Not Dead Yet est une série que j’avais envie par avance d’aimer, et je n’y suis pas parvenue ; mais c’est aussi une série que j’avais envie par avance de détester, et je n’y suis pas parvenue. Il faut dire que je n’ai aucune forme d’affection pour son actrice principale, Gina Rodriguez, qui ne s’est jamais distinguée par sa finesse de jeu dans Jane the Virgin, non plus que sa finesse d’analyse en interviews, en plus de tenir régulièrement des propos racistes.
Mais Not Dead Yet est, d’un autre côté, une série au thème engageant (pour moi, en tout cas), en ce qu’elle s’intéresse aux regrets. Et très franchement, en 2023, qui n’a pas de regrets ? De nos vies individuelles à la direction que prennent les choses plus largement (en passant par la façon dont la seconde interfère sur les premières), il est difficile de n’être pas amère quand à la direction que prennent les choses dans de nombreux domaines. Me voici donc devant le premier épisode de Not Dead Yet (diffusé le mois dernier) à en attendre à la fois quelque chose de tendre, voire peut-être optimiste… et à la fois quelque chose d’irritant.
Tout ce que je peux dire c’est que j’ai et n’ai pas été déçue.
Comme le matériel promotionnel l’établit simplement (vous allez voir que la subtilité n’est pas exactement le fort de Not Dead Yet), il s’agit d’une dramédie dans laquelle une journaliste chargée d’écrire des rubriques nécrologiques, Nell, se retrouve dans l’étrange position de voir les personnes sur lesquelles elle écrit. Et qui sont, un peu par définition, décédées. Ce qui évidemment coïncide avec le fait que Nell soit dans une passe difficile : elle a atteint la fin de la trentaine et n’a pas accompli grand’chose de ce qu’elle voulait. Après une relation ratée pour laquelle elle avait tout plaqué afin de suivre son fiancé à Londres (et qui a fini par la voir plaquée, elle), la voilà qui revient dans sa ville natale, retrouvant ses amies Dennis et Sam, et décrochant un job dans une publication dirigée par une vieille connaissance qu’elle déteste, Lexi. Elle y a hérité d’un job peu reluisant, mais hey, ça permet de payer la moitié de loyer de sa colocation avec Edward, un type qu’elle ne connaît que parce qu’elle a répondu à son annonce.
En faisant le bilan, et le premier épisode de Not Dead Yet le dresse vraiment vite fait, sans vraiment avoir envie d’entrer dans les nuances de la situation, Nell voit bien que rien n’a tourné pour elle comme elle l’espérait. Fait-elle contre mauvaise fortune bon cœur ? Pas vraiment. Mais la vie continue et elle essaie tant bien que mal d’accepter qu’il lui faille prendre ce nouveau départ. Bon, on fait comme on peut.
Not Dead Yet a décidé, comme pas mal de séries avant elle, que sa vie était suffisamment en bordel pour s’autoriser à y incorporer des éléments fantastiques. On ne sait pas trop pourquoi du jour au lendemain elle commence à voir des fantômes… est-ce inhérent à sa fonction au sein de la rubrique nécrologique ? A-t-elle toujours été un peu capable mais les circonstances se prêtent à plus de vulnérabilité à l’au-delà ? Ecoutez, posez pas des questions comme ça.
Tout ce que le pilote a besoin que nous sachions, c’est que le musicien dont elle écrit l’avis de décès commence à lui apparaître, et n’a pas vraiment de difficultés à lui dire ce qu’il pense de son état dépressif et sa déception. Mais, à son contact, Nell va bien être obligée de regarder la vie à travers ses yeux, et cela va l’aider à aller de l’avant. Peut-être même à s’améliorer elle, et pas juste son statut dans la vie.
Bon, ce que fait Not Dead Yet, on se comprend bien que ça n’a rien de nouveau. Ce n’est pas très différent de ce que faisaient des séries comme Dead Like Me, par exemple, et au moins il n’y a là aucune forme d’enquête : le fantôme sait très bien comment il est mort, et ça n’a rien d’un meurtre. Les choses sont vraiment simplifiées au maximum pour qu’en une vingtaine de minutes, Nell se voit délivrer une leçon de vie. Naturellement, tout ne part pas nécessairement du fantôme : les relations de l’héroïne sont aussi dans une phase où certaines réalités qui n’avaient parfois pas été dites à voix haute, ou parfois simplement ignorées par Nell, commencent à révéler les travers de celle-ci. Il y a du travail à faire.
Not Dead Yet s’arrange pour que tout l’aspect « dramatique » (un bien grand mot) ne repose pas exclusivement sur l’au-delà, et pousse Nell à interagir différemment avec les personnes vivantes qu’elle connaît, et même qu’elle connaît mal ou pas du tout. A travers la mort, s’ouvrir au vivant, bon, encore une fois pas d’innovation majeure ici. Mais le fait est que je suis plutôt sensible à ce genre de mécanisme, alors bon, soit.
Le problème majeur de Not Dead Yet, c’est son ton : la série a d’emblée décidé que Nell, que tout le monde s’accorde à définir comme égocentrique et un peu chiante (même les personnes qui l’aiment, comme sa meilleure amie Sam), est quand même dans le fond une chouette personne. Ce sont les circonstances qui sont le plus à blâmer, et il lui est plutôt facile de faire volte-face même quand elle a été proprement imbuvable, parce qu’on a besoin d’une résolution positive en moins d’une demi-heure. Les choses sont assez simplistes, au point que ladite résolution ne se ressent pas nécessairement comme méritée : à la fin du pilote, Edward vient s’ouvrir à Nell (et lui parler de son autisme) alors qu’elle n’a rien fait pour l’inviter ; mais la série a décidé que la relation devait avancer. Il y a peut-être même un embryon d’enjeu amoureux là-dessous, je ne suis pas sûre. En tout cas on ne va pas perdre du temps à réellement faire progresser l’héroïne, tout lui tombe dans le bec dés qu’elle fait mine de vaguement avoir un tiers de huitième de moitié de prise de conscience (alors que dans le même temps Not Dead Yet affectionne aussi un angle très pull yourself up by the bootstraps, et prend soin de responsabiliser Nell pour tout ce qui lui arrive sans exception).
A cela faut-il encore ajouter que Not Dead Yet en rajoute dans la comédie, sans doute effrayée que son sujet si sérieux fasse peur à un public qui n’est pas capable de se concentrer plus de 10 secondes sur une émotion donnée. Ce qui nous donne des scènes dans lesquelles Gina Rodriguez semble penser que gesticuler dans tous les sens est le summum de l’humour, bon. D’un âne on ne fera jamais un cheval de course.
L’un dans l’autre, Not Dead Yet délivre le strict minimum quant à sa promesse initiale : forcer son héroïne à changer de perspective quant à ses regrets, éviter qu’elle n’en crée de nouveaux, et le faire en amusant gentillement la galerie. On ne peut pas lui en vouloir, parce qu’il y a quelques bons moments à en tirer (en plus on y retrouve Lauren Ash, de Superstore, une fois encore très en forme), mais il ne faut pas non plus en attendre une grande œuvre de télévision. Même une œuvre de télévision de taille moyenne. C’est de la télévision, c’est déjà bien.
Votre vie ne changera pas si vous regardez Not Dead Yet, mais au moins, vous ne le regretterez pas trop non plus.