Chacune à sa façon ?

4 février 2013 à 23:57

Un mois s’est écoulé, légèrement plus, depuis le début de mon challenge cinématographique de l’année. Je m’étais juré de regarder au moins quelques films non-américains pendant ce défi (règle n°5), et notamment de regarder au moins un film asiatique avant la fin janvier. Bon, je suis un peu en retard sur le planning de quelques jours, mais ça y est ! Et sur de bonnes recommandations (ici celle d’Eclair), j’ai tenté Aruitemo Aruitemo (Still Walking de son titre international) dont vous pouvez trouver la mini-review, comme d’habitude, dans le Secret Diary.

Je crois que paradoxalement, je n’avais aucune idée de ce à quoi je devais m’attendre avec ce film, et qu’en même temps je n’en attendais pas moins. Au sens où Aruitemo Aruitemo est exactement la raison pour laquelle j’adore la fiction nippone ; il y a maintenant 15 ans, j’avais commencé mon incursion « sérieuse » dans la fiction japonaise avec des nouvelles et de romans (Kitchen de Banana Yoshimoto restant mon absolu préféré), je suis depuis passée aux séries, mais c’est toujours la même chose que je vais y chercher, et c’est toujours la même chose que j’aime y trouver. C’est aussi, accessoirement, la raison pour laquelle je n’arrive pas à accrocher aux séries sud-coréennes : l’humain y est décrit dans toute son authenticité, un mot qui prend un sens auquel Lena Dunham ne pourra jamais même prétendre.
Mais d’un autre côté, la littérature et la télévision nippones ne sont pas les seules à avoir ce credo comme fondement de leur art ; il y a un manga dont je me souviendrai toujours précisément pour cela.

Le plus bouleversant, le plus dérangeant, le plus magnifique dans Aruitemo Aruitemo, comme dans toutes les oeuvres nippones qui me touchent profondément, c’est que même si tout cela se passe à l’autre bout de la planète, avec des coutumes totalement différentes, et une nourriture supposément exotique sur la table, l’universalité est totale.

Les bouffées de nostalgie amère que j’ai ressenties devant le film m’ont rendue folle. Je voyais à la fois cette famille qui n’a rien de commun avec la mienne, et pourtant tout me rappelait les fois où, avec mes parents et ma soeur, on allait rendre visite à mes grands-parents paternels dans leur Bourgogne, et que ma grand’mère faisait mille fois trop à manger, qu’on tenait des conversations totalement badines qui ne faisaient que couvrir les souffrances et rancoeurs du passé, et où, au nom de la « réunion de famille », on se forçait à plaquer un sourire sur nos visages en attendant que ce soit fini et qu’on reparte. Avec quelques kilos de plus et, dans une bouffée nauséeuse, la promesse qu’on ne le fera jamais plus. Mais trois mois plus tard on reprenait la route tout pareil. Parce que c’est la famille.
Chaque carreau de carrelage, chaque tintement d’assiette, chaque cri d’enfant, chaque gorgée qu’on boit en espérant que l’instant désagréable passe, tout y était. J’ai même eu envie de vomir lorsque les personnages ont repris la voiture pour rentrer !

Et pourtant, je le répète, cette famille et la mienne n’avons rien de commun. Si ce n’est que…
Toutes les familles ont des petites histoires qui ne sont pas résolues, des petites politesses qu’on échange pour ne pas dire qu’on n’aime pas certaines pièces rapportées, et certaines choses dont on ne parle qu’à voix basse. Mais certaines ont des tragédies, aussi, autour desquelles la danse de la « réunion de famille » est forcément plus douloureuse et risquée. Cela encore, j’ai eu le sentiment de le retrouver trait pour trait les heures passées à attendre que la salle de bains se libère, les souvenirs anodins ressassés quand on garde ceux qui comptent pour soi, les assiettes qui débordent alors que les estomacs aussi, les coups de coude qu’on file aux enfants pour qu’ils entrent dans la danse, car un jour il le faut bien.
A la différence que j’ai refusé de danser lorsque j’ai arrêté de voir ma famille.

Aruitemo Aruitemo encapsule la raison pour laquelle je serai toujours une amatrice de fictions dramatiques avant tout, parce que ce sont elles qui touchent le mieux ce que nous sommes, ce que nous avons éprouvé à un moment, ce que nous supposons éprouver un jour. Ce sont celles qui nous touchent personnellement, qui nous obligent, pour en parler, à nous mettre à nu, à nous forcer à nous étudier nous-mêmes, à regarder droit dans les yeux les fantômes du passé. Je suppose que d’autres n’ayant eu aucune expérience commune de la famille avec les personnages d’Aruitemo Aruitemo en parleront avec plus de détachement que moi ; et je suppose qu’il y a des fictions pour lesquelles c’est l’inverse, j’y suis insensible parce que je ne suis pas concernée au premier chef. Peu importe.
L’essentiel est de regarder, au moins une fois de temps en temps, des histoires qui nous déshabillent de nos vêtements de critiques à peu près érudits, et qui nous mettent face à nous-mêmes ; de sorte que si on en parle, on est obligé d’avancer sans déguisement.
Eh bien voilà, amis lecteurs, je suis une téléphage vaguement cinéphile toute nue. J’ai un peu froid, mais ça va. Ça valait le coup. Tout à l’heure j’irai m’emitouffler dans le final de Miranda, histoire de, mais je ne pourrai pas échapper, ce soir, avant de fermer les yeux, au papillon jaune.

Si vous en avez d’autres, des films comme ça, allez-y, balancez des titres. Le temps de me remettre, et je les regarde dans la foulée.

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