à Mariés, deux enfants.
L’exercice de la comédie est toujours délicat, de toute façon, les mêmes choses ne faisant pas rire tout le monde. Mais ce qui est certain, c’est que je préfère mille fois le charme désuet d’un Hot in Cleveland ou d’un Happily Divorced aux tribulations de l’horripilante Whitney, pour ne citer qu’elle, puisque je n’ai pas eu le courage de tester How to Be a Gentleman et Man Up! suite aux déclarations d’amour enflammées que tu leur as faites. J’aime bien 2 Broke Girls, même si ce n’est clairement pas la série de l’année.
Pour ce qui est du single camera, là aussi, le tri est vite fait : New Girl est tellement obsédée par son envie d’être décalée qu’elle en oublie d’être drôle, alors que Suburgatory et Enlightened sont deux des meilleures nouveautés de la saison, grâce à leurs héroïnes incroyablement attachantes.
Et pour ce qui est de Chuck Lorre, je n’ai jamais regardé ni Mon oncle Charlie ni The Big Bang Theory, mais je plaide coupable d’avoir ri devant Dharma & Greg.