Qui n’a jamais eu envie de manger bien, mais sans se compliquer la vie ? Avec la somme astronomique de videos, sur TikTok et autres, vantant les mérites d’un plat original mais préparé en 5 minutes grand maximum, on ne me fera pas croire que ça ne concerne que moi. Pour certaines personnes, c’est une question de circonstances : le dimanche soir, ou en rentrant du boulot, ou pendant une période compliquée, on veut des solutions qui nous permettent de produire moins d’efforts. Pour d’autres, c’est tout un style de vie…
…Ce qui est le cas de Tsuyu Mendou, une employée de bureau qui tente toujours de se simplifier la vie… même si pour cela il lui arrive fréquemment d’emprunter des raccourcis. Bon, à la fin, les choses sont faites et bien faites, mais enfin, il y a une façon de faire, normalement. Cela peut scandaliser son entourage ! Tsuyu s’en fiche. Du moment qu’elle se régale !
– Ne culpabilise pas d’être fainéante…
– Oh je culpabilise pas !
Eh oui, aujourd’hui on parle une fois de plus d’une « série d’appétit » japonaise, ce sous-genre qui n’en finit pas de me ravir. Et de me donner matière à vous rebattre les oreilles avec des titres de séries dont vous n’entendez quasiment jamais parler ailleurs, alors qu’il faudrait. Pour de multiples raisons !
Au passage, pour la 712e review consécutive sur ce thème, je continue de m’étonner qu’en France on ne se soit jamais emparées du concept de « série d’appétit », alors qu’on se vante tellement de notre patrimoine gastronomique, mais bon.
Mentsuyu Hitori Meshi, puisque c’est d’elle qu’il s’agit dans la review du jour, s’intéresse donc à Tsuyu et ses pratiques culinaires un peu à part. Tsuyu n’est cependant pas exactement le même genre de flemmarde que Hana, l’héroïne de Hana no Zubora Meshi. Ce n’est pas qu’elle soit prête à manger n’importe quoi pourvu que ça demande peu d’efforts, c’est surtout que ce qu’elle veut manger, elle cherche à le préparer avec aussi peu d’efforts que possible. Il y a une nuance.
Elle se traduit principalement par l’utilisation quasi-systématique de mentsuyu, une préparation vendue toute prête normalement utilisée comme base à d’autres plats, mais qui généralement représente l’alpha et l’omega de l’assaisonnement pour Tsuyu. Un peu comme d’autres avec le Maggi, dont on ne citera pas les noms. Moi, c’est de moi qu’il s’agit. Tout ce que je mange est à base de Maggi. Je mourrai probablement jeune mais je mourrai heureuse. Pour Tsuyu Mendou, le mentsuyu (et vous aurez, au passage, sûrement remarqué que le nom choisi pour l’héroïne ne saurait être accidentel) remplace la sauce de soja, la marinade pour yakitori, le fond de sauce pour les pâtes, tout. Chaque fois qu’elle commence à cuisiner, elle s’imagine danser et chanter une mini-ode à la gloire du mentsuyu, parce qu’il sait tout faire. Je soupçonne une compagnie vendant du mentsuyu d’être derrière tout ça, mais on n’aura hélas pas le temps de mener l’investigation aujourd’hui sur un potentiel sponsorship, ni de parler de la longue et délicieuse histoire du product placement à la télévision japonaise. Je maintiens que c’est louche.
Bref, Tsuyu coule une histoire d’amour parfaite avec son mentsuyu… mais chaque fois qu’elle parle de ses prouesses en cuisine, on la regarde d’un drôle d’œil. Au bureau, c’est l’assistante de la présidente, la très délicate, suprêmement polie, et infiniment gourmande Iriko Togoshi, qui s’en étonne le plus. Iriko est tout le contraire de Tsuyu : c’est une jeune femme qui n’aime rien faire à moitié, et qui met beaucoup de soin dans les repas qu’elle prépare pour elle-même ainsi que pour son mari. Pourtant, Iriko n’est pas une snob : si les choix culinaires de Tsuyu la surprennent, elle ne les juge pas vraiment, et apprécie son enthousiasme ainsi que le fait qu’elle se montre si inventive pour économiser ses efforts. Et puis, la joie de vivre de Tsuyu est communicative, et elles ont au moins ça en commun, d’aimer cuisiner, même si c’est fait différemment.
La présidente de leur compagnie, l’excentrique Mme Yaranai, trouve les procédés de Tsuyu très drôles ; le collègue qui occupe un bureau à côté de celui de Tsuyu, Tsutomu Hokabe, est quant à lui un gourmand qui adore acheter des plats tous faits et ne voit pas l’intérêt de cuisiner pourvu de se remplir la panse (si vous vous posez la question : évidemment que l’acteur choisi pour ce rôle est gros, et il l’était probablement aussi dans le manga…). Tsutomu ne semble pas avoir remarqué qu’une autre collègue, Mai Shirota, est éperdument amoureuse de lui ; Mai s’avère également être une passionnée de nutrition et de santé. Du moins on nous le dit, mais ça ne se sent pas encore trop dans ce premier épisode.
Bref avec tout ça, les conversations sur la nourriture vont bon train à longueur de journée, mais ne vous en faites pas, Mentsuyu Hitori Meshi n’a pas oublié l’essentiel : nous montrer la graille.
Bénies soient les « séries d’appétit ».
Vous pouvez cliquer pour agrandir, mais à vos risques et périls.
Dans le premier épisode, Tsuyu va cuisiner deux fois. Une première fois, selon ses méthodes habituelles, elle va concocter des spaghettis aux champignons et au poulet, en deux temps trois mouvements. Elle cuit même les spaghettis au micro-ondes ! Et naturellement, utilise du mentsuyu comme sauce. Toutefois, à force de discuter avec ses collègues et notamment Iriko, Tsuyu a la conscience qui commence à la travailler. Ne serait-elle pas trop flemmarde ? C’est au point qu’une apparition prenant la forme d’Iriko fasse irruption dans sa cuisine, et ponctue son temps devant les fourneaux d’expression surprises et/ou navrées quant aux raccourcis culinaires empruntés.
Le lendemain, Tsuyu est encore plus intimidée par Iriko, la vraie cette fois, lorsque celle-ci l’invite à partager les délicieux sandwiches qu’elle a préparés pour la pause déjeuner. Intimidée oui, mais pas au point de refuser ! Tsuyu se sent inspirée par les délicieux sandwiches en question, et en plus un sandwich, eh bah, c’est relativement simple à faire ! Alors le lendemain, pour son jour de congés, elle tente de répliquer les sandwiches en question… mais voilà, c’est beaucoup plus de travail que ce à quoi elle est habituée. Le fantôme d’Iriko va lui apparaître à nouveau pour l’inciter à faire quelques efforts…
Bon, ce n’est pas de la grande télévision, ça c’est sûr. Au même titre que ce n’est pas de la grande cuisine. C’est fait exprès, je vous ferais dire.
Ce que manigance Mentsuyu Hitori Meshi est assez transparent : derrière sa petite dramédie sans prétention, la série donne des idées de repas simples pour essayer d’acheter moins de plats tous prêts, et se donner un peu plus de mal que la moyenne sans se fouler. En témoigne, d’ailleurs, son utilisation très particulière de la structure classique de la « série d’appétit » : le point d’orgue de l’épisode est non pas atteint en mangeant, mais en cuisinant. D’ailleurs Mentsuyu Hitori Meshi est l’une des séries du genre les moins intéressées pour décrire l’expérience consistant à manger, et son vocabulaire à ce sujet est squelettique !
Je persiste à penser qu’une compagnie de mentsuyu a financé la série (et/ou le manga à son origine) plus ou moins secrètement, mais il n’y a pas que ça : Tsuyu essaie de se donner le moins de mal possible au moment de la préparation, mais aussi de se laisser très peu voire pas du tout de vaisselle à faire ensuite. L’idée motrice de la série est vraiment : « par pitié, ça prend autant de temps de mettre quatre ingrédients dans une poêle que de commander sur Uber Eats, faites au moins ça ». Le voilà, le message. Aucune surprise. C’est juste fait par le biais de la fiction pour avoir l’air légèrement moins infantilisant qu’une émission « non-scriptée ». L’évolution des pratiques culinaires sert ici d’horizon en matière de character development : Tsuyu qui se demande si elle ne pourrait pas faire ne serait-ce qu’un tout petit plus que d’habitude… et Iriko qui, ma fois, se demande aussi si elle ne pourrait pas faire un peu moins. Je vous rassure, l’interrogation d’Iriko ne dure pas longtemps ! Mais c’est intéressant que l’épisode ait inclus ces hésitations.
Mentsuyu Hitori Meshi est tellement investie dans sa mission, qu’elle va jusqu’à nous fournir la recette en fin d’épisode… que les fansubs ont, il faut le dire, pris grand soin de traduire dans le détail, et joliment. On les en remercie parce que c’est pas de Netflix qu’on pourrait en attendre autant.
Parfaitement : ni oubli ni pardon.
Empruntez les raccourcis, nous dit Mentsuyu Hitori Meshi ! Au moins dans un premier temps, histoire de prendre goût à faire juste un peu plus d’efforts que d’habitude. Puis un peu plus. Puis un peu plus…