La nostalgie est une drogue dure.
Comme on revoit parfois par hasard une série que l’on a jadis aimée, Madoka retrouve par hasard l’envie de jouer à un jeu video qu’elle n’avait pas touché depuis les années 90. L’occasion pour Pocket ni Bouken wo Tsumekonde d’embarquer les spectatrices dans une petite dramédie pleine de bonne humeur, partagée entre retrouvailles et perspectives d’avenir. La vieille Game Boy de son frère à la main, elle est ainsi prête à affronter tous les défis de sa vie d’adulte… tout en attrapant des Pokémon.
En réalité, je suis probablement la pire personne possible pour vous parler de Pocket ni Bouken wo Tsumekonde : je n’ai jamais touché à un seul jeu de la franchise Pokémon. Je crois que j’ai regardé mon ex-sœur jouer un peu à l’un des jeux, mais mes souvenirs sont très vagues (et je ne saurais même pas vous dire lequel c’était).
…Malgré tout, parce que la série connaît bien son affaire, il s’avère que la sauce prend. A ma grande surprise, je me suis sentie un peu émue quand Madoka, découvrant dans un fond de carton la vieille Game Boy jaune, entreprend un jour de l’allumer et entend l’inoubliable son accompagnant le logo de Nintendo. Et par extension, tous les souvenirs de Madoka liés au fait de jouer à Pokémon étaient transposables à mes souvenirs avec d’autres jeux !
Toutefois, Pocket ni Bouken wo Tsumekonde est très spécifique dans les souvenirs qu’elle ravive, et prend grand soin de se référer autant que possible à l’univers de Pokémon, en brouillant les frontières entre l’univers du jeu et celui de Madoka (et donc le nôtre). Cela se sent par exemple quand Madoka quitte sa maison et que la scène de son départ se fait, en partie, en vue du dessus. Ou bien en présentant les informations distillées par la narration en voix-off dans des encadrés ressemblants ceux du jeu. Ou, lorsqu’un nouveau personnage est introduit dans la série, on a droit à un écran statistique. Ou encore, des passages pendant lesquels Red (le protagoniste du jeu) circule dans divers décors sont intercalés entre des plans de Madoka marchant dans les rues de Tokyo… Vous voyez le genre. La série a le sens du détail, et fourmille de références (je ne pense même pas les avoir toutes perçues), auxquelles évidemment il faut ajouter l’habillage sonore et l’usage de certaines couleurs. C’est très efficace ! Tout cela, avant même que Madoka n’ait recommencé à jouer au jeu de son enfance, car la nostalgie ne lui est pas réservée.
This Game Boy isn’t a spaceship, it’s a time machine. It takes us to a place where we ache to go again.
C’est très futé, ce qui se joue dans Pocket ni Bouken wo Tsumekonde avec la franchise. Ici, pas question de miser sur ce que font les séries animées et les jeux, c’est-à-dire créer une excitation nouvelle autour de Pokémon, et tenter de mobiliser de nouvelles joueuses. A la place, Pocket ni Bouken wo Tsumekonde assume parfaitement de s’adresser à un public qui est peut-être passé à autre chose, qui n’a plus d’attrait pour la franchise telle qu’elle est aujourd’hui, n’a qu’une vague idée des Pocket Monsters récents… mais qui, dans son cœur, a peut-être encore une larmouchette à laisser rouler au nom du bon vieux temps, si on l’aide un peu.
Et c’est, pour l’essentiel, tout ce qu’on en attend dudit public. En fait, le premier épisode s’achève même sur un avertissement : attention, on sait qu’on vous donne envie de rejouer à Pokémon Red, mais on ne le vend plus. On n’est pas là pour vous vendre un produit… juste une franchise.
« Ce drama est une fiction, et les personnes et les noms d’organisations représentées sont fictives. La vente et le support pour Pocket Monsters Red/Green sont terminées.
Certaines commandes et écrans de jeu représentées à l’aide de la Game Boy et la Nintendo Switch sont dramatisées. »
C’est du génie publicitaire parce que, bien-sûr, Nintendo n’est pas là pour faire du bénévolat. Raviver l’amour pour la franchise est un but caché de la série, bien-sûr, mais c’est fait avec tendresse et doigté… Et c’est sûrement un peu de la raison pour laquelle l’intrigue de la série se déroule dans le milieu de la publicité et du marketing !
Madoka, dont on nous indique que jusque là rien ne l’y destinait, a voulu quitter sa province (…le Kanto !) pour monter à Tokyo, et tenter sa chance dans ce milieu. Elle pensait que ce serait glamour et excitant… et à la place, elle s’est retrouvée à ADventure, une toute petite compagnie de 6 employées qui sont toutes moins fiables les unes que les autres, pour des raisons variées. La déception de Madoka est grande, même si elle essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur (et que par ailleurs, ce ne sont pas des gens méchants). Sauf que ça ne s’arrange pas quand son patron se rappelle à la dernière minute qu’une compétition a été organisée par leur plus gros client, qui, si ADventure devait la perdre, signifierait la fin de leur contrat ; par la force des choses, ça tombe sur Madoka de pitcher une idée de pub au patron de la boîte en question. Pas étonnant qu’elle préfère exhumer une vieille Game Boy que de se prendre la tête sur une compétition qui semble sans avenir…
Mais justement, l’inspiration lui vient en jouant à Pokémon (ainsi qu’en discutant avec la patronne du petit café où elle passe une soirée). Elle réalise que de la même façon que certains types de Pocket Monsters sont battus par un type de Pocket Monsters spécifique (comme l’eau bat le feu, disons), eh bien, il suffit de comprendre quel type de patron son opposant se trouve être. En se renseignant sur lui, elle a alors une idée à la Don Draper, et boom ! Elle sauve le contrat.
Je vous accorde que tout cela n’est pas exactement inédit, mais pour une série basée essentiellement sur la nostalgie, on s’en fout un peu. En fait, ce serait même contre-productif d’être originale ! Tout ce qui compte dans Pocket ni Bouken wo Tsumekonde, c’est de vous rappeler tous les bons moments passés jadis, sans jamais oublier que vous êtes désormais adulte. Vous n’avez peut-être jamais vécu la grande aventure dont vous rêviez… mais on a toutes eu droit à une aventure quand on a joué à notre jeu video préféré.
On a toutes quelque chose en nous de Bourg Palette, en somme.
Oh hyper tentant !
« On a toutes quelque chose en nous de Bourg Palette » 💛