Je sais bien que je vous dis ça chaque année, mais bénie soit la plateforme Series Mania Plus, née dans la tourmente de l’ère COVID et s’avérant être un bienfait infini pour les personnes ne pouvant pas se déplacer à Series Mania. Voilà qui me ferait presque oublier que je suis encore fâchée que le festival ait déménagé à Lille, tiens ! J’ai dit presque.
Cette année le festival a été l’occasion de voir du pays : 45 séries vues au total, jolie moisson.
Comme toujours, afin de faire de la place à toutes les séries, je n’ai regardé que le premier épisode de chacune d’entre elles. Il y a quelques cas dans lesquels ça m’a coûté, croyez-moi !
Apples Never Fall
Thriller, Drama
Vous et moi, on se fréquente depuis suffisamment longtemps maintenant, alors on peut se permettre la franchise : j’ai perdu ma capacité à m’intéresser aux séries comme Apples Never Fall. Si je l’ai jamais eue. Pour moi c’est la même expérience que regarder Big Little Lies : une grande impression de vide et d’inadéquation. Je sens bien que je suis supposée être ravie de la distribution en or, de l’image impeccable, et de l’ambiguité ménagée par l’intrigue. Apples Never Fall se prend très au sérieux, et invite à ce que l’on en fasse autant ; à ce que l’on fronce les sourcils devant le suspense, les flashbacks, les contradictions ; à ce qu’on s’émeuve de cette famille si parfaite et bien-sûr si dysfonctionnelle, derrière les sourires et les maisons avec court de tennis privatif.
Sauf que c’est précisément pour les mêmes raisons que je me fais chier. J’ai l’impression que tout a été créé presqu’en suivant une checklist, pour créer un appeau à récompenses qui caresse la critique dans le sens du poil. Alors que franchement, qu’est-ce qu’on nous dit ? De quoi on parle ? Quel est le signifié derrière toute cette opulence de moyens ? Tout me paraît vain, ou au mieux redit. Et un peu paresseux.
Il y a encore quelques années, je me demandais si ne pas voir de brio dans la formule de ces séries signifiait que j’étais une has been imperméable à la grande télévision. Aujourd’hui, j’assume totalement que ce que j’attends de la télévision soit totalement ailleurs.
Boarders
Dramédie, Teen drama
Bien que dotée d’humour, Boarders ne plaisante pas et propose déjà, dans son premier épisode, quelque chose de très abouti. La série s’intéresse à 5 jeunes d’un quartier populaire de Londres, qui se voient offrir l’opportunité de décrocher une bourse pour rejoindre un prestigieux pensionnat privé, St Gilbert. Ce qui serait absolument formidable si l’on vivait dans un conte de fées, mais dans la réalité, Jaheim, Leah, Omar, Toby et Femi savent bien qu’on leur tend plus de pièges qu’on ne leur offre un pont. Conscientes d’être non seulement les cinq élèves les moins riches, mais aussi de compter parmi une très petite minorité visible, nos camarades se préparent à la rentrée comme un boxeur au match de sa vie. C’est que les enjeux sont énormes : pour leur futur, celui de leur famille, et au sens large, pour cle quartier qu’elles incarnent avec une certaine fierté.
Le premier épisode de Boarders dure 45 minutes, mais exécute un travail scrupuleux sur ses personnages, ses situations, ses dynamiques, comme s’il disposait du double. Il y a de quoi faire rougir d’embarras certains pilotes beaucoup plus longs et beaucoup moins maîtrisés (à la fois dans cette sélection et au-dehors), tant les nuances sont détaillées à l’envi. Boarders n’a pas peur de montrer la violence sous tous ses aspects de l’arrivée des étudiantes, alors qu’elles sont attendues au tournant, surveillées de près, et méprisées dés leur premier jour, simplement pour exister dans un lieu dont tout le monde, à un degré ou à un autre, pense qu’elles n’y ont pas naturellement leur place. Des ados en chaleur fétichisant les corps noirs, des alliées voulant prouver leur dédication, des salopards qui se sentent menacés… rien ne va leur être épargné, et il va leur falloir, hélas, car il n’existe pas d’autre choix, apprendre à passer outre, à contourner les obstacles, et parfois, à encaisser. Mais jamais trop longtemps.
Dans l’Ombre
Politique
Dans l’Ombre se rêve en série politique d’anticipation ; elle imagine la primaire de droite de 2024, en vue de l’élection présidentielle de 2025 (…je, bon, ok, on n’a pas le même calendrier). Le premier épisode démarre sur la dernière ligne droite, alors que les résultats s’apprêtent à consacrer Marie-France Trémeau, la favorite de la primaire… mais élèvent finalement Paul Francoeur au rang de candidat du parti. César Casalonga, son conseiller le plus proche, se retrouve pris dans le tourbillon de la campagne présidentielle, entre tractations au sein du parti et compétition avec la concurrence ; la série se place de son point de vue, dans l’ombre, donc, du présidentiable.
Dans l’Ombre est peut-être une série politique intéressante. Dans un épisode ultérieur. Pour le moment c’est écrit de façon très raide, interprété comme on peut (les dialogues trop littéraires et rigides n’aidant pas), et pas franchement enthousiasmant. Comme souvent dans les séries politiques, il n’est évidemment pas question d’idées (il est en revanche intéressant que la série parle d’un Président sortant « eco-socialiste », de la droite, et de l’extrême-droite), mais de politique politicienne la plus crasse. On compte les points et on se fout sur la gueule ; tout ce qui compte au final, c’est de sortir de la mêlée avec un air de victoire, mais on n’a d’intérêt pour absolument rien hors du microcosme politique. Les points du programme sont plus une monnaie qu’un objectif. On se soucie des votes et pas des gens. L’épisode initial tente d’introduire un peu de suspense (peut-être même ce qui pourrait devenir une conspiration) quant au logiciel qui a compté les votes de la primaire ; on a du mal à se prendre d’intérêt pour le sujet tant il reste, lui aussi, au niveau du nombril de ce monde politique.
C’était un pari un peu fou que de tenter Dans l’Ombre juste après Doktrinen (voir plus bas), parce que les deux séries ont une façon diamétralement opposée de considérer en quoi la fiction politique a de l’intérêt pour le public non-politicien. Je sais à laquelle je promets mon vote.
Herrhausen
Thriller, Politique, Historique
« Un débiteur mort ne remboursera jamais rien ». C’est cette philosophie qui dans les années 80 conduit Alfred Herrhausen à proposer à la communauté internationale de pardonner la dette des pays en voie de développement, comme la dette de l’Allemagne de l’Ouest l’a été après la Seconde Guerre mondiale, lui permettant de se hisser parmi les grandes économies mondiales. Pas franchement une suggestion populaire. Le voilà bientôt à la fois sur les radars des USA (les renseignements ayant à coeur de protéger les banques américaines), de la Rote Armee Fraktion (et en particulier d’une cellule s’organisant pour commanditer des assassinats, dont celui, un an plus tôt, de Beckurts), des membres du comité de direction de sa propre compagnie (la Deutsche Bank)… et, bientôt, des Soviétiques, qui l’approchent pour négotier un prêt secret pour le gouvernement de Gorbachev.
Si ma review commence à ressembler à une liste de liens Wikipedia, ce n’est pas par hasard : l’histoire de Herrhausen est assez peu connue aujourd’hui, et la raconter exige énormement d’éléments de contexte. Lequel, à mon sens, est insuffisamment délivré pendant ce premier épisode pourtant introductif, qui n’a aucune intention de tenir la main à ses spectatrices et préfère un peu trop la suggestion à mon goût. Faire des lectures pour mieux comprendre le sujet d’une série, ça ne m’arrête absolument pas. Je crains que ce ne soit hélas pas le cas de tout le monde, et que l’aspect peu engageant de la série n’aide pas à s’impliquer avec son sujet. Les séquences rêvées (et leur réalisation volontairement peu claire sur ce fait) n’aident en outre pas vraiment à saisir ce qu’il se passe immédiatement à certains passages de cet épisode.
Et pourtant, Herrhausen est un rare exemple de série s’intéressant à la politique internationale par l’angle de son financement. Quel est le pouvoir des banques dans le sort d’un pays ? Beaucoup de séries préfèrent adopter une lecture purement diplomatique de la question, et Herrhausen, certes par le biais de l’Histoire, nous rappelle qu’il n’y a pas que les politiques qui fassent de la politique internationale : il y a les créanciers aussi. Ce genre de propos mérite bien de faire l’effort attendu par Herrhausen pour en comprendre les enjeux.
Hotel Cocaine
Crime drama, Historique
« Tout plaisir a un prix », annonce fièrement le début du premier épisode. Du coup ça explique que j’aie pu le voir gratuitement.
Hotel Cocaine est un défilé de clichés dénué de toute subtilité, paresseuse derrière sa réalisation impeccable. Tout est prévisible de bout en bout dans cet épisode qui ressemble à un patchwork de toutes les séries sur la drogue ayant précédé, du moins si l’on gratte le vernis des années 70 (qu’en plus Disko 76 a appliqué avec plus de conviction ; la critique est plus bas). Je ne sais même pas où commencer la liste de ce qui cloche. La voix-off assomante du début ? La distribution qui ne s’est pas accordée pour jouer le même registre ? Les femmes strictement décoratives, bloquées entre les options si enrichissantes de mère ou putain ? Ou alors, peut-être le fait d’ignorer complètement le principe de show, don’t tell, l’épisode introductif de Hotel Cocaine insistant pour faire dire à ses protagonistes toutes les platitudes imaginables, probablement trop occupée que la série est à montrer comment elle a investi son budget dans les costumes, les décors et les droits musicaux. Tout ça pour se fader une énième série sur le narcotrafic et un homme qui devient plus violent qu’il ne le voudrait, mais il a une excuse. Au nom de l’escapisme (de qui ?), tout est permis je suppose. Quelle purge.
House of Gods
Drama
J’avoue que je suis un peu circonspecte devant les comparaisons de certaines entre House of Gods et Succession. Enfin bon, vous savez ce que je pense d’utiliser la réputation d’une série pour essayer d’en « vendre » une autre : c’est presque toujours stupide, et ça ne marche quasiment jamais. Lancée quelques semaines avant Series Mania… et le Ramadan, House of Gods est une série australienne s’intéressant à deux générations des Al Hamedi, une famille musulmane d’origine iraquienne. Lorsque le premier épisode démarre, le patriarche, Sheikh Mohammed Al Hamedi, est en lice pour devenir dans quelques heures, si les autorités religieuses l’y autorisent, une figure éminente de la mosquée de Sydney que sa famille fréquente. Sa jeune fille Hind le soutient, son fils adoptif Isa anticipe les retombées positives pour son entreprises, et sa fille aînée Batul, qui est mariée, revient tout spécialement d’Irak pour l’occasion, dans l’espoir d’avoir quelque chose à célébrer. Les choses se corsent toutefois lorsqu’un geste en apparence innocent prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux et au sein de la congrégation, menaçant la réussite paternelle et donc le salut de toute la famille.
House of Gods est une fiction qui effectivement traite de famille et d’ambition, mais aussi de principes et de moralité. Quelles concessions faire pour soi ? Pour nos proches ? Par soucis de modernité ? Dans cet épisode introductif, deux personnages, déjà, entrent en négotiation avec leur conscience… et parviennent à des conclusions très différentes. La série est en partie inspirée des expériences d’Osamah Sami, co-créateur de la série et interprète d’Isa, dont le père s’était investi dans la hiérarchie de sa mosquée de Melbourne, et témoigne de plus d’une tendresse réaliste pour la vie d’une famille, et plus largement d’une communauté, qu’aucun épisode de Succession aura jamais suscité.
Rematch
Drama, Historique
Il y a eu une fenêtre d’environ 6 mois, en 2020, pendant lesquelles une autre série sur les échecs aurait absolument cartonné. On verra bien ce qu’il en est maintenant. Rematch est une adaptation volontairement libre des rencontres entre Garry Kasparov, champion d’échecs, et le super-ordinateur Deep Blue. Le premier match, en février 1996, est couvert rapidement pendant ce premier épisode, dont Kasparov se sort victorieux. Mais IBM insiste pour un « rematch » (match retour) au printemps 1997, face à une machine améliorée.
Je constate que toutes les séries en compétition insistant pour parler d’IA sont françaises cette année (Dans l’Ombre, Le monde n’existe pas, et Rematch, l’emploient toutes sous une forme ou une autre). Rematch est probablement celle qui produit cet effort non pas comme une arrière-pensée, mais comme son objet central, et cela signifie qu’une partie de sa réflexion porte sur la question, particulièrement d’actualité en ce moment, de la compétition entre le cerveau humain et celui de la machine. Ce premier épisode n’en fait aucun mystère, et à vrai dire c’est assez étonnant que ce ne soit pas sa seule interrogation, tant les intrigues satellitaires (à propos de sa fille, par exemple) semblent là pour étoffer dramatiquement les épisodes comme de façon… artificielle.
Non que ces compétitions entre Kasparov et Deep Blue, contrairement à ce que tout le monde répète, soient nécessairement indicatives du remplacement imminent de l’homme par l’ordinateur. En fait, Rematch se fait un malin plaisir d’insister sur la façon dont ces rencontres, et en particulier la seconde, sont traitées comme un spectacle et/ou une opportunité par la plupart de ses personnages ; la série semble insérer là une critique de cette façon de voir assez simpliste. Le premier épisode insiste au contraire sur le caractère psychologique des échecs, sur l’état de stress dans lequel Kasparov, mais aussi « PC » (l’ingénieur qui a créé Deep Blue), se mettent en amont des compétitions. Naturellement, un ordinateur n’a pas de psychologie ; mais Rematch, précisément, semble rappeler à l’ordre les spectatrices. Peut-être pour leur signifier que gagner une compétition d’échecs n’est que la partie émergée de l’intelligence humaine ? Il faudra voir les épisodes suivants pour s’assurer de ce qui intéresse vraiment la série dans cette partie spécifique de l’Histoire humaine.
So Long, Marianne
Historique, Romance
Ce pourrait être une jolie histoire, mais So Long, Marianne, est avant tout une histoire vraie. DES histoires vraies. Celles de deux personnes nées à deux bouts opposés de la planète, qui cherchent leur voie et trouvent le chemin d’une île grecque où elles se rencontrent et… Et, ma foi, pour le moment, pas grand’chose, car ce n’est que le premier épisode. Mais on nous promet une romance inoubliable.
Dotée d’un grand romantisme vis-à-vis de l’art (et plus encore des artistes), ainsi que d’une grande nostalgie vis-à-vis d’une époque, So Long, Marianne s’est donné un sujet et un décor (une histoire d’amour et une île) idéaux pour achever son dépaysement. Se mélangent des destins anonymes et surtout célèbres dans ce voyage dans le temps et l’espace, où l’on nous promet que ce jeune homme et cette jeune femme vont se trouver, à la fois individuellement et mutuellement. En fait, c’est tellement l’angle choisi que plein de choses sont gommées de la biographie des deux personnes célèbres, parce que la série les considère tellement destinées l’une à l’autre qu’elle s’est sentie autorisée à trancher dans ce qui lui apparaît être du gras. Cette simplification en devient un peu triste. Mais pour les mêmes raisons, cela fait de So Long, Marianne une histoire facile à raconter, au moins pour le moment.
Bon de toute façon, on savait bien qu’elle ne serait pas pour moi, cette série.
Homejacking
Thriller
Rien ne me faisait aussi peu envie que le pitch de Homejacking : un couple bourgeois est un jour attaqué dans sa magnifique demeure par un homme masqué. Eh bien preuve en est, une fois de plus, qu’un pitch n’a absolument aucun rapport avec l’intérêt d’une série. Homejacking arrive à inclure dés ce premier épisode d’une demi-heure une exposition futée, une mise en place de la prise d’otages, et… un énorme twist (ainsi qu’un autre moins surprenant en fin d’épisode). Bien joué.
Pour ne pas vous gâcher la surprise, je n’en dirai pas plus, mais force est de constater que les secrets cachés dans la maison de Isabelle et Richard Deloye me semblent soudain beaucoup plus intéressants que je ne l’aurais gagé une demi-heure plus tôt. La série démarre début avril sur OCS, et a outre le mérite de l’originalité, celui de l’efficacité, avec seulement 6 épisodes. Bonne chance pour m’empêcher de voir la suite.
Le monde n’existe pas
Drama, Policier
Ah, tiens. Il y a des gens qui ont vu Twin Peaks. Je vous rassure, on n’est pas dans la pâle copie ici, loin de là. Mais les influences sont difficiles à ignorer.
Une adolescente, Lola Montès, a été tuée dans la petite ville de Guerches-sur-Isoire, dans le Nord. Le suspect principal, le seul suspect en fait, est un joueur de tennis qui passe pour une star locale (bien que sa carrière n’ait finalement jamais décollé), un certain Axel Challe, qui a disparu dans la forêt proche. En découvrant cette information, le journaliste Adam Vollmann supplie son directeur de la rédaction de l’autoriser à quitter son bureau de Paris pour aller enquêter sur place. C’est que, Adam a grandi à Guerches (il s’appelait alors Corentin), et même s’il n’y a plus posé les pieds depuis 20 ans, il y a encore quelques attaches, au moins émotionnelles…
Revenir dans la ville de son adolescence réveille toutes sortes de souvenirs traumatiques pour Adam, qui pensait pourtant avoir tout laissé derrière lui mais se retrouve animé par le désir de revenir en arrière sitôt qu’il a vu le nom de son premier amour, Axel, s’afficher en gros titres. Sauf que plus il interroge de gens, moins les choses sont claires. Les témoignages sont contradictoires. Les gens ont des réactions imprévisibles. Les souvenirs s’entrechoquent : souvent, il se souvient de choses qui semblent avoir été effacées des souvenirs d’autrui. Est-ce Adam qui est perdu ? Est-il incapable de comprendre ce qui se trame en toile de fond du meurtre de Lola ? Ou était-il si insignifiant à l’adolescence que personne n’a vu l’intérêt de le mémoriser ? Partant de là, comment mener une enquête journalistique visant à découvrir la vérité, s’il est même impossible de déterminer ce qui est réel…? Le monde n’existe pas s’explique difficilement. Ce premier épisode désoriente. Le passé, le présent, et même quelques espoirs de futur, se confondent. Le montage insiste sur l’impression flottante de ne rien comprendre à ce qui se déroule sous nos yeux. Les personnages s’expriment à l’occasion de façon sibylline, changent de visage, cultivent les références obscures. La petite ville figée dans le temps n’est pas aussi facile à cerner qu’on l’aimerait, ne rentre pas dans les cases, effraie même (et le trailer d’arte ne lui rend aucune justice, au passage).
Peut-être que c’est juste ça, le meurtre d’une adolescente : quelque chose qui n’a pas de sens.
Machine
Action
Ce premier épisode me laisse un peu sur ma faim ; j’ai l’impression qu’il met en place des personnages et une ambiance, mais j’ai plus de mal à voir quelle histoire il m’annonce vouloir raconter. Ou peut-être que je comprends l’histoire mais que je la trouve trop simpliste pour le moment ? Voire peut-être une autre raison ?
« Machine », c’est le surnom donné à la nouvelle mécanicienne intérimaire lorsqu’elle débarque dans une usine où d’ordinaire les mécaniciens sont des hommes. C’est, toutefois, un environnement auquel elle est habituée, ayant fait ses classes à l’armée. Mais tout justement, l’armée, Machine la fuit maintenant. La question se pose d’autant plus de comprendre pourquoi que la série nous indique qu’elle est recherchée. Il est vrai que sa capacité à infliger de la souffrance physique est inégalée… Prise en affection par un vieil ouvrier, et qui aime citer des auteurs de gauche, Machine va progressivement mettre sa violence au service des employées de l’usine, menacée de fermeture depuis son acquisition par un groupe étranger.
Le discours anti-capitaliste de Machine n’est pas très poussé ni très subtil. Mais il est rare, très rare, dans un monde télévisuel où les classes ouvrières sont rarement montrées à la télévision (…il vous souviendra que c’était un problème que j’avais l’an dernier avec une autre série d’arte). Il est donc compréhensible qu’il faille reprendre par le début les idées, si peu portées à la télévision, qui sont les siennes et qui vont à l’encontre des lois du marché tenues comme évidentes par d’autres fictions. Et du coup, peut-être que c’est ça, le soucis : d’attendre de Machine un discours fin, ou original, quand le simple fait qu’elle le tienne est déjà important en soi. On ne peut quand même pas demander à la série de compenser à elle seule des décennies de discours capitaliste ; on peut juste prier pour que d’autres émergent après elle. Espérer de Machine une histoire complexe apparaît alors d’autant plus injuste que la série ne se cache absolument pas, ne serait-ce que de par ses références, d’être avant tout une série d’action. Pas de dissertation.
Murder Club
Policier
Ce n’est évidemment pas à moi qu’il faut demander de regarder une série policière sans bâiller et/ou froncer les sourcils (ça va, l’usage excessif de la force, on dérange pas ?), et Murder Club ne fait pas exception. La formule est usée jusqu’à la corde : deux personnes qui n’ont rien en commun, mais qui précisément se complètent, font équipe un peu malgré elles pour résoudre une affaire. Au moins, on sait qu’on vient pas pour l’originalité.
Murder Club produit ce que j’appellerais un boulot propre. C’est efficace, avec un peu de comédie pour meubler les temps morts, et puis voilà, emballez c’est pesé. Le capital sympathie n’est pas inopérant, mais après un quart de siècle environ pendant lequel ces ingrédients ont été suremployés dans les séries policières, ce n’est pas exactement ce qui va faire grimper qui que ce soit aux rideaux. Tant mieux, parce que je soupçonne que ce soit la démarche : M6, qu’on ne peut pas accuser de nous submerger de séries originales, a des tonnes de flic-tion à rattraper sur la concurrence et veut s’insérer dans le panorama national comme un caméléon. Si c’est le cas, l’exercice est réussi.
Ourika
Crime drama
Quand on considère que l’art est politique, du coup il semble plutôt logique de considérer que reviewer cet art l’est tout autant. Les artistes à qui l’on donne du crédit en décortiquant leur production gagnent, si ce n’est directement de l’argent, au moins indirectement, par la légitimité qui leur est ainsi accordée. Le monde actuel et en particulier celui d’internet fonctionnent, après tout, sur la base d’une économie de l’attention. Donner de l’attention, du temps, de la critique élaborée, en bien comme en mal, de personnes peu recommandables, c’est tout de même parler d’elles. Aussi j’ai fait le choix, au fil des années, de ne pas critiquer les séries créées, produites et/ou interprétées par des individus auxquels je ne voulais pas donner de mon attention, et pas aider à fournir l’attention de mon maigre lectorat. Ce n’est pas grand’chose mais au moins je dors avec ma conscience pour moi. Chacune verra midi à sa porte.
Series Mania est l’occasion, année après année, de tester des séries sur lesquelles on n’aurait pas posé les yeux autrement. Par exemple un teen drama grec, un thriller finlandais, ou encore une série d’anticipation colombienne. Cette fois c’est une série imaginée par le rappeur Booba, par exemple.
Cette année, par soucis d’exhaustivité, j’ai quand même tenté Ourika. Voilà.
Ecoutez, je me trouve déjà bien gentille d’avoir parlé de Dans l’Ombre.
Une amitié dangereuse
Drama, Historique
On m’a appris que quand on n’a rien de gentil à dire, on devrait se taire. Mais c’est difficilement compatible avec l’exercice consistant à reviewer toutes les séries proposées lors d’un festival, n’est-ce pas ? Non, non, allez, j’exagère, ce n’est évidemment pas tout-à-fait vrai. Elle a de bons côtés, cette série. Les décors sont jolis par exemple. Les costumes m’apparaissent comme de qualité. J’aime beaucoup la police d’écriture du titre. Mvoyez, tout n’est pas négatif.
Cependant force est de constater qu’Une amitié dangereuse est une série barbante, et dont la qualité de la production est employée quasiment en pure perte. Peut-être que dans les années 90, les dialogues surécrits puis débités comme au théâtre, ça passait encore dans une série historique ; mais désolée, c’était il y a au moins 30 ans, ça. Pire, la série n’a pas plus de personnalité que ses personnages, qui sont là pour jouer le drame de l’invention tardive du Viagra comme si c’était du Shakespeare. Une amitié dangereuse est écrite comme une mini-série à faire étudier aux collégiens en cours de français, alors que son sujet, c’est un roi qui n’arrive pas à avoir une érection suffisamment longtemps pour baiser la reine son épouse, et qu’une courtisane tente d’intervenir pour que le couple royal puisse enfin niquer, au nom de la pérennité de la lignée. Voilà, eh bah désolée, mais un pitch comme celui-là ne devrait pas aboutir à une série du dernier ennui. Comment on peut faire tourner toute une intrigue autour du sexe sans une seule fois arriver à être intéressante ? Pire, quand un roi demande « Vous plairait-il de venir voir mes faucons ? », moi, je suis désolée, mais je m’attends à ce qu’une série de 2024 ironise sur le double-sens, ou qu’elle s’amuse que le roi trop maladroit n’en perçoive pas la portée, voire qu’elle espère que la tentative échoue.
Oui parce que, petit aparté, si vous me permettez. Il me semble que les rois, techniquement, dans une démocratie, c’est pas trop notre truc collectivement. Surtout un roi qui a clamsé au 17e siècle. Est-ce que les spectatrices d’aujourd’hui ressentent vraiment le besoin de se placer du point de vue de la cour (et notamment du duc de Luynes, inquiet pour la succession du roi qu’il sert) lorsqu’il s’agit d’assurer la longévité de la dynastie royale ? Ne serions-nous pas autorisées, avec le recul que nous accordent le temps, l’Histoire et nos valeurs, à nous dire que tout cela est absurde ? Que ce trafic d’enfants (trois des quatre protagonistes centrales de la série ont été mariées avant leurs 18 ans) à des fins de reproduction sociale et de diplomatie relevait du sordide, voire du barbare ? Mais sur cela comme sur le reste, la série refuse d’y porter un regard d’aujourd’hui (c’était déjà le cas de Bardot l’an dernier, à un moment faudrait voir à se poser les bonnes questions chez France Télévisions). A la place, Une amitié dangereuse esquive prestemment la problématique d’un pas sur le côté (alors ok Marie a été mariée à 17 ans… mais elle est frappée du syndrome Angélique marquise des anges qui la rend « faite pour l’amour » ; alors ça va), et à la place nous raconte une histoire de… c’est supposé être quoi, ça, de l’amour galant qui n’arrive pas à se concrétiser ? Oh là là, regardez comment l’héroïne arrive à faire monter le désir entre deux personnes que l’on a forcées gamines à se marier pour le bien d’un royaume !
Une amitié dangereuse, avec la même histoire, pourrait porter un propos plus moderne. Mais elle semble convaincue que le plus grand des dangers serait de remettre en question les traditions royales. Le faire de la façon la plus soporifique possible n’est qu’un affront supplémentaire, mais certainement pas le plus coupable.
Pour le Panorama International, c’est la série suédo-danoise Allt och Eva qui manquait à l’appel. Ce qui est cruel parce que j’aime bien Tuva Novotny, donc quelqu’un va devoir se dévouer pour la diffuser.
30 Tage Lust
Romance, Dramédie
Non mais, si ça peut vous rassurer, même moi je sais que ça sert à rien de me lire mon opinion sur cette série. Je veux dire, quelles étaient les chances qu’une série qui parle de sexe soit vue positivement par moi, qui baille devant la moindre interaction romantique ? Voilà. On est d’accord.
Quoiqu’il en soit, 30 Tage Lust (projetée sous le titre 30 Days of Lust) s’intéresse à Freddy et Zeno, un couple jeune et amoureux dont aucune des deux partenaires n’a eu de rapports sexuels avec qui que ce soit avant cette relation. Freddy, la pharmacienne, est particulièrement travaillée par cette absence d’expérience et propose donc à Zeno, le restaurateur d’oeuvres d’art, de se donner 30 jours pour explorer le sexe sous toutes les coutures, chaque jour devant mener à de nouvelles partenaires. Enfin, c’est moins une proposition qu’une décision prise sur un coup de tête (et mettant un peu Zeno devant le fait accompli), mais bon, le principe subsiste. Dés la première soirée de cette expérimentation, déjà, les choses semblent échapper au contrôle du couple. Chacune dans son coin réalise qu’il n’est, pour commencer, pas si facile d’approcher quelqu’un de nouveau ! Pour son premier épisode au moins, 30 Tage Lust est une ode moins à la découverte sexuelle et l’esprit d’aventure, qu’à la maladresse et l’inconfort que peut représenter l’inconnu. Toutefois les choses devraient probablement évoluer au fil de ces trente jours. Ce sera sans moi, mais ça ne veut pas dire que c’est une mauvaise série pour autant.
After the Party
Drama
On va la faire courte : j’ai déjà reviewé le premier épisode d’After the Party, peu après son lancement. Je conçois tout-à-fait qu’elle ait trouvé sa place au sein de la sélection cette année : c’est le genre de série dramatique complexe qui gagne à être vue… et a tendance à faire le bonheur des festivals.
Catch Me A Killer
Policier, Historique
1994. En Afrique du Sud, la démocratie est encore jeune. C’est également vrai du métier de profiler, dont les services de police ont entendu parler mais auquel personne n’a jamais eu recours dans le pays. Toutefois, l’enlèvement d’un petit garçon (qui s’avère être un meurtre) pousse les détectives de Cape Town à accepter de nouvelles méthodes, craignant qu’un tueur en série que l’on pensait inopérant soit de nouveau en activité. Entre alors en scène Micki Pistorius, une criminologiste qui va tenter de travailler sur l’affaire, devenant ainsi la toute première profileuse sud-africaine.
Production propre, efficace et solide (comme tant d’autres productions de Showmax), Catch Me A Killer opte pour un point de vue à hauteur humaine d’une affaire sordide. Elle évite les clichés sur le sexisme, quand bien même son héroïne est la seule femme non seulement de l’équipe travaillant sur le dossier, mais aussi de toute la distribution principale, et s’intéresse plutôt à la façon dont est ressentie l’enquête. La façon dont les choses pataugent, les victimes se succèdent, les pistes n’aboutissent à rien… dans ce premier épisode, plutôt que les considérer strictement sous l’angle cérébral ou du mystère, la série se fait forte d’en expliquer l’impact sur Pistorius, ou son collègue Eksteen. Que cela signifie-t-il de travailler sur les atrocités d’un violeur et tueur de petits garçons ?
Cela signifie hélas que pour les mêmes raisons, Catch Me A Killer fait en grande partie abstraction de quelque chose que pourtant le premier épisode met en place, mais juste comme un élément de décor. Les meurtres qui depuis des années secouent des familles du township de Mitchells Plain ont, au moins en partie, un composant racial. Le fait que la police blanche et afrikaanophone traite de disparitions d’enfants noirs sans aboutir nulle part pendant des années ne peut que réveiller les plaies pas encore cicatrisées d’une Afrique du Sud encore sous le coups de l’Apartheid. Mais comme Catch Me A Killer a pour parti pris de s’intéresser à Pistorius et ses collègues uniquement, la colère, la douleur, l’incompréhension des habitantes du township fait de la figuration. Et je dois l’avouer, c’est plus qu’un peu dommage.
Dates In Real Life
Romance, Dramédie
Ida voit s’effondrer une relation amoureuse qui a duré trois ans. Trois années pendant lesquelles elle a entièrement vécu sa relation à Marvin, un Américain, à travers son ordinateur, et notamment via un espace numérique (genre Second Life ou VR Chat) où le couple avait construit son nid. Alors, lorsqu’elle apprend qu’il a commencé à fréquenter quelqu’un IRL, forcément, tout s’écroule. Pire, en suivant les conseils de ses amies (également en ligne) pour essayer de le rendre jaloux, elle empire les choses. Il faut se rendre à l’évidence, Ida est désormais célibataire ; et son introversion ne va pas l’aider à rebondir.
Le premier épisode de Dates In Real Life manque d’expliquer en quoi la situation d’Ida est unique. Par moments, la série le voudrait, soulignant combien les pratiques amoureuses ou sexuelles d’Ida avec Marvin sont spécifiques, mais par bien d’autres, en fait la majorité à bien y regarder, il n’y a pas de différence majeure entre ce qu’Ida expérimente et d’autres relations… pas plus pour les fins de relations ! Est-ce que le fait que son expérience amoureuse se soit jusque là entièrement produite par internet fait une quelconque différence ? Pas vraiment. Sa relation avec Marvin a été loin d’être superficielle, et la série nous la montre avec beaucoup de tendresse, loin de plusieurs clichés. Puis, dés ce premier épisode, malgré de la nervosité et le besoin d’être coachée par ses trois potes (Burger, Teen, et Cat ; évidemment les noms, bien que peu inspirés, de leurs avatars), Ida se montre finalement entreprenante rapidement, et trouve le moyen d’aller à un rendez-vous avec un inconnu, ce qui globalement se passe plutôt bien.
En fait je crois que je peine à comprendre quel est l’objet de la série en adoptant cet angle. Ce qui, je suppose, est une bonne chose (le cliché des geeks incapables de s’épanouir IRL a plus que vécu). Mais pose quand même des questions quant au propos que la série veut porter.
Déjate Ver
Dramédie, Fantastique
Ana est l’assistante du célèbre artiste Bassil, quelqu’un de mystérieux qui refuse de dévoiler son identité ou son visage, mais vend ses oeuvres conceptuelles dans le monde entier. Pendant qu’elle l’aide à préparer sa dernière exposition au Japon, Ana découvre qu’elle est en train de disparaître ; une condition qui d’ordinaire touche plutôt les personnes âgées. Par chance, pour le moment elle a juste un orteil qui s’efface, et peut cacher qu’elle disparaît. Son médecin est cependant formel : à long terme, si elle ne change pas tout dans sa vie, elle va disparaître pour de bon. Mais comment on change toute sa vie quand on en a si peu ?
Voilà une série qui a tout pour me plaire. Elle a tout d’une nouvelle de Yasutaka Tsutsui. Le thème mêlant oubli, solitude et autodétermination est vraiment engageant à la base ; mais l’aspect fantastique et absurde par lequel la série traite son sujet termine d’en faire une oeuvre intrigante et touchante. En particulier, il y a un long monologue dans ce premier épisode (reposant, par ailleurs, plutôt sur des choses courtes voire cinglantes) sur le besoin de connexion qui ne peut absolument pas laisser quiconque insensible. J’ai hâte de voir comment Déjate Ver poursuivra son intrigue.
Doktrinen
Politique, Thriller
Projeté sous le titre international de 8 Months, ce thriller politique coche toutes les cases avec brio. Le premier épisode commence son focus sur Nina Wedén, une journaliste approchant la quarantaine qui a été plus ou moins mise au rebut de sa rédaction quelques années plus tôt, et couvre désormais (à grand’peine) des sujets sans intérêt. Du moins, jusqu’à ce qu’elle se retrouve en possession d’un scoop qui lui permet de découvrir un scandale impliquant le ministre des Affaires étrangères, lequel devient une affaire nationale. Mieux encore, Nina, qui venait de réemménager avec sa mère (une journaliste de la vieille école, versant désormais dans les théories conspirationnistes et racistes), était fauchée, et profondément insatisfaite de tous les aspects de sa vie… est embauchée pour devenir la Conseillère presse du nouveau ministre des Affaires étrangères, le jeune et séduisant Jakob Weiss. Et d’un coup, un simple scoop change toute sa vie pour le meilleur…
…Mais Doktrinen n’est pas l’histoire d’une Millennial qui trouve enfin le bonheur, et ce n’est certainement pas une romcom. La série est très attentive à ce que ce conte de fées soit remis dans son contexte ; ce contexte, entre autres, c’est le monde politique suédois dans son ensemble, la réaction au scandale, le choix d’un remplaçant à la tête du ministère des Affaires étrangères, la façon dont son background est passé au peigne fin, toutes choses que Nina ne perçoit pas alors qu’elle tente de s’adapter au monde merveilleux des cabinets ministériels (au passage, la directrice de cabinet est parfaite, j’adore comment elle est écrite, ça sent l’expérience). Nous, en revanche, commençons à comprendre qu’il y a une raison pour laquelle toutes ces choses se présentent à nous dans le premier épisode d’un thriller, et pas en guise de happy ending d’un drama. Ni même une fiction politique sur le mode fish out of water.
Devant les éléments qui se mettent en place, et dont pour beaucoup on pourrait penser qu’ils n’ont pas grand’chose à voir les uns avec les autres, mon cerveau partait déjà dans des théories. Ce rapport de la CIA, son timing, la facilité avec laquelle Nina a effectivement eu accès à une information capitale à un moment où elle était vulnérable… je crois deviner où la série se dirige. Si mes supputations sont correctes, Doktrinen se prépare à être une incroyable série politique, avec des ramifications nationales comme internationales. Et au pire, si je me trompe, bah c’est juste une bonne série politique, ce qui est déjà pas mal (avec deux des interprètes de 30° i Februari, en plus).
Première série vue lors du festival (et déjà des regrets de ne pas avoir le temps de regarder le second épisode proposé), Doktrinen m’a mise dans les starting blocks pour cette édition. Et j’avais bien besoin d’être motivée quand on voit certaines autres séries de la sélection…
La Mesías
Drama
La Mesías est une catharsis peuplée de souvenirs incomplets mais tout de même trop vicaces, qui raconte comment les deux enfants d’une mère pour le moins complexe ont grandi avec des traumatismes qui les poursuivent jusque dans leur vie adulte. L’ambition de la série est de retracer pas moins de trois décennies de leur vie, même si ce premier épisode se concentre principalement sur leur enfance. Enric et Irene sont encore petites lorsque leur mère décide de plaquer leur père et partir s’installer ailleurs ; livrées à elles-mêmes la plupart du temps, témoins des extravagances, des coups de tête et des fêtes de leur mère encore très jeune (et très sexuellement active), les deux enfants tentent de composer avec leur nouvelle réalité. Tout cela remonte à la surface pour Enric une fois adulte, qui suite à un concours de circonstances se prend en pleine gueule une série de flashbacks de moments qu’il avait pourtant pris grand soin de mettre de côté. Poussé par l’instinct typique de ces flashbacks traumatiques (entre besoin de vider la plaie et pulsion d’appuyer dessus pour vérifier à quel point ça fait mal), il réexamine sa vie jusque là. Quitte à repasser du temps à nouveau, quand bien même ce n’est que par la mémoire, auprès de sa mère…
You can take the child out of the home, but you can’t get the home out of the child. Bien que gardant encore quelques aspects cryptiques dans ce premier épisode, La Mesías se prépare à arpenter des choses dures, on vous aura prévenue. Le mélange de religion, d’ufologie (quoique dans un registre différent de Société dinctincte également au programme de cette édition), de symbolique et de trauma, et les voyages d’une décennie à l’autre, peuvent un peu sembler étranges. Mais l’intention est nette de vider tout le pus une fois pour toute, quoi qu’il en coûte.
Vous savez, chaque année Movistar+ envoie à Series Mania une série dont je tombe follement amoureuse (l’an dernier c’était Apagón), et chaque année je fais chou blanc pour voir la suite ; à un moment il va falloir se concerter et trouver une solution plus durable que ça. Faut arrêter de me laisser sur ma faim.
Padomju džinsi
Romance, Espionnage, Historique
1979. A Riga, on vit dans l’illusion de la normalité dans une ville truffée d’oreilles et de micros. C’est en particulier vrai au théâtre, nid bien connu d’anti-conformistes que plusieurs agents du KGB, dont l’agent Maris, surveillent sous toutes les coutures. La moindre opinion contraire, le moindre rire déplacé, la moindre amitié suspecte, tout est catalogué, à l’aide notamment d’un réseau d’information savamment entretenu. Le costumier Renars Rubenis est l’un des informateurs de ce réseau, bien malgré lui ; il participe en effet au marché noir des objets occidentaux de contrebande, comme certaines marques de cigarette, de la musique importée, ou encore, ô horreur anti-communiste, des jeans. Il s’est fait prendre par le passé et a réussi à éviter les conséquences en devenant indic, mais n’y met pas beaucoup de bonne grâce et refile à Maris uniquement des informations sans importance, qui ne font de mal à personne. Tout va changer lorsque Tina, une metteuse en scène finlandaise, arrive au théâtre ; Renars tombe immédiatement sous son charme, et c’est là que les ennuis commencent.
Derrière l’apparente légèreté de son pitch, consistant à décrire un jeune homme épris d’une liberté qui n’existe pas dans son pays, l’ambiance de Padomju džinsi (ou Soviet Jeans de son titre international) est étouffante, et a bientôt fait de se communiquer à Tina. On se sent surveillée à tout moment, on se surveille soi-même, on en finit par douter de tout et de tout le monde (en cela l’ambiance n’est pas tellement différente de celle de Herec, dont on parlait l’an dernier et également intéressée par le théâtre). Si les relations amoureuses reposent sur la confiance, comment peut-on espérer vivre un amour épanoui dans une société de méfiance ? Toutefois, s’il en est effectivement question, la série ne parle pas que d’amour et d’espionnage ; elle tente de cultiver un peu de liberté volée ; les épisodes suivants, si j’en crois la fin du premier épisode couplée au synopsis de Series Mania Plus, devraient d’ailleurs faire évoluer les choses. Ce n’est pas un visionnage facile, mais il me paraît en valoir la peine. La surveillance prenant aujourd’hui de nouveaux visages, je ne suis pas convaincue que ses problématiques soient complètement obsolètes.
Ting Hai Yong
Guerre, Historique
Series Mania ne sélectionne pas beaucoup de séries asiatiques (euphémisme), mais quand l’une d’entre elles passe entre les mailles du filet, la qualité est au rendez-vous. Ting Hai Yong (ou Three Tears in Borneo de son titre anglophone) se déroule dans la jungle moite de Malaisie. Trois frères ont, ensemble, été circonscrits par l’armée japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, comme tant d’autres de leur génération pendant l’occupation japonaise de Taiwan. Si techniquement ils ne sont pas considérés comme soldats (ni considérés comme Japonais bien que parlant la langue), ils combattent bel et bien au service de l’Empereur. Leur relative chance a été d’être affectés ensemble à un camp pour prisonniers, la plupart américains, un boulot un peu moins périlleux que la moyenne. Prenant pour cadre narratif la reddition japonaise en 1945, et donc le moment du jugement des crimes de guerre, Ting Hai Yong revient sur l’expérience particulière de ces trois frères, soudés par leurs racines ainsi que par le peu d’humanité qu’ils entretiennent au sein du camp.
La question se pose dans ce premier épisode de déterminer qui exactement est prisonnier de qui. Les frères ont a priori le dessus sur les prisonniers de guerre ; mais ils sont, aussi, assujettis à un occupant japonais. C’est cette dynamique que la série ambitionne d’explorer, notamment parce qu’elle est tournée en trois langues (anglais, japonais, taiwanais) dont l’usage est précis, et hautement significatif. L’intrigue a en outre pour cadre narratif l’arrivée des troupes australiennes, qui découvrent un charnier à l’arrière du camp de prisonniers abandonné (vraisemblablement inspiré par Sandakan). Que s’est-il passé ? Et surtout, qui exactement est responsable ? Je suspecte cette dernière question de devenir plus importante, mais aussi plus complexe, à mesure que la mini-série progresse.
Ce n’est certainement pas le genre de série à mettre devant toutes les paires d’yeux. Mais son intérêt pour la nuance, sa capacité à parler d’impérialisme, et son regard humain mais sans concession, en font dans le même temps une excellente série à mettre devant les vôtres.
Société distincte
Drama, Science-fiction
Dans ce premier épisode plus drama que science-fiction (mais rien n’est gravé dans le marbre pour la suite), Société distincte part de la disparition d’un petit garçon, Gabriel, survenu 15 années plus tôt. Convaincues que cette disparition est le fait d’extraterrestres, son frère aîné Marc et sa mère Micheline se sont spécialisées dans l’ufologie ainsi que la recherche de témoignages d’enlèvements. Le deuil n’a jamais été fait, car aucune trace de Gabriel n’a jamais été trouvée ; il y a certainement quelque chose de rassurant dans cette quête pour cette famille éclatée (le père est parti). Ladite quête, bien-sûr, semble absurde vue de l’extérieur, mais il n’y a pas que ses personnages principaux pour la prendre la coeur… La série révèle progressivement qu’elle a l’intention de donner du crédit à leurs thèses, même quand la mère et le fils parlent de « petits gris » qui savent se téléporter comme d’une évidence.
Parée d’une réalisation sans faute, Société distincte fait le choix d’exposer la vulnérabilité de ses personnages, leur douleur, leur conviction, avec une forme d’ouverture d’esprit qui, paradoxalement, est perturbante. Devant cet épisode, je n’arrêtais pas de penser à The X-Files ; à combien la planète adorait se faire peur à croire, l’espace de 11 saisons, aux conspirations surnaturelles les plus folles… tandis qu’aujourd’hui, les conspirations ne me semblent plus aussi inoffensives. Ce qui me fait peur en 2024, c’est de savoir jusqu’où peuvent aller les personnes qui pensent que tout le monde ment et qu’il y a des vérités cachées qu’elles seules soient capables de découvrir et de rectifier. Mon inconfort devant Société distincte était réel, et paradoxalement, presque de mauvais goût devant l’élégance de certaines scènes, insistant sur les origines douloureuses des thèses de Micheline et Marc. Qui suis-je pour prétendre mieux gérer la perte d’un être cher, au juste ?
Il y a encore des choses qui me posent question dans l’équilibre trouvé par Société distincte entre le drama et la science-fiction. Il y a aussi tout un angle politique, à peine effleuré (une scène seulement, au lycée où enseigne dorénavant Julien, l’ancien ami d’enfance de Marc) mais qui, comme le titre, pose des questions supplémentaires sur le propos de Société distincte. C’était peut-être un peu complexe à décrypter, surtout pour la Française que je suis, en plein festival. Il faudra résolument que je prenne le temps de décortiquer tout ça quand la série sera diffusée pour m’en faire une opinion définitive.
Truelove
Drama, Romance
Vous me connaissez, je trouve toujours qu’on n’a jamais assez de séries s’intéressant à des personnages ayant dépassé la midlife crisis. Truelove démarre sur un enterrement, celui d’un membre d’une bande de potes remontant à des décennies. Aux funérailles de Dennis, les amies Phil, Ken, David, Marion et Tom se font la promesse solennelle de s’aider à mourir avant de devenir rongées par la maladie ; ce n’est peut-être pas légal, mais entre le savoir-faire des unes et des autres, peut-être arrivera-t-on à ne pas se faire prendre. L’inspiration leur vient du pub où elles se sont retrouvées après l’enterrement, qui, dit-on, doit son nom à un amour impossible qui a conduit à un suicide. Un amour véritable. Truelove. Bien que prise sous le coup de l’alcool, la promesse a été faite.
Phil et Ken reçoivent bientôt une carte postale de Tom, avec pour seule indication la photo d’une jetée, une date de rendez-vous, et le mot « truelove« .
Peut-on tuer nos amies de toujours, même si elles nous le demandent ? Même si elles nous supplient ? C’est une grande partie de l’interrogation qui sous-tend la tragédie se jouant dans Truelove, une série qui s’interroge sur la fin de vie du point de vue de personnes qui ont tout eu (ou presque), et qui voient l’âge leur dérober leur statut et leur confort. De leur point de vue, effectivement, il n’y a pas grand’chose à perdre en appelant de ses voeux la mort en remplacement de la déchéance…
Truelove a cependant du mal à s’atteler uniquement à cette question ; la série ne peut, en particulier, pas s’empêcher d’introduire une policière (Phil, même si elle est maintenant à la retraite) et un agent des services secrets (Ken, bien qu’il prétendre n’avoir été qu’ingénieur), et s’interroge aussi sur la possibilité de se faire prendre. L’ami qui part n’a rien à craindre ; les amies qui restent doivent composer avec la douleur du deuil, l’appréhension d’être prochaine sur la liste, la culpabilité d’aider, et maintenant la peur de se faire prendre. Je ne doute pas vraiment que Truelove poursuive sur cette voie dans les épisodes suivants tant est rabâchée la problématique de « bien plannifier », ce qui a moins à voir avec le confort des adieux qu’avec l’esquive des répercussions. En cela, à mon sens, Truelove manque un peu de courage, ce qui est tragique parce que si elle s’était moins intéressée à cet angle peu original (et peu dérangeant) de son intrigue, elle serait plus proche du sans-faute.
Chameleon
Dramédie
Avec ses épisodes d’une demi-heure où pas une seconde ne laisse de répit, Chameleon se penche sur le quotidien de Chris, un jeune homme entré dans la vingtaine mais resté bloqué dans sa cité de naissance. Il a encore des rêves (il veut devenir acteur), mais ils commencent à s’élimer au contact de la réalité. Celle-ci, en dépit d’un entourage chaleureux (ses potes, sa famille, sa petite-amie…), n’est en effet pas glorieuse, et les problèmes d’argent s’empilent ; comme dans Tetris, nous précise-t-il en voix-off.
Si le rythme et la réalisation de la série sont d’une efficacité redoutable, Chameleon ne se voit pas vraiment comme une comédie. C’est plutôt qu’elle essaie de raconter les choses en essayant de ne pas semer son public. La pauvreté, la violence, le racisme ; l’impasse dans laquelle Chris et les gens qu’il aime sont nés ; ça n’est pas bien drôle. Derrière les effets de style (qui ne sont ni le coeur de la série, ni son attrait principal), il y a un constat désillusionné. Est-ce que ça veut dire pour autant qu’il faut abandonner ? Pas nécessairement, et dans ce premier épisode, Chris tente encore des choses malgré le regard désabusé qu’il porte sur son existence ; mais le sentiment d’être défait ne tient pas à grand’chose.
Extra
Comédie, Romance
Ne vous laissez pas abuser par le matériel promotionnel : Extra ne s’intéresse que modérément au handicap. La série a pour protagoniste centrale Catherine, une femme valide dont la seule activité hors de son foyer consiste à diriger la chorale d’un groupe de personnes handicapées. Sa vie est autrement bien terne (déjà que), entre son mari très cadre sup’, et son fils qui s’apprête à passer le Bac pour la 4 année consécutive, lesquels la traitent tous les deux comme un élément du décor. La seule personne qui lui prête un peu d’attention, c’est son frère, Xavier, en fauteuil roulant. Il l’enjoint à se décoincer un peu, et c’est ainsi que Catherine obtient les coordonnées d’une assistante sexuelle basée en Suisse, qui travaille avec des clientes handicapées. La frustration d’une vie sans saveur, et les exhortations de Xavier, font prendre conscience à Catherine que quelque chose doit changer. La voilà qui considère, à la fin de l’épisode introductif, de peut-être devenir assistante sexuelle elle-même (le peut-être n’est évidemment que temporaire). Comme ça, les besoins sexuels d’autrui la satisferont, elle !
Boooon. Le premier épisode d’Extra adopte uniquement la perspective de Catherine, et finalement, les personnes handicapées sont un peu des éléments du décor pour elle. Ironiquement ! Le contraste avec la comédie australienne Latecomers (présentée l’an dernier) est un peu rude au premier abord. Catherine, qui pourtant a un frère handicapé et se pense ouverte d’esprit, tombe de l’armoire lorsqu’elle découvre que l’une de ses protégées a une vie sexuelle ; et qu’en fait son frère aussi. Punaise la révélation à quarante balais, quoi. Voilà qui donne lieu à des scènes embarrassantes et comiques, parce qu’il ne s’agirait pas de prendre trop au sérieux la sexualité des personnes handicapées surtout. Je ne suis pas vache : je reconnais que les performances tiennent pour le moment plutôt bien la route et que c’est, potentiellement, un beau rôle pour Anne Girouard. Mais j’avoue qu’entre le point de vue valide (on devine quel est le public supposé de la série), et le propos pour l’instant assez banal sur la sexualité, je ne me suis strictement pas sentie concernée, et encore moins amusée.
Les Oubliettes
Comédie
Faute d’un emploi, de revenus, et/ou d’une autorisation de découvert, Emma se retrouve contrainte à accepter un boulot dans un restaurant thématique sur l’ère médiévale. Sauf que plus qu’un restaurant, c’est surtout un repaire de rôlistes grandeur nature, qui prennent très au sérieux leurs costumes, leurs termes, et leur Histoire (qui est une Histoire tout-à-fait fictive). Les Oubliettes ne prend rien ni personne au sérieux, et surtout pas ses personnages qui en prennent systématiquement pour leur grade, y compris Emma. Le premier épisode a sans aucun doute été écrit sous l’emprise de substances à la légalité élastique, et le montage n’est pas moins allumé.
Malgré les petits gags qui se succèdent, cette introduction met aussi en place une histoire en fil rouge, histoire de s’assurer de ne pas s’enliser dans les mêmes ressorts comiques sans but. Emma l’ignore, mais nous supposons assez rapidement qu’elle pourrait être l’incarnation d’une Elue annoncée par une Prophétie ! Avec majuscules et tout. C’est absolument ridicule au dernier degré, et Les Oubliettes, de bout en bout, en a bien conscience. Mais une fois que tout le monde est d’accord sur la mission au coeur de l’existence de la série, on passe un moment sympathique.
Smothered
Romance, Comédie
Sammy et Tom vivent une nuit surprenante ensemble, puis (sous l’impulsion de Sammy, plus exubérante et surtout plus sujette à des idées lumineuses comme celle-là), décident d’entretenir une liaison de 3 semaines. Et pas un jour de plus. Refusant de se dire quoi que ce soit l’une sur l’autre, elles vivent cette idylle à durée déterminée avant d’effacer l’une le numéro de l’autre, avant de partir chacune de son côté. Pourquoi ? Parce que les histoires d’amour finissent mal (en général), alors que les liaisons finissent, apparemment, dans la joie et la bonne humeur. Il paraît. Et puis, il n’est certainement pas question de se lancer dans une histoire d’amour, vu la gueule des rencontres que les gens font en 2024.
Comme chacune le sait, le meilleur moyen de commencer une histoire d’amour est de se répéter qu’on ne commence pas une histoire d’amour. Smothered n’y croît évidemment pas elle-même. Dés ce premier épisode plein à craquer d’interactions adorables et de violons émus, on sent bien que l’intention derrière est de pousser Sammy et Tom hors de leurs zones de confort respectives pour atterrir dans la même romance. De toute évidence, ce n’est pas une série pour moi ; mais avec des séries comme Smothered (ou Starstruck, ou Colin From Accounts, ou même The Lovers en compétition l’an dernier), il semblerait que les romcoms tentent de faire leur retour à la télévision anglophone après plusieurs années de disette, et ça, ça fera forcément des heureuses.
Player of Ibiza
Comédie
Même en se chatouillant sous les bras, c’est compliqué.
Player of Ibiza tente la parodie d’émission de télé-réalité, tout en nous en montrant les coulisses. Le point de départ n’est pas très différent de celui d’UnREAL : après 10 années à produire Player of Ibiza, une émission de dating, cinq candidats sont sélectionnés pour une nouvelle saison. Sauf que le producteur décide de changer le concept pour en faire quelque chose de féministe. Pardon : de « féministe« . Sont donc recrutés les 5 pires clichés de masculinité toxique possibles, qui sont envoyés non pas à Ibiza comme dans les saisons précédentes, mais à Buchholz, un petit patelin à la campagne. Et, plot twist ultime dont ils n’ont pas été avertis : les candidats ne vont pas devoir charmer une jeune femme comme ils l’anticipaient tous frétillants, mais devoir se transformer en féministes eux-mêmes.
Le concept de la série consiste à suivre à la fois l’émission elle-même, nous montrant les images filmées, les confessions et tout le toutim, mais aussi les coulisses de Player of Ibiza, principalement par le biais d’Amelie, l’assistante de production qui vit un Enfer. Elle y est entourée d’une camerawoman et d’une présentatrice, qui chacune pour leurs raisons, n’en ont rien mais alors que dalle à péter de l’émission.
Le premier épisode de Player of Ibiza est… ah oui non, pardon, j’allais dire d’une durée de 3h, mais seulement 26mn en fait ! Au temps pour moi. Franchement, à la moitié j’étais déjà totalement blasée.
Sur le fond, ce premier épisode ne fait pas de promesse très intéressante : on a bien compris que l’exercice consistant à tourner ces 5 connards en féministes était voué à l’échec (le producteur lui-même est un bonhomme sexiste, même s’il n’en a pas conscience). Les déconvenues qui les attendent ne vont pas les rendre très coopératifs pour Amelie, en plus. Laquelle en a, de toute façon, déjà sa claque dés le premier jour, et ne nourrit aucune forme d’espoir quant au déroulé à venir des événements.
Sur la forme, c’est épuisant : la série est tellement investie dans ses portraits que les personnages masculins sont insupportables, mais occupent tout l’écran. Comme, un peu par définition, ils n’ont aucune forme de recul sur leurs propres actes, Player of Ibiza n’arrive pas à nous convaincre dans cet épisode introductif qu’elle va produire une critique de quelque ordre que ce soit. Quelle différence entre regarder Player of Ibiza et Player of Ibiza, franchement ?
Videoland
Comédie, Romance, Historique
Parfois, un épisode est trop court, le temps manque pour regarder les suivants, et le monde semble cruellement injuste. Je sais que par temps de festival, il faut faire des choix, mais là c’était surhumain. Il s’avère en effet que Videoland est absolument adorable !
Hayley, comme beaucoup d’ados, passe par une phase un peu maladroite et embarrassante. Elle bosse à mi-temps à Videoland, une boutique de location de VHS, ce qui lui donne l’opportunité de faire des recherches. C’est que, voyez-vous, Hayley est lesbienne, mais elle ne sait pas trop à quoi ça ressemble, une lesbienne ! La voilà donc (aidée de sa meilleure amie Tanya) bien décidée à écumer toutes les cassettes du magasin en quête de personnages lesbiens dans les films. Entre savoir qui l’on est et trouver son identité, il y a parfois une différence ! Hayley a en plus la révélation foudroyante, dans ce premier épisode, d’avoir trouvé une fille pour laquelle elle a un béguin, même si évidemment il n’est pour le moment pas question de faire quoi que ce soit. Et puis, même si elle le voulait, Hayley en est pour le moment incapable !
Videoland est enlevée et tendre, et ne prend pas au ridicule son héroïne gauche. Evidemment, il est question ici de représentations, mais la série n’est pas là pour disserter. Il faut lire entre les lignes, dans ses allusions (au male gaze porté sur les interactions entre femmes dans Showgirls, par exemple) comme dans ses références cinématographiques. C’est enlevé mais jamais superficiel, et bien-sûr, Videoland ne s’applique pas qu’aux années 90, même si clairement ça sent le vécu.
Je n’ai pas trouvé de chaîne de diffusion prévue pour Videoland, je vous préviens, vous vous arrangez comme vous le voulez, mais il faut que ça se fasse.
#annaismissing
Thriller
C’est vraiment appréciable quand une série s’autorise un angle inédit pour son objet. Sur le papier, #annaismissing est un thriller sur la disparition d’Anna, une influenceuse ; mais dans les faits, le premier épisode se concentre sur le point de vue de Nina, une adolescente qui ne connaît même pas la chaîne Youtube d’Anna. Comment l’une et l’autre se retrouvent-elles dans la même intrigue ? Eh bien c’est justement à cet épisode inaugural qu’il revient de connecter les points entre eux, et de dessiner pourquoi Nina, progressivement, en vient à s’interroger sur l’existence d’Anna. Même pas encore vraiment son sort.
Contrairement à # who am I, qui en dépit d’un point de départ similaire s’interrogeait sur l’hypocrisie inhérente au monde des influencers (il y a une différence entre la vie vécue et la vie présentée), #annaismissing s’interroge vraisemblablement sur notre pratique des portables ainsi que des réseaux sociaux, notamment dans le cadre de la sexualité. Nina, 15 ans, se confronte ainsi directement à la consommation de son père, et c’est de cette façon qu’elle en vient à s’interroger sur Anna. Je ne sais pas si les épisodes continueront à interroger cet aspect, il est fort probable que ce soit moins le cas à mesure que le sort d’Anna nous préoccupera, mais je trouve l’initiative intéressante, et riche d’un propos plutôt rare sur une forme d’éveil.
Bouchon
Dramédie
Comparée à d’autres pays, la France a finalement assez peu de dramédies sur des personnages féminins dysfonctionnels ; Bouchon vient rétablir un peu de l’équilibre. La série doit son titre au surnom que sa famille donne à « Lolo », une actrice dont la carrière semble enfin décoller, et qui en profite pour essayer d’améliorer tous les autres aspects de sa vie dans le même temps (elle arrête de fumer, elle arrête les antidépresseurs, elle essaie de faire de la relaxation…). Une quête de bien-être qui entre brutalement en collision avec la réalité : le jour de son anniversaire, son père annonce qu’un cancer du colon lui a été diagnostiqué. Et, surtout, qu’il se refuse à passer par une chimio, et envisage déjà l’euthanasie. Deuxième série cette année à Series Mania à parler de fin de vie, au passage, après Truelove. Bon.
Le premier épisode est rempli de chaos jusqu’à la gueule. Ça hurle presqu’en permanence, ce qui souvent dans les séries françaises a le don de m’ulcérer ; les décibels ici portent un propos, au moins : lorsqu’on a grandi dans une famille aussi foutraque que celle-ci, quelle chance a-t-on de trouver la sérénité ?! Bouchon ne manque pas de charme, précisément parce que dans le bordel ambient, la série arrive à saisir des choses assez fines et tendres, en faisant un pas de côté hors de la cohue pour saisir des fragments de vulnérabilité. Je n’ai pas encore décidé de ma capacité à encaisser les cris et le tumulte pour en extirper les perles d’humanité pendant toute une saison, mais je n’en ai pas moins trouvé le premier épisode solide et intéressant.
Ça prend pas la tchas à Papineau
Drama
« Ça prend pas la tchas à Papineau » : expression canadienne francophone (en référence à Louis-Joseph Papineau, politicien réputé intelligent) pour signifier que quelque chose est particulièrement facile à comprendre ou évident ; la « tchas » désignant en effet la tête… mais c’est apparemment aussi un terme créole pour désigner une coupe de cheveux. Jojo travaille en effet dans un barbershop, où ses journées sont remplies de musique et de blagues avec les collègues ; pourtant ce quotidien joyeux n’efface pas la douleur d’avoir perdu sa femme quelques mois plus tôt, non plus que la difficulté à élever deux adolescents seul désormais.
Les épisodes très courts de Ça prend pas la tchas à Papineau rappellent qu’un genre peut s’accommoder d’absolument n’importe quel format, sans que ça ne nuise à son émotion, sa justesse, et même pas à son élégance. Peut-être même au contraire. Capable de suggérer autant que de dire, ce premier épisode pose des bases touchantes d’un drame aussi réaliste que possible.
Ceux qui rougissent
Teen drama
Mais quelle jolie série ! Ah, combien j’ai regretté ne pas avoir le temps d’en voir plus (alors que 5 épisodes sur 8 étaient proposés), et n’y ai consenti que parce qu’arte me les rendra faciles prochainement. Quoique, apparemment elle est également au programme de Canneseries le mois prochain, pour patienter.
Ceux qui rougissent est une fiction en semi-improvisation ; là où j’éprouvais des doutes sur l’intérêt de cette méthode l’an dernier pour Innermost, ici ça fonctionne à plusieurs égards. D’abord parce que Ceux qui rougissent est une série sur le théâtre, et en particulier sur l’apprentissage du théâtre, la forme venant servir le fond. Ensuite parce que la série a un côté éminement meta : les jeunes comédiennes jouant les lycéennes de la série sont réellement des adolescentes (et pour autant que je puisse en juger, novices également), ce qui ajoute à l’authenticité de l’effort comme du résultat. Et puis aussi, par nostalgie, ayant moi-même passé de nombreuses heures en cours puis conservatoire de théâtre à l’adolescence, et ayant fait quelques uns des apprentissages dont (si j’en crois les inévitables trailers d’arte pendant Series Mania) la série veut se faire l’écho ici. Apprendre le théâtre, c’est s’apprendre soi en même temps qu’on apprend les autres. Il n’est guère de meilleure métaphore pour l’adolescence si vous voulez mon avis.
Mon seul reproche à adresser à Ceux qui rougissent, c’est la honteuse durée de ses épisodes : le premier s’achève au bout de dix minutes, quand j’aurais signé pour une heure. Au moins.
Epätila
Drama
Il y a une différence entre compter sur le couch surfing et être sans-abris… du moins est-ce ce qu’Eevi, 21 ans, pensait jusque récemment. La jeune femme cherche un boulot tout en restant chez son pote Ilja, qui partage, outre son toit, ses joints avec elle. C’est plutôt confortable, mais c’est éphémère, et bientôt l’arrivée de la petite-amie d’Ilja vient rappeler à Eevi qu’elle n’est pas supposée passer une nuit de plus sur ce sofa. Après avoir procrastiné jusqu’à la dernière minute, Eevi se résout donc à aller prendre le métro… et commence à démarcher le reste de ses contacts en quête d’un endroit où dormir ce soir-là.
Le premier épisode d’Epätila (qui apparemment signifie « état d’urgence », mais le titre international est Limbo Zone) ne s’intéresse pas vraiment à la façon dont Eevi en est arrivée à cette situation, et je ne suis à ce stade pas convaincue que les suivants se captivent plus pour l’origin story de la jeune femme. Ce que la série paraît vouloir aborder, c’est plutôt la façon dont, imperceptiblement, son héroïne tombe un peu plus dans une situation dont il va devenir encore plus difficile de se dépêtrer. Tant qu’elle cherchait « juste » un job, la jeune femme pouvait encore se dire qu’elle n’était pas à la marge ; mais là, elle s’aperçoit qu’elle n’a nulle part où dormir, personne sur qui compter, et que même passer la nuit dans le train est impossible.
Ce ne sont pas tant les causes qui sont intéressantes à mes yeux que cette cassure, ce moment où Eevi découvre que les choses sont déjà désespérées, mais qu’elle s’était raccrochée à sa dernière illusion de confort et de sécurité, pourtant déjà fragile. Sans jugement (mais sans ignorer que la jeune femme est imparfaite), la série fait le pari de suivre ce qui semble voué à être une descente aux Enfers. Et c’est d’ailleurs un rappel salutaire que même dans le pays supposément réputé pour avoir mieux résolu le problème que la moyenne, celui-ci n’a pas totalement disparu.
Kampen for tilværelsen
Comédie
A ne pas confondre, bien-sûr, avec la série norvégienne du même nom.
Deux potes. Assis. Côte à côte. Echangeant quant à leurs expériences les plus intimes. C’est toujours plus facile quand on n’est pas obligés de se regarder.
Les épisodes-vignettes de Kampen for tilværelsen abordent une question, et une seule. Il faut dire que la brièveté oblige la série à ne pas s’embarrasser de préoccupations satellites. Il n’y a pas d’intrigue, juste cette conversation, comme extirpée du quotidien, une fenêtre brève sur ce qui préoccupe les deux hommes et qu’ils n’ont, semble-t-il, jamais eu l’occasion d’exprimer à autrui jusqu’à ce moment précis qu’ils s’accordent pour être sincères l’un avec l’autre.
Le premier épisode de Kampen for tilværelsen, « bien-sûr », parle de cul (écoutez, l’an dernier 67% des séries présentées à Series Mania parlaient de fertilité, cette année le pourcentage s’applique au sexe ; pourquoi pas), mais on sent bien que ce qui se trame ici n’est pas simplement l’échange de blagues graveleuses ou l’envie de choquer le public. La sincérité de la démarche est évidente, et pousse à écouter ce qui turlupine ces deux amis. L’équilibre fragile entre être capables de parler de ce qui les préoccupe, et hésiter à en parler dans le même temps, est vraiment le point fort du ton de la série. Kampen for tilværelsen était projetée dans son intégralité pendant Series Mania ; je n’ai eu le temps d’en voir que le premier épisode (c’est l’jeu ma pov’ Laurence) mais je suis un peu curieuse de voir d’autres épisodes. Ce n’est pas exactement le genre de série qui m’attire le plus, mais j’aurais bien voulu voir quels autres thèmes les deux amis veulent discuter sur le même ton.
Slava, der Hund
Drama
Une bombe s’est abattue sur la maison. Les affaires brûlent et partent au ciel. On s’en va à Hambourg, en Allemagne. On prend le train. Mais pas toute la famille, parce que Papa n’a pas le droit de quitter l’Ukraine. Heureusement que malgré tout ça, il y a Slava, le chien.
Slava, der Hund essaie de raconter la guerre en Ukraine à travers les yeux des enfants. Décidément, la créatrice de Sunshine Eyes aime travailler avec les enfants. Elle connaît la définition du mot « zeitgeist« , aussi. Le premier épisode mise sur l’évocation indirecte de choses douloureuses, qui tente tant bien que mal de préserver le regard innocent des enfants, et le propos, d’adulte à adulte, sur ce que l’on fait subir aux enfants pendant une guerre. C’est un exercice compliqué, surtout quand on essaie de ménager des silences et de la contemplation (qui ne sont pas exactement le fort des enfants). Il y a de la peur, de l’espoir, de l’abattement, qui se mêlent aux histoires que se racontent les deux enfants de cette famille qui a tout perdu, sauf son chien… pour le moment. Le synopsis de la série promet que ça ne durera pas. Je ne sais pas trop si j’ai envie d’en voir plus. L’avantage c’est qu’avec le rythme du festival, la question est réglée, au moins temporairement.
Space Rats
Drama, Science-fiction
Je m’attendais un peu à ce que Space Rats, avec son pitch un peu ridicule, soit aux séries de science-fiction des années 60 ce que Danger 5 était aux séries d’espionnage des années 60. Mais on est ici beaucoup moins dans le pastiche, car Space Rats, derrière son absurdité, s’intéresse sincèrement à l’aventure de ses personnages. Qui, certes, sont quatre hybrides humain/rat envoyées dans l’espace par un stagiaire, mais dont la mission est prise très au sérieux, si ce n’est par autrui, au moins par elles-mêmes. Les protaginistes Hector, June, Hazel et Oliver sont, là encore contre toute attente, moins caricaturales qu’attendu. Ou disons qu’en tout cas, elles ne sont pas tellement utilisées à des fins comiques ou ridicules.
Leur mission ? Explorer trois planètes proches de Jupiter : Altum (une planète-océan), Viridia (une planète-jungle), et Mondo (une planète-désert). Selon toute vraisemblance, elles sont probablement habitables… voire même habitées. Le stagiaire qui a créé ce programme, et avec lui, l’équipage d’hybrides, décide en dépit de sa propre hiérarchie de les envoyer dans l’espace ; les ratronautes ont tôt fait d’atteindre Altum dans ce premier épisode. Il ne se déroule rien de fondamentalement révolutionnaire dans Space Rats, soyons claires. Les moyens humbles de la série, son point de départ absurde, ou les développements de la mission une fois sur Altum, ne permettent pas réellement de considérer Space Rats comme étant au niveau, disons, de The Expense. Mais à l’impossible nulle n’est tenue ! Ce que produit Space Rats est tonalement un peu le cul entre deux chaises, mais ça fonctionne, et on se prend d’affection pour ces tout petits rongeurs (sauf Hector, qui est un boulet) plongés dans un très grand univers.
Ces titres n’étaient pas en compétition, mais vous me connaissez, c’est pas ça qui m’arrête.
…L’ironie voulant que la série manquante au tableau est Il Camorrista, une production des années 80 dont la diffusion a été bloquée pendant plusieurs décennies. Et en même temps, qu’est-ce que quelques mois de plus…?
3 Body Problem
Science-fiction
A ce stade, je ne suis pas super enthousiaste quant à 3 Body Problem ; je ne l’étais pas non plus sur San Ti donc bon, faites-en ce que vous voulez. Le premier épisode de la première a, au moins, l’avantage de l’efficacité : le rythme est bon, c’est esthétiquement plutôt bien gaulé, je n’ai pas de reproche majeur à adresser… si ce n’est que j’ai eu l’impression qu’on me parlait comme si j’étais stupide.
Les articulations de ce premier épisode sont prévisibles de bout en bout. Les plot twists arrivent à heure tellement régulière que ce pourraient être des trains japonais. On épelle tout pour les spectatrices pour leur éviter de s’investir intellectuellement. 3 Body Problem est parfaitement calibrée, il n’y a pas un poil qui dépasse, chaque chose est là où on l’attend. Il n’y a ni surprise, ni émotion. Très clinique. En un sens, c’est l’inverse du problème que j’avais ressenti devant le premier épisode de San Ti, que j’avais trouvé exagérément cryptique et bavard. Mais finalement, ptet que je vais lui donner une seconde chance parce qu’à choisir…
Disko 76
Drama, Musical, Historique
Bien que sa réalisation soit plus malicieuse et créative, Disko 76 est la digne héritière de la trilogie Ku’damm. Sa recette est strictement la même : utiliser un genre musical (ici le disco, au lieu du rock’n’roll) pour parler du destin d’une jeune femme qui est le reflet de son époque. Dorothee dite « Doro » est une jeune femme mariée, qui dans l’Allemagne de l’Ouest des années 70 étouffe sous le poids d’une société patriarcale qui ne lui donne pas autant de liberté qu’elle le voudrait. La preuve en est : dans ce premier épisode, son mari décide qu’elle ne doit plus travailler, donc l’école maternelle qui l’employait la vire ! Pleine de ressentiment, mais plus encore, terrifiée à l’idée de devoir se consacrer à mettre un bébé en route, Doro ment à son époux et prétend être déjà enceinte.
Les choses ne s’arrangent pas à partir de là, à une exception près : dans le chaos grandissant qu’est sa vie, Doro tombe profondément amoureuse du disco, un genre qu’elle découvre à la base militaire américaine voisine. S’entrecroisent avec le sort de Doro celui de son frère Georg (qui a déserté le service militaire, et qui vient de promettre à sa meilleure amie de l’aider à élever l’enfant qu’elle attend), de sa soeur Johanna (qui ne rêve que de devenir pilote d’avion, et qui fréquente un Américain noir), et de sa famille au sens large (et notamment son père, un homme très conservateur et évidemment hostile à tout ce qui vient des USA, on sent arriver certains conflits). Et puis, il y a aussi de Robert, le séduisant danseur…
Disko 76 est une photographie bon enfant, ni trop chiante ni trop ambitieuse. On connaît la discographie par coeur, et franchement le scénario un peu aussi, mais enfin, la série remplit bien son office, et ce premier épisode, à défaut d’être une révélation sur le fond ou sur la forme, a au moins le mérite du divertissement honnête.
Galerie Désastre
Comédie
Petit oups de cette année : je voulais regarder un seul épisode, et finalement j’ai vu les cinq. Pour ma défense, sur Series Mania Plus, les épisodes sont d’ordinaire mis à disposition de façon séparée, alors que dans le cas de Galerie Désastre ils étaient proposés à l’enfilade. Bon, on a vu pire que se taper une intégrale d’une série en vingt minutes montre en main, vous me direz.
Galerie Désastre oscille entre la comédie absurde et la fiction de type heist, ce qui est loin d’être la pire combinaison de genres au monde. Les moyens de la série sont vraisemblablement humbles, mais l’humour permet généralement de passer outre. La série se déroule en effet dans une galerie où sont exposées des pièces d’art contemporain n’ayant ni queue ni tête. Léa, qui ne rêve que de parler d’art et travaille pour le moment comme agente de sécurité, se sent frustrée d’être bridée par le patron de la galerie, qui est également son beau-père Martin. Bouffi de suffisance et totalement insensible aux espoirs de Léa, Martin se prépare de son côté à apporter aux enchères une pièce de renom : Waves, un trésor qui devrait être mis à prix à 70K€. C’est à une semaine de l’enchère que se présente à la galerie une mystérieuse visiteuse qui approche bientôt Léa…
Il y a quelques problèmes de direction d’actrices, et des gags qui tombent un peu à plat. Mais dans l’ensemble, Galerie Désastre essaie avec les moyens du bord d’offrir quelque chose qui sorte un peu des sentiers battus. Vu son format, ce serait injuste de lui en demander plus.
Mary & George
Drama, Historique
Il y a des choses très intéressantes dans l’approche de cette série, en particulier concernant Mary, que toute autre fiction aurait dépeinte comme une arriviste, une intrigante, une courtisane sans honte. Mary & George met un point d’honneur à replacer l’église au centre du village : son ambition est une question de survie vu ses origines modestes, et n’est que renforcée par son expérience de la violence domestique. Au 17e siècle, si une femme ne plannifie pas son futur avec ingéniosité, quelqu’un d’autre le fera pour elle… Il n’est pas question pour la série d’excuser son comportement, mais de le contextualiser. Cela offre un éclairage à l’autre personnage central, son second fils George, qui là encore, n’a pas vraiment d’avenir en propre puisque son aîné (hélas déficient mental, donc moins fiable qu’espéré pour soutenir Mary) est voué à hériter de tout. Le jeune homme a mis du temps à comprendre le pourquoi des manigances de sa mère, les percevant essentiellement sous l’angle de l’étouffement, mais il fera des apprentissages majeurs au cours de ce premier épisode (l’occasion de retrouver Khalil Gharbia, je vous avais bien dit qu’il y avait des noms à retenir dans Les 7 Vies de Léa !) qui le feront changer d’avis.
La lecture de ce duo improbable est remarquablement moderne, même si un peu inconfortable par moments. Si la prod d’Une amitié dangereuse veut s’asseoir et prendre des notes, je ne l’empêche pas. Pourvu que Mary & George persiste dans son étonnante dynamique et son décryptage de cette mobilité sociale contrainte, je suis prête à tolérer toutes les manigances de palais les plus banales de sa part.
Pyramid Game
Teen drama, Thriller
Seong Su Ji vient d’arriver au lycée pour filles Baekyeon, mais ce n’est pas son premier rodéo : habituée à déménager fréquemment pour suivre son père militaire de carrière, elle a déjà vécu de nombreuses fois ce passage si inconfortable qu’est l’arrivée au sein d’une classe inconnue. Au fil des mois, des années, Su Ji s’est créé un mode opératoire lui garantissant de s’insérer aussi rapidement que possible auprès de ses nouvelles camarades… du moins, jusqu’à ce qu’elle débarque dans la classe 2-5 de Baekyeon. Elle réalise bientôt que ses réflexes sociaux, qui ont marché partout ailleurs, sont en effet inopérants.
Ce n’est pas sa faute. Les élèves de sa classe ont en effet un système bien particulier pour ordonner la hiérarchie de popularité interne, et participe mensuellement à un jeu dit « Pyramid Game » via une application qui permet à chacune de voter pour cinq autres camarades. Mais au-delà du jeu, et de la classification qui s’en suit, se joue tout autre chose pour les lycéennes se retrouvant, sans vote, au bas de la pyramide… Pyramid Game, donc, doit son nom à ce jeu sinistre qui consiste à s’accorder sur quelle victime la classe pourra se passer les nerfs sans se sentir coupable. Su Ji, qui pensait s’être fait des amies lors de son arrivée, découvre ainsi qu’elle n’est que du plancton dans la chaîne alimentaire de sa classe, laquelle a déjà fait une autre victime ce qui lui permet de constater l’ampleur des dégâts. Bleus, brûlures, et autres tortures physiques mais aussi mentales…
Pyramid Game se délecte de son exercice de pensée. La série flirte avec le high concept, en s’offrant outre un app dédiée au bizutage, également le contexte d’une classe traitée à part par le lycée, qui a apparemment préféré lui octroyer son propre bâtiment séparé des autres classes plutôt que d’intervenir. Laxisme ? Vision darwinienne de l’éducation ? Jeux d’influence ? Peut-être un mélange de tout cela. Le premier épisode, bien-sûr, n’a pas le temps d’approfondir la symbolique de son propos, et à la place préfère une mise en place attentive des dynamiques, et des personnages. En particulier de Su Ji, qui est une fine observatrice et qui arrive dans cette classe en étant déjà une stratège, et qui va devoir relever un nouveau défi si elle veut sauver sa peau ! Mais ne sauver qu’elle-même sera-t-il suffisant pour survivre au Pyramid Game ?
Starsky & Hutch
Policier, Action
Cela faisait depuis les années 90 et sa diffusion acharnée sur TFHein que je n’avais pas touché à Starsky & Hutch, et même à l’époque, je ne pense pas que j’en avais vu le tout premier épisode. Il remonte à une époque où les séries de network s’offraient couramment des pilotes de 70 minutes, mais à ma grande surprise, je n’ai pas vu le temps passer.
Starsky & Hutch tente de mélanger un aspect comique avec un autre plus « brut de décoffrage » (mais moins que d’autres séries policières parmi ses contemporaires). Les échanges entre les deux héros éponymes sont truffés de petites piques, de blagues, de bons mots ; n’empêche que pendant ce temps on quadrille la ville avec méfiance, on n’hésite pas à rudoyer un peu les mecs qui ont un casier, et on cause meurtre. Et bien-sûr, on se lance à toute allure dans les rues. La violence de Starsky & Hutch est mesurée (la série évite consciencieusement la moindre goutte de sang), mais indubitable. Le monde est hostile, et il l’est d’autant plus que dans ce premier épisode, le tandem suspecte que la tête de Starsky a été mise à prix. Mais qui donc peut bien en vouloir à un flic qui a l’habitude de maltraiter les suspects ? Surprenant. L’épisode finit par trouver un twist intéressant à cette intrigue (que je n’avais sincèrement pas vu venir), et finit sur une énième blague. La formule n’était pas originale alors, elle l’est forcément encore moins aujourd’hui, mais cet épisode a de l’énergie, c’est indéniable.
De ce premier épisode de Starsky & Hutch, il ressort une impression de « seuls contre tous » un peu dérangeante, toutefois. Surtout couplée à l’impression qu’on peut débouler dans n’importe quelle rue à toute allure, tirer sans sommation au milieu d’un hôtel, ou aller secouer un « habitué » du poste de police. Répété à la fois pour ancrer la relation de confiance entre les deux héros, et à cause de l’intrigue pendant laquelle une menace pourrait venir de quelqu’un qu’ils connaissent, ce mantra consistant à dire que la seule règle à respecter est celle de tenir son partenaire en vie est un peu effrayante. Mais évidemment, très courante chez les flics (et les séries sur/par des flics). Peut-être la chose la plus réaliste dans tout cet épisode.
Eh bien, ma foi, c’est tout. Je n’ai rien d’autre à reviewer. Cela n’aura pas été une mauvaise année, ma foi. Je remarque au passage que, pour la première fois de son histoire je crois, Series Mania n’a proposé aucune série israélienne dans aucune compétition (les choses étaient un peu moins manichéennes côté pro du festival), mais aussi, plus surprenant, absolument aucune série sud-américaine. J’ai raté quelque chose ?
En tout cas, si vous avez vu tout ou partie de cette sélection, n’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé… Je sais que je peux être un peu brutale dans ces reviews (l’effet de comparaison n’aidant souvent pas les séries les moins engageantes), mais je reste ouverte à la discussion !
N’ayant rien vu de tout cela du coup, c’est dur de discuter ;_: Pyramid Game est une série qui m’intéresse, je finirai sans doute par la voir, mais je sais jamais quand ça se fera…
J’ai noté aussi que: pas de série japonaise cette année ? Ou alors j’ai loupé ? (je n’ai pas encore tout lu, parce que c’est un peu trop pour mes yeux en une seule fois, donc j’ai lu le début, le passage sur Pyramid Game et j’ai scanné les titres pour le reste pour le moment) D’habitude le Japon est représenté, non ? Ou est-ce que je me trompe ? (fort possible, mémoire pourrie, tout ça)
C’est arrivé, je te rassure, mais pas tous les ans. En 2023 et 2022 par exemple ce n’était pas le cas. Par contre une série japonaise a gagné en 2014, Woman (poum poum poum). Donc c’est assez en dents de scie, comme tu peux le voir. Et effectivement cette année, rien.
Series Mania n’est pas un festival qui se veut européen (comme c’est/c’était le cas de Série Series), mais ça reste quand même souvent l’un de ses chevaux de bataille principaux surtout si l’on y inclut la Scandinavie, généralement gâtée. Les séries d’autres continents y sont les bienvenues, surtout anglophones et/ou nord-américaines, mais en sont rarement les vedettes. Israël avait classiquement plusieurs séries représentées aussi, mais euh, bon. Obviously.
Pas mal de séries qui me font envie (Pyramid Game, Space Rats, Videoland, La Mesias…), mais je n’en ai pas encore déniché une seule… je croise les doigts pour les prochains mois !