Les choses sont au plus mal lorsque démarre le dernier épisode de la première partie de la saison 1 d’ARK: The Animated Series. Maintenant essayez de le dire plus vite et cinq fois.
Outre la communauté des redwoods, qui n’a plus accès aux redwoods du tout, et qui a été contrainte de se réfugier dans une cave, Mei Yin a été capturée par le général Nerva et par Sir Edmund Rockwell, et semble promise à une exécution imminente. Elle et Nerva ont un dernier face-à-face, tandis que la résistance décide de comment s’organiser…
Alors qu’elle est torturée par les hommes de Nerva, on obtient un peu plus de contexte historique sur le passé de Mei Yin : de nouveaux flashbacks nous informent en effet qu’une fois adultes, elle et son frère Han (…enfin, officiellement, surtout son frère) étaient à la tête de la Rébellion des Turbans jaunes. Ce mouvement de colère face à l’injustice à laquelle les classes les plus pauvres de la société étaient confrontées s’inscrit décidément bien dans le discours ambiant d’ARK: The Animated Series. Dans ces aperçus supplémentaires de sa vie d’avant, Mei Yin se montre intraitable quant à la façon de procéder : « Cela finira quand le dernier aristocrate corrompu, et le dernier chef de guerre assoiffé de sang, aura été purgé ». Et ce, quand bien même son frère essaie de la convaincre en vain d’une voie diplomatique. Finalement, un dernier assaut contre le palais impérial la confronte au choix ultime : venir au secours de son frère, ou tenter de prendre le palais. Elle décide de poursuivre la révolution, quitte à sacrifier Han. Hélas pour elle, cela conduira Mei Yin non seulement à la perte de son frère, mais aussi à la sienne, quoique dans un ultime effort elle fasse tomber le général impérial avec elle.
Ce choix cornélien, Mei Yin y avait déjà fait allusion par le passé ; on sait depuis le deuxième épisode de la série qu’il pèse sur sa conscience, mais on a aussi appris, à son contact, qu’elle ne saurait en faire un autre. Pour Mei Yin, la résistance à l’oppression a un prix.
Cela confirme aussi, plus qu’aucun autre flashback jusque là, que toutes les personnes présentes sur l’ARK sont mortes, chacune dans des circonstances différentes. C’est l’épisode qui discute le plus explicitement de ce fait pour une autre raison : John y trouve finalement la mort, non sans avoir laissé à Alasie un message dans lequel il évoque sa conviction que l’ARK n’est pas un au-delà, mais que tout le monde y est déjà mort une fois. Si la série rechigne à faire avancer les choses pour le moment, en se concentrant sur l’opposition à Nerva, au moins arrive-t-elle à remettre la question sur le tapis. C’est, à mon sens, l’interrogation la plus capitale d’ARK: Survival Evolved, et je suis confuse que la série fasse montre d’aussi peu de curiosité. Peut-être est-ce de savoir qu’une seconde partie de saison arrive, qui l’autorise à ne pas se sentir obligée de faire avancer les choses dés maintenant ? Il y a eu, c’est vrai, un air d’exposition dans la plupart des flashbacks montrés jusqu’à présent, qui tend à laisser penser que la priorité de ces 6 premiers épisodes aura été de présenter la nature des personnages, plutôt que le mystère de l’ARK.
Ce sixième épisode opère ainsi comme un « midseason finale« , se concluant par l’assaut de la forteresse de Nerva, et le sauvetage de Mei Yin alors qu’elle était convaincue que personne ne viendrait pour elle, de la même façon qu’elle n’était pas venue pour Han. Helena est forcée de tuer quelqu’un (et pas n’importe qui) pendant cette opération, et si la scène est probablement plus atroce que la moyenne, elle trouve parfaitement son sens ici vu l’évolution de son rapport à la survie et à la mort dans les épisodes précédents.
Côté bestiaire, j’ai relevé un Dung Beetle vaquant à ses affaires ; un GIGA !!! (impossible de ne pas prononcer les points d’exclamation) ; et un Argentavis. C’est un peu léger, mais pour sa défense, cet épisode se déroule pour l’essentiel avec des personnages et des créatures déjà connues, eût égard à sa condition de semi-conclusion.
Dans le long aperçu des enjeux de la deuxième partie de saison (mise à disposition le mois prochain par Paramount+), on peut également voir des Titanoboas ; ce qui ressemble fortement à de jeunes Spinos ; des Vultures ; un Jerboa ; des Ichthyornis (…utiles ?! quelle est cette sorcellerie ?) ; des Ichthyosaurus aussi ; un Carnotaurus ; le Megapithecus ; un Tusoteuthis ; partiellement un Tapejara ; un Mosasaurus ; un Allosaurus ; un Mammoth bien vénère ; et un Bulbdog.
…Wow. Okay. Oh wooow. Je vois le genre. Tout ça et pas un seul Chalicotherium ? C’est nécessairement une attaque personnelle.
Je crois cependant que ma plus grande perplexité vient de certains choix de cet épisode n’ayant rien à voir avec ma créature préhistorique préférée.
Certains de ces choix sont naturels : ils découlent des changements opérés pour les besoins d’une narration linéaire, quand les Explorer Notes d’ARK: Survival Evolved délivrent des bribes d’histoire, sous la forme de journeaux intimes de divers personnages non-joueurs, découvrables dans n’importe quel ordre. Une série ne peut évidemment pas procéder de cette façon (quoique je maintiens que ce serait un concept intéressant vu la diffusion en streaming, mais je pense que l’expérience Kaleidoscope a refroidi les maigres ardeurs des plateformes en matière de non-linéarité). Donc ok, admettons, certaines choses devaient être changées. Je ne suis que compréhension face aux défis d’une adaptation, des dizaines de mes reviews passées le prouvent.
D’autres choix pouvaient être compréhensibles, et je conçois totalement qu’on ne répète pas les mêmes choses à l’identique par rapport au jeu. Introduire John plus tôt ? Pourquoi pas. Inventer de nouvelles protagonistes (Victoria, Alasie, Domina…), admettons. Même le fait que depuis le début de la série, Rockwell soit immédiatement présenté comme un antagoniste, quand dans le jeu il commence au départ comme un mentor pour Helena sur The Island (avec une lente montée en laideur), pourrait se justifier.
Par contre, pour certains choix, j’ai vraiment du mal. Tuer John avant même d’arriver sur Scorched Earth m’interroge beaucoup. C’est d’autant plus confondant que l’aperçu de la seconde moitié de la saison confirme qu’une partie de l’intrigue va bel et bien se dérouler dans le désert, donc pourquoi avoir entièrement supprimé l’intrigue de John ? Pourquoi même avoir fait de lui un allié de Mei Yin puis Helena sur The Island, plutôt que, disons, le personnage de Henry par exemple, qui ne portait aucune conséquence sur les intrigues à venir ? Pire encore, l’opération de sauvetage de Mei Yin concrétise mes peurs évoquées dans la review du deuxième épisode… ARK: The Animated Series a bel et bien décidé de mettre Helena et Mei Yin dans une situation romantique. Cela revient vraisemblablement à supprimer Diana, un personnage CAPITAL de la suite de l’histoire ! Et une intrigue à laquelle j’étais attachée, qui plus est. What the Ferox ?!
Je n’ai pas que du négatif à dire sur ce qui se passe dans cet épisode final. Loin de là. Je trouve même intéressant que Nerva apparaisse moins comme un psychopathe que Rockwell (qu’il méprise de façon évidente depuis le début).
La série lui donne l’occasion de parler un peu de ce qui l’anime, lors de l’échange avec Mei Yin : c’est, un peu comme Domina, quelqu’un qui voit le monde sous l’angle des rapports de force. Il a droit à un monologue révélateur : « Vois-tu, je n’ai jamais compris pourquoi nous sommes ennemies. Te souviens-tu, Mei Yin, quand tu es arrivée ici ? Quand je t’ai tirée des eaux, tremblante, et que je t’ai montré la façon dont ce monde sauvage fonctionne ? Ensemble, nous étions les plus fortes, les plus fières, les plus puissantes ! La consule que tu aurais pu être à Rome et ce que nous aurions pu y bâtir… nous aurions pu sucer cet endroit jusqu’à la moëlle, et revenir à la maison avec une armée digne de faire trembler de peur les Dieux eux-mêmes ». Car, oui, Nerva n’est pas hostile, pas exactement ; sa quête des artéfacts est uniquement nourrie par la croyance que leur utilisation lui permettra de revenir d’où il vient. Encore une fois, pour lui, tout est moyen. Il ne tire pas de joie à torturer (ce sont d’ailleurs ses soldats qui le font, une fois qu’il a le dos tourné) ou tuer, contrairement à Domina ; il le voit juste comme une nécessité pour obtenir ce qu’il veut. La domination non comme objet de jouissance, mais comme ticket pour le bonheur.
C’est un discours qui, en un sens, vient aussi compléter les interrogations de l’épisode sur ce qu’est l’ARK. Pour Nerva, l’ARK est temporaire ; il ne le voit pas comme un au-delà. Eventrer The Island permet d’obtenir la clé d’un retour au monde qu’il connaît, car vivre dans l’ARK n’est pas une fin en soi. Nerva ne se pose pas de questions métaphysiques sur le pourquoi de sa présence ici ; pour lui, c’est un problème à régler, et la force est le seul moyen qu’il connaisse pour régler ses problèmes. Quelque part cela développe Nerva presque mieux que les Explorer Notes du jeu ne l’ont jamais fait. Comme quoi, il n’y a vraiment pas que du mauvais dans les choix opérés par ARK: The Animated Series.
La saison étant en pause pour quelques semaines, j’ai besoin d’y réfléchir. De voir si c’est quelque chose que je peux concevoir, ou qui me fâche, que la série ait fait des choix qui font assez peu sens pour moi pour le moment, quand à d’autres je peux m’adapter. Peut-être aussi verra-t-on des articles, interviews ou autre, expliquant ces choix. D’ailleurs, tous les vendredis soirs (heure locale), le studio WildCard a pour tradition de sortir son traditionnel « Community Crunch » sur le site officiel. Peut-être trouvera-t-on dans le Crunch de ce soir une piste quelconque… Je ne compte pas dessus toutefois, le studio a jusqu’à présent été d’une compétence très relative lorsqu’il s’agissait d’offrir un aperçu de la façon dont les décisions créatives sont prises. Et a, en plus, des annonces à faire que la communauté du jeu attend au tournant.
On reparlera donc d’ARK: The Animated Series quand j’aurai plus de cartes en main.