Connaissez-vous le terme de « candidate poteau » ? Les lectrices québecoises sont disqualifiées, c’est de la triche, le terme est de chez vous.
Pour ma part, je l’ai appris ce weekend, en regardant le premier épisode de la série La Candidate, lancée fin septembre sur ICI tou.tv, et dont le point de départ est précisément de s’intéresser à une candidate poteau… c’est-à-dire une candidate parachutée, généralement sans espoir de victoire, juste histoire d’avoir un nom sur les bulletins.
Le PPDQ (ou « Parti Progrès et Démocratie du Québec ») fait le choix, lors d’une élection de députées, de placer plusieurs poteaux dans différentes circonscriptions, dont Alix, une manucure qui est mère célibataire, et n’a aucun intérêt pour la politique. Face à Fortin, le député sortant du PAQ (« Parti Alliance Québec) pour la circonscription de Dufferin, elle n’a aucune chance, de toute façon. Et comme c’est une femme plutôt jeune, son visage est un changement bienvenu au milieu des sept cent douze candidats masculins de plus de 50 ans que présente le PPDQ.
Bon. Du coup, ya pas de problème, pas vrai ? Pas vrai ?!
Le premier épisode de La Candidate reprend pas mal de tropes devenus courants en matière de fiction politique lorsqu’il s’agit d’imaginer comment des personnes qui ne sont pas du sérail, et qui n’avaient aucune intention d’y entrer, se retrouvent à évoluer dans ce milieu. Au cours de cette introduction, Alix va enchaîner les déconvenues, découvrant que le staff du PPDQ n’a aucun respect pour elle, que les journalistes sont odieux (…croyez-moi, masculin volontaire), et que les commentaires déplaisants vont bon train à son sujet un peu partout. Cela ne fait que la conforter dans l’idée que la politique, ce n’est vraiment pas pour elle. D’autant que les retombées sur elle sont une chose, mais sur sa fille, Lou, c’est insupportable. Et puis ses projets étaient bien différents, Alix ayant décidé que pour ses 30 ans elle allait ouvrir sa propre onglerie.
Comment s’est-elle retrouvée dans cette élection, alors ? Eh bien à la base, elle n’avait même pas l’air au courant qu’il y allait y avoir un vote, mais un ami qu’elle n’avait pas vu depuis l’adolescence, Ben, l’a contactée. Ben est séduisant, il parle bien, il est intelligent, il cuisine bien aussi (…oui, elle est allée chez lui). Ben est aussi un membre du PPDQ, et pense qu’elle fera une parfaite candidate poteau. Elle voulait dire non ; après une nuit avec lui (et sur l’insistance de Lou), elle a fini par dire oui.
Mené tambour battant, l’épisode d’exposition parvient à nous donner une idée de qui est Alix, à quoi ressemble sa vie, qui fait partie de son entourage… tout en commençant à diriger notre regard sur la vie politique du pays, qui continue pendant qu’Alix visite les locaux qu’elle espère louer pour son futur salon. C’est que, dans le microcosme politique, juste avant une élection majeure, un député du PAQ a été pris la main dans le pot de configure dans une situation sordide. C’est le branle-bas de combat dans les autres partis, et en particulier au PPDQ où l’on veut se saisir de cette opportunité pour s’affirmer, et peut-être même se placer comme un parti d’opposition !
Alors, vous pensez bien que les projets d’onglerie d’Alix, ça n’intéresse personne au PPDQ. Les bénévoles du parti travaillent d’arrache-pied pour gagner autant d’élections que possible. Les têtes de parti bossent jour et nuit pour installer leur parti. Même pas Ben est focalisé sur the big picture. Et c’est essentiellement de ce conflit que vit La Candidate : de la façon dont les intérêts individuels de cette femme qui n’avait rien demandé entrent en collision avec les intérêts politiques. Pas avec les idées politiques (dont cet épisode est totalement dépourvu, ce qui colle bien avec la perspective d’une candidature poteau après tout), notez bien. On parle ici de politique politicienne.
On s’attend que le bon sens commun de cette manucure humble venue de nulle part vienne tout renverser. Que son expérience de la vraie vie remette les points sur les i. Que l’agacement, la frustration puis la colère qu’elle ressent aient des conséquences. Dans la plupart des séries, ce serait le cas. Mais La Candidate ne mange (au moins pour le moment) de ce pain-là. C’est là que les tropes habituels sur ce type de dynamique semblent trouver leur limite : dans ce premier épisode au moins, puisqu’il ne s’agit pas de prendre des décisions mais juste de calculs politiques, Alix n’accomplit rien. Elle ne renverse pas l’équilibre en sa faveur. Elle n’a aucun vrai pouvoir.
Derrière l’énergie de ce premier épisode, sa légèreté (relative) par moment, et sa protagoniste centrale un peu naïve voire simple, il y a l’impression perturbante que la politique est un rouleau compresseur inarrêtable. Que ce microcosme phagocyte tous les autres, quoi qu’on fasse. Que quand les gens les plus importants du pays ont décidé qu’il se passait quelque chose d’important pour eux, les citoyennes doivent se plier au jeu (jamais l’inverse).
On espère pour Alix qu’elle réussira à tirer quelque chose de cette expérience, quand même, sur le long terme. Au moins pour elle-même. Pour le moment, rien n’est moins sûr.
Ça m’a donné envie !
Oui ? Ah bah je suis contente, c’est un peu le but.
Je suis convaincue ! Ca a l’air d’être une série qui me plairait, alors je me la mets de côté 😀 !
Surtout qu’elle vient de commencer, donc il n’y a pas encore beaucoup d’épisodes.