Ce ne sont pas les séries qui manquent, particulièrement en Asie, pour parler de la pression ressentie par les élèves vis-à-vis des examens et diplômes. Il est d’ailleurs assez étonnant qu’au pays du Bac, ces questionnements fassent si peu l’objet de séries entières. En tout cas, qu’il s’agisse de teen dramas classiques dans lesquels les résultats académiques servent de toile de fond, ou de séries s’intéressant plus spécifiquement à cette problématique, il y a l’embarras du choix sur les écrans asiatiques. J’entends bien vous en reparler sous un angle différent prochainement, d’ailleurs, si tout va bien. Si tout va bien.
Pour l’instant, en tout cas, direction l’Indonésie avec A+, une série lancée cette semaine par Amazon Prime Video. La plateforme, qui s’est implantée il y a moins d’un an seulement dans l’archipel, essaie en effet d’investir dans du contenu original : un peu comme Netflix l’a fait quelques années plus tôt quand elle était dans sa période d’expansion internationale.
L’approche choisie pour A+, c’est vraiment de parler du stress des concours, en se déroulant dans une école privée très select, la Bina Indonesia School… où les examens blancs sont rien moins que mensuels ! Forcément, ça met la pression, et du coup forcément…
Voilà. Au moins ça donne le ton.
Malgré cet avertissement (qu’A+ elle-même inclut en ouverture de son épisode), pourtant, l’épisode inaugural de la série démarre comme une dramédie colorée et innocente, lorsqu’une lycéenne du nom de Kalypso (dite « Kai ») est envoyée dans un nouvel établissement. De la Bina Indonesia School, elle ne sait rien sinon ce qui en est dit à la télévision : que c’est l’excellence de l’éducation indonésienne. La belle affaire ! Kai n’a pas du tout envie d’être là, et vit ce transfert en cours d’année scolaire comme imposé ; il l’est : cette inscription prestigieuse est en fait l’une des dernières volontés de son père, récemment décédé. Vous le voyez, la priorité de Kai n’est pas vraiment de se préoccuper de ses notes.
Et pourtant, il va bien falloir. Le système de la Bina Indonesia School est très exigeant à ce sujet : les droits de scolarité sont évalués en fonction du classement établi à la suite de chaque examen blanc mensuel ! La pression est donc double : à la fois les notes, et à la fois les parents, qui s’inquiètent des frais scolaires si ces notes baissent. Cela explique que le classement soit hautement compétitif, avec en particulier quatre élèves qui trustent perpétuellement les meilleures places : Re, Kenan, Aurora et Adinda.
Dans ses premières minutes, A+ emprunte des ressorts familiers : mettre en place une sorte de « cartel » des quatre élèves les plus en vue de l’école, ça a déjà été fait. Et ô combien : outre le succès international de séries comme Hana Yori Dango, rien qu’en Indonésie elle a déjà eu droit à deux adaptations officieuses ! Et c’est vraiment à la série japonaise que je pensais dans un premier temps, tandis que Thalia (ou « Thal ») sympathisait avec Kai pour lui présenter les complexités de son nouvel univers scolaire. C’est que, il faut tout lui expliquer, à Kai, et notamment de ne pas se mettre à dos les fameuses 4 élèves les plus populaires, dont certaines ont la réputation d’être d’ailleurs très belliqueuses. D’ailleurs en quelques jours, l’adolescente parvient à se mettre à dos plusieurs d’entre elles…
A cela encore faut-il ajouter qu’A+ est une série lumineuse et colorée, avec des jolies musiques adolescentes et évidemment quelques amourettes. En particulier, Thal en pince pour Kenan, qui en plus d’être très bien classé aux examens est aussi un sportif hors pair et un ancien délégué des élèves. Il est par-fait. Bref, les premières minutes d’A+ pourraient laisser penser qu’on a ici affaire à un teen drama malicieux, dans la droite lignée de la série malaisienne Projek: Anchor SPM.
Ne vous y trompez pas, ou du moins ne vous laissez pas berner durablement : A+ a bel et bien l’intention de mettre les mains dans le cambouis, et dénoncer les rouages malsains de l’exigence de performance en milieu de scolaire. Sauf qu’elle n’a pas l’intention de le faire avec légèreté, mais plutôt en parlant santé mentale. L’épisode inaugural se conclut ainsi avec l’annonce du classement pour les derniers examens blancs en date, qui conduit à un suicide…
A+ est claire quant à son propos : elle n’est pas en train de donner dans le mélodrame, mais d’adresser une part importante du mal-être de sa cible. D’ailleurs, à la fin de l’épisode, elle précise : « d’après une étude conduite auprès de 75 collèges et lycées dans 26 provinces indonésiennes, il y a 10 837 élèves qui ont des pensées suicidaires » (les chiffres datant apparemment de 2015). Pour A+, il y a urgence. Une urgence qui fédère au-delà des clivages à l’intérieur du lycée, si j’en crois la dernière scène, et exige que des actions soient entreprises. Et qui va les entreprendre ? Bon, comme souvent, il ne faut pas attendre des adultes qu’elles se bougent, donc comme l’indique le générique, ce sont les élèves qui vont devoir agir. Reste à voir quelle forme cette action va prendre, ce que cet épisode inaugural n’aborde pas encore.
Si je n’étais pas dans un état d’esprit fragile en ce moment, cette review n’existerait pas ; ou plutôt, elle n’existerait pas en l’état : je vous aurais fait un compte-rendu après avoir regardé toute la saison (elle ne dure en plus que 6 épisodes). Mais là, bon, je ne me sentais pas de le faire, le lancement d’A+ intervenant avec une mauvaise période pour moi téléphagiquement (j’espère vous en reparler à tête reposée), mais aussi personnellement (c’est bientôt la date anniversaire de ma tentative de suicide). Il y a en particulier une intrigue dont je n’ai pas vraiment parlé, et qui me touche beaucoup… je vous renvoie aux avertissements de début d’article.
Bref, je ne peux pas vous en dire plus sur la série, mais si vous vous sentez de vous y atteler, A+ vous est chaudement recommandée. Dans tous les cas, c’est la fin de l’année scolaire sous nos latitudes, alors prenez soin de vous, et… prenez soin des élèves que vous connaissez, aussi. Pensez donc, elles ne savent peut-être même pas qu’A+ pourrait leur offrir un peu de catharsis.