Tout le monde aime une bonne success story. Un personnage parti de rien, avec une revanche à prendre sur la vie et la société, qui se hisse au plus haut, ça fait rêver. Aux États-Unis, on pense que c’est le propre du rêve américain, mais le thème est universel et la série italienne I leoni di Sicilia (ou The Lions of Sicily de son titre international) en est la dernière preuve en date.
Se déroulant en Sicile (…de toute évidence) en 1830, la série s’intéresse à Vincenzo Florio, un homme dont lui aussi la famille a été désargentée. Dans le premier épisode, il atteint la trentaine ainsi qu’une petite fortune qui lui permet de vivre confortablement, mais bien-sûr, ce n’est pas assez. Lorsqu’un baron local, en difficulté financière, lui demande un prêt contre lequel il gage son empire de pêche, Florio y voit l’opportunité d’étendre plus encore son influence dans la région.
Conté comme une chronique d’une famille, I leoni di Sicilia ne commence, cependant, pas exactement par entrer dans le détail de cette intrigue (bien que sans aucun doute possible ce soit le plan par la suite), et se propose de remonter trente années en arrière. A ce moment-là, les Florio habitent une villa confortable de Bagnara ; les tremblements de terre dévastateurs du début du siècle vont les inciter à déménager.
C’est Paolo Florio, le père de Vincenzo (alors encore enfant), qui décide que, puisque leur demeure a été ravagée, il n’y a plus rien à espérer de Bagnara, et qu’il est temps pour sa famille d’aller tenter sa chance à Palerme. Son épouse Giuseppina le suit à contrecœur, et son frère cadet Ignazio décide de partir avec lui ; en revanche, leur sœur reste à Bagnara, où leur beau-frère Barbaro, un marin, réside. L’idée est de rouvrir le magasin d’épices qui était autrefois tenu par un cousin de Barbaro, mais après avoir tout quitté pour venir dans la grande ville, les Florio réalisent que le magasin est un taudis à l’abandon, et que la maison qu’on leur avait promis n’est qu’une étable.
I leoni di Sicilia aime cette histoire de nouveau départ, et l’observe avec une admiration non feinte, quoique pas aveugle pour autant. Grâce à la force de caractère de Paolo, bientôt, le magasin est remis en activité ; Barbaro, qui a des parts dans l’affaire, approvisionne l’établissement en épices et autres produits bruts, tandis que Paolo et Ignazio s’occupent d’organiser le commerce et de vendre les produits en ville. Vincenzo grandit dans cet univers, tandis que progressivement, et malgré les difficultés initiales rencontrées de par leur condition modeste, la famille Florio se remet sur pied.
Toutefois, n’allez pas croire qu’on est ici devant une fiction sur un commerce, pas du tout. C’est d’une affaire familiale qu’il s’agit, et donc I leoni di Sicilia veut surtout raconter l’histoire de cette famille, de ses évolutions… et de ses relations. Il apparaît en effet très vite qu’Ignazio et Giuseppina, bien que n’en disant jamais un mot, sont profondément éprises. A côté de cela, Paolo est peut-être un homme à la volonté de fer, mais il a aussi un caractère difficile. Il n’a jamais toléré d’avoir tout perdu dans le tremblement de terre, et la façon dont il a été reçu à Palerme, comme un moins que rien, lui a laissé une blessure d’orgueil indélébile. Furieux à l’idée de n’être pas respecté par les personnes les plus influentes de la ville, il transforme sa réussite en une gifle assénée à ce qu’il considère comme des ennemis ; mais son succès, en réalité, n’est jamais assez. Le premier épisode montre la situation financière des Florio s’arranger progressivement, mais le tempérament de Paolo empirer. Et, quand bien même il ne semble pas avoir perçu le lien intense qui unit sa femme et son frère, il devient progressivement plus violent…
Là, dit comme ça, ça peut faire un peu soapesque. Mais grâce à une réalisation absolument impeccable, et un ton qui tente de ne pas trop sensationnaliser les événements, I leoni di Sicilia accomplit l’impossible : créer une fiction historique à la fois épique et à taille humaine. La série semble attachée à l’âme de plusieurs de ses protagonistes (notamment Ignazio qui prend pas mal de place dans cette introduction, et pourtant c’est pas faute de faire son possible pour s’effacer), et joliment intéressée moins par la réussite financière que morale de ses personnages. Si les décors et les costumes n’étaient pas si magnifiquement délivrés à nos yeux (et bon sang, entre ça et La legge di Lidia Poët, on est gâtées en ce moment), on croirait assister à un humble human drama (ce n’est pas sale).
Si vous voulez vous spoiler un peu, vous pouvez d’aller aller jeter un œil à l’histoire de la famille Florio, qui, bien qu’étant moins importante maintenant, a réellement existé et a, pendant environ un siècle, été l’une des dynasties marchandes les plus puissantes d’Italie, et résolument de Sicile en particulier. L’avantage c’est que depuis, la famille s’est retrouvée quasiment ruinée, ce qui évite d’avoir l’impression d’assister à l’origin story d’un équivalent transalpin de Bernard Arnault ou de Vincent Bolloré. Amis gauchistes, consommez donc l’escapisme d’I leoni di Sicilia le cœur léger !
D’ailleurs, si la série dure, on pourrait même assister aussi à la chute des Florio… et je ne vous cache pas qu’à mon âge, c’est la partie que je préfère dans une success story.
» Amis gauchistes, consommez donc l’escapisme d’I leoni di Sicilia le cœur léger ! » Haha, la ligne m’a fait rire. Pour ma part, j’aime quand même mieux la partie « success » des « success story » (j’ai des périodes où je suis addict aux auditions des télécrochets, mais je n’aime que celles où les gens sont couverts de compliments, et je me perds dans des heures et des heures de voir et revoir ces auditions et regarder les gens avoir leur victoire, même si je sais bien qu’au fond, ça ne durera peut-être pas du tout) mais c’est vrai que je ne pense pas que je pourrais regarder une série sur « oh là là regardez le grand succès » de Musk ou Bezos, par exemple. Mais en un sens c’est presque « hypocrite » (je sais pas si c’est le terme, mais j’espère que tu comprendras) parce que par contre je regarderais volontiers l’histoire d’un type FICTIF parti de rien et qui devient millionaire… parce que souvent, les types fictifs (quand l’idée est de faire que le public les soutiennent) le font tout en n’exploitant personne, ou en gardant leur intégrité morale à peu près intacte… mais en vrai, on sait bien que ça se passe pas comme ça.
Je sais pas où est allé ce commentaire, c’est n’importe quoi, haha.
Pour résumer: très jolis costumes u.u