Depuis toujours, Razan ne fait que ce qui lui plait, et strictement rien d’autre. Quand elle était enfant, ce comportement était encouragé par son père et détesté par sa mère ; maintenant qu’elle est une adulte avec une vie autrement plus compliquée… ce sont ses deux parents qui se sentent débordées.
La série saoudienne Jaiba Eid (soit Crashing Eid) est une petite dramédie charmante qui démarre pendant le mois du Ramadan. Donc euh, oui, on va pas se mentir, c’était un peu bizarre de la lancer en plein mois d’octobre. Mais je ne m’attends plus à ce que Netflix soit regardante sur ce genre de choses, de nos jours.
Ce qui a pour le moment épargné les nerfs de toute sa famille, c’est que Razan vit actuellement au Royaume-Uni avec sa fille Lamar (issue d’un premier mariage qui s’est achevé par un divorce peu cordial). C’est donc au Royaume-Uni qu’elle a rencontré son petit-ami, Sameer ; leur couple est solide depuis 2 ans, Lamar adore Sameer, alors un jour, après une sortie au cinéma, Razan décide de proposer à Sameer de l’épouser. Il accepte, et tout est merveilleux.
…Tout ? Pas exactement. Maintenant, il s’agit d’aller annoncer la nouvelle aux parents de Razan. La jeune femme fait donc le voyage vers l’Arabie saoudite à l’occasion de Ramadan. Le problème, c’est que Razan est très douée pour faire ce qu’il lui plaît, mais beaucoup moins pour communiquer. Malgré les exhortations de sa fille (qui à 15 ans est au moins aussi mature qu’elle ; gros syndrome Rory Gilmore, honnêtement), notre héroïne n’arrive pas à cracher le morceau. En plus, son propre frère, Sofyan, est à son tour en train de traverser un divorce, et il est revenu vivre dans la maison familiale, ce qui ajoute du stress ambiant. Pas de chance, ajoutant involontairement à la confusion, voilà que Sameer prend l’avion pour venir faire une surprise à sa fiancée ! Il débarque chez ses parents en plein Ramadan ; embarrassée, la jeune femme décide de mentir, car contrairement à ce qu’elle a raconté à Sameer, elle n’a pas trouvé le courage de leur annoncer ses fiançailles. La voilà donc à prétendre qu’il est simplement un collègue de boulot. Qu’il est venu pour l’Umrah. Qu’il vient faire de la plongée dans la mer Rouge.
Les mensonges s’accumulent et la tension monte. Non, vraiment, Razan n’arrive pas à dire qu’elle veut se marier… avec un Britannique d’origine pakistanaise.
Oui parce que, c’est ça le problème central de Jaiba Eid. En fait. Voyez-vous. Razan ne craint pas la réaction de ses parents à l’idée d’un mariage, mais à l’idée d’un mariage avec un homme d’origine pakistanaise. Derrière l’idée de romcom charmante, la série s’attaque donc à la carotide des préjugés présents dans la société saoudienne.
C’est pourtant Razan qui a demandé son petit-ami en mariage, mais on dirait qu’elle n’a pas trop réfléchi à la suite logique de cette demande. Elle débarque chez ses parents en n’ayant absolument pas prévu comment leur parler, ou plutôt les amadouer car, si elle est adulte, son mariage ne saurait se faire sans leur bénédiction. Et c’est pas gagné d’avance… mais pas uniquement pour les raisons qu’on croit.
Enfin, si, oui, il y a une problématique raciste, c’est sûr. Mona, la mère de Razan et grand’mère de Lamar, ne s’en cache pas, et assume. Hassan, son père, est un peu plus partagé. Il se considère plus ouvert d’esprit, même s’il a ses limites, et qu’il aimerait parfois que Razan respecte les usages conservateurs de l’Arabie saoudite une fois de temps en temps… ‘fin, au moins pendant le mois sacré, quoi, c’est quand même pas trop demander. Et surtout, il apparaît dés la fin de ce premier épisode que le pire ennemi de Razan, c’est sa façon de communiquer, qui a tendance à mettre ses parents au pied du mur de la plus déplaisante des façons. Le problème avec les mensonges, c’est qu’ils sont souvent découverts !
Tout cela se mélange, dans cet épisode inaugural, de façon enlevée et tendre, mais également intelligente. La série n’oublie pas que derrière le classique malentendu « oh bah ça alors, je croyais que vous étiez le livreur », il y a une base raciste, des aprioris peu reluisants, des constructions sociales voire religieuses inexplorées (« c’est pas le même Islam »). Jaiba Eid veut les interroger. C’est donc fait avec pas mal de légèreté, mais les thèmes sont indéniables, et Jaiba Eid ne semble pas vouloir reculer devant la difficulté. Déterminée à jongler entre le ton qu’elle s’est choisi, et son propos, la série ne manque pas au passage d’écorner aussi bien les préjugés des unes et l’immaturité des autres.
Avant de résoudre ses conflits, de toute évidence, la famille va passer par pas mal d’engueulades, mais il ne s’agit pas de se chamailler dans le vide. Plutôt de promettre qu’on répondra à la question : à quoi peut ressembler notre famille moderne sans la départir de sa culture conservatrice ? Pour ça, tout le monde va devoir faire un effort et se poser les bonnes questions…
Hey 😀
J’ai du retard dans ma lecture (le travail, les yeux, la crève, et autres choses, tout ça), mais lis tranquillement à mon rythme, et je voulais juste le dire, parce que même si je sais pas forcément quoi commenter, bah… je lis et étends mes horizons grâce à toi ♥ Merci, lady ♥