Perle verte

19 avril 2024 à 20:49

Lorsqu’on pense au genre du western, on imagine de grands espaces secs, des plaines arides, peut-être même des déserts comme au Nevada et en Californie. Mais ça, ce sont les westerns étasuniens. Bienvenue dans Outlaws, un western sud-africain qui nous emmène dans la « province-jardin » du KwaZulu-Natal, à la frontière avec le Lesotho, au pied de montagnes verdoyantes. La série choisit d’y suivre deux familles : les Biyela, propriétaires d’un ranch élevant des vaches, et les Ts’eole… voleuses de bétail.

Une série que je voulais absolument réussir à voir, après être tombée sous le charme de son matériel promotionnel… et aussi parce qu’elle est produite par la même compagnie à laquelle on doit The Republic, dont je chantais les louanges de la première saison en décembre dernier.

Ah ça, autant vous dire que les Biyela et les Ts’eole ne sont pas prêtes de s’entendre, quand leurs intérêts divergent aussi fondamentalement ! Le premier épisode, toutefois, produit un travail plutôt solide en matière d’exposition, démontrant que c’est tout leur style de vie qui est incompatible, et a, déjà, créé des situations diamétralement opposées.

Ainsi, les Biyela possèdent un ranch plutôt cossu, doté de plusieurs employées. Tout le monde obéït au patriarche, Bheki, un homme imposant et autoritaire, mais pas dénué d’humour ni d’affection pour la famille qu’il a eue avec son épouse Nandi. Il compte en particulier sur ses deux enfants, déjà adultes, pour assurer la pérennité de sa dynastie. Bandile, le fils aîné, est déjà mari et père ; il travaille au ranch à ses côtés. Sihle, sa fille, est quant à elle plus indépendante, et alors qu’elle est sur le point d’annoncer ses fiançailles avec un riche citadin (Kwanele, l’héritier de la puissante famille Dlamini), elle se prépare à mener sa vie ailleurs.
Si Outlaws a tendance à considérer les problématiques de Biyela avec bienveillance et intérêt, elle a cependant le bon goût de ne pas négliger les Ts’eole de son intrigue, et surtout de ne pas les tourner en antagonistes caricaturales. Cependant, il est évident qu’elles vivent dans une toute autre réalité. La famille Ts’eole est en effet menée par Moretlo, une vieille femme originaire du Lesotho qui a hérité du gang de son mari à la mort de celui-ci. Toutefois, c’est son fils unique Leruo qui dirige les opérations, et qui dans le même temps compose avec Tlali, son cousin tête brûlée et immature qui a tendance à prendre des risques au nom de son ego.

Si l’on peut former quelques soupçons concernant les intrigues à venir, pour l’essentiel le premier épisode d’Outlaws est dans l’exposition pure. Nous révélant progressivement les personnages (certains plus que d’autres… et j’oserais avancer que la série maîtrise plutôt bien le female glaze, d’ailleurs !), leurs dynamiques, leurs émotions, cette introduction est principalement dramatique. Attention : elle n’est pas dénuée d’action, comme au début de l’épisode quand Bheki et ses hommes tentent de sauver le troupeau qui s’est perdu sous l’orage, ou à la toute fin dudit épisode lorsque les Ts’eole attaquent le ranch en tentant de s’emparer de l’intégralité du troupeau. Mais il ne s’agit absolument pas d’une série dont l’action est l’objet principal.

Il y a une bonne raison à cela : Outlaws est une telenovela. Allons bon, je vous ai fait peur.

Si en Afrique du Sud, le format a ses spécificités (par exemple en matière de durée ; Outlaws est prévue pour durer 40 épisodes à l’heure actuelle), sur le fond, on est dans du primetime soap. Qu’on ne s’y trompe pas : les moyens sont là ! On est dans la fourchette haute des budgets de la télévision sud-africaine, et cela se sent en particulier dans la façon dont la camera embrasse ses décors naturels, ou dans la réalisation de sa scène finale (le vol de bétail se fait de nuit mais passe progressivement au jour, pour finir en apothéose sous le soleil). C’est de la belle ouvrage.
Mais c’est bel et bien l’aspect dramatique qui est au coeur de sa démarche. La série n’en fait aucun mystère quand elle explicite le conflit de ses deux familles (qui est également un conflit racial, et donc linguistique : Outlaws est l’une des nombreuses séries sud-africaines à mêler de multiples langues), ou quand elle se met à hauteur humaine pour saisir la relation tendre entre Sihle et son fiancé Kwanele, ou quand elle capture l’embarras calme de Leruo lorsqu’il se voit imposer un mode de fonctionnement par sa mère, au nom de la famille ou l’honneur. Au risque de vous spoiler, je ne choisis pas ces deux derniers exemples au hasard : Sihle et Leruo sont les personnes figurant sur le poster dont je ne cesse de vous rebattre les oreilles ! Vous devinez ce qui nous attend.

Il n’y a pas de grosse surprise dans Outlaws, mais est-ce que toutes les séries ont besoin d’être surprenantes ? Je pose la question, parce que… ma foi, vous savez combien je peux être une fan de fiction dramatique dite « pure », c’est-à-dire intéressée par le destin et l’intériorité de ses personnages avant tout. On fait difficilement dans l’originalité quand le coeur de métier est l’âme des gens. Et c’est parfaitement ok !
Outlaws a en plus l’avantage immense de s’intéresser à des profils absents du panorama télévisuel d’ordinaire. S’il existe en effet quelques séries rurales en Afrique du Sud (je parlais par exemple d’Omen dans cette review), la majeure partie de la production audiovisuelle, toutefois, se déroule dans des zones urbaines. C’était notamment le cas de la série que pourtant Outlaws replace dans sa case horaire sur M-Net (où elle a débarqué en février, après une mise en ligne sur Showmax à l’automne dernier), The River, qui se déroulait à Pretoria sur fond d’industrie minière. Au passage, The River était un « vrai » soap opera, qui s’est achevé au bout de 1500 épisodes et des brouettes ; un nouveau signe, s’il était besoin d’en trouver, que la télévision sud-africaine se désengage des soaps à rallonge pour préférer sa version de la telenovela.

Les grands espaces verts d’Outlaws ne sont ainsi pas qu’esthétiques : ils ont vocation à montrer une population à la marge de la fiction sud-africaine. Je ne me sens que d’autant plus chanceuse d’avoir pu en voir, enfin, un épisode… même si hélas trouver le reste de la série persiste à relever du challenge.


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