« Vous, euh… vous avez des secrets ? Enfin je veux dire, des secrets qui mériteraient de nouveaux aveux ? »
L’une des meilleures séries françaises de 2021 que vous n’avez pas vue (pour employer l’expression consacrée) s’appelait Escape. Mais comme ça se passait le temps d’une soirée à peine sur W9 il y a deux ans, on peut comprendre que vous l’ayez ratée. Fort heureusement, j’avais été plutôt positive quant à la première saison, à l’époque, donc vous pouvez lire ma review pour vous faire une idée de quoi il s’agit. Et, oui, je m’obstine à parler de saison, même s’il n’y a que deux épisodes et qu’ils ont été diffusés l’un à la suite de l’autre (et que certaines sources préfèrent parler de téléfilm). L’intrigue est clairement structurée autour d’épisodes distincts, ça bouge pas.
D’ailleurs, plus que cela encore, la nouvelle saison d’Escape est, à ma grande surprise, feuilletonnante avec la saison diffusée en 2021. Alors que ce principe d’escape game aurait très bien pu conduire à une anthologie apportant son lot de nouvelles têtes et intrigues à chaque saison (ce qui en plus rendrait le format très exportable, au passage), nous retrouvons ici des visages familiers. Vlad, sa sœur Pauline, sa compagne Hélène, et son copain Stéph sont donc de retour. Pour elles, cinq années ont passé depuis la saison précédente…
A cette liste de noms (et de visages sur le matériel promotionnel), vous aurez peut-être remarqué qu’il en manque un : celui de Thomas, l’ami d’enfance de Vladimir. C’est que, suite aux révélations faites en conclusion de la première saison, celui-ci est désormais en prison. Le reste de la bande a, tant bien que mal, essayé de reprendre le cours de sa vie après tout cela. En fait une grande partie de cette saison est dédiée à étudier les conséquences des événements précédents, pas simplement parce que ça situe les personnages, mais parce que ça joue un rôle majeur dans le déroulement de l’intrigue et dans les tensions dramatiques qui sous-tendent ces deux nouveaux épisodes. Le procès suivi de l’incarcération de Thomas n’a ainsi pas été montré à l’écran, mais il fait partie de ce que la série veut examiner : un mélange de ressentiment et de soulagement a envahi le reste de la bande de potes.
Cinq années après, le traumatisme est encore là. Vlad, en particulier, a du mal à remonter la pente, après ce qu’il a subi pendant l’escape game d’alors (…je suis sympa, je vous spoile pas ce que c’était, des fois que vous vouliez rattraper) et dont il ne parvient pas à se remettre. Ses relations avec Hélène sont également plus tendues, et en particulier, celle-ci semble avoir de plus en plus avoir à le recadrer dans sa négativité… et de moins en moins la patience de le faire. En plus Steph a racheté ses parts du restaurant, hors l’établissement définissait le quotidien si ce n’est la raison d’être de Vladimir. Cela a considérablement refroidi les relations entre les deux amis, en plus de ce qui n’a pas tout-à-fait été digéré des actions entreprises pendant le jeu de la dernière fois. Bref, c’est pas la joie pour Vlad… alors que pour Steph, tout semble aller pour le mieux. Lui et Pauline préparent leur mariage, et financièrement, tout roule aussi, peut-être un peu trop car cela crée des jalousies. Qui plus est, le rôle-pivot de Pauline dans l’escape game d’il y a 5 ans n’a pas forcément été universellement accepté…
Si les quatre amies se retrouvent, ce n’est d’ailleurs pas par plaisir : les voilà rassemblées, ce qui semble être devenu exceptionnel, dans la maison d’enfance de Vlad et Pauline. Et par maison, je devrais dire demeure. Limite manoir.
La propriété, assez loin de leurs vies citadines, n’était plus occupée que par une seule personne : Burel, l’employé de la famille (officiellement « intendant »). C’était lui qui maintenait la propriété depuis le décès de la mère de Vlad et Pauline ; une fonction qui semblait couler de source puisque c’était un boulot qu’il avait fait pendant toute leur vie. Mais si je parle au passé, c’est que Burel est mort à son tour, et que Vlad et Pauline ont fait l’effort de venir à l’enterrement (à part le curé du coin et une infirmière libérale, personne d’autre ne s’est déplacé pour l’occasion). On ne peut donc pas dire que les retrouvailles soient particulièrement joyeuses. Vlad est (surprise !) de très mauvaise humeur ; revenir dans la maison de son enfance ne le réjouit pas, encore moins que devoir à nouveau sociabiliser avec Steph et Pauline. Cela ne fait qu’ajouter aux circonstances déjà peu gaies…
Après les funérailles, tout ce petit monde se trouve donc rassemblé de façon fort opportune. Piégées dans une pièce de la maison (…celle avec la piscine intérieure), Vlad, Pauline Hélène, et Steph réalisent bien vite que ce n’est pas un accident, et que quelqu’un les a enfermées là dans un but bien précis. Quand elles réalisent que des indices sont disséminés dans la pièce, le cauchemar recommence.
Je suis ra-vie que cette nouvelle saison d’Escape soit autant consciente (et qu’elle l’exprime) du potentiel effet de redite. L’escape game est cette fois imposé aux quatre amies, et forcément l’expérience précédente, profondément négative, leur donne à la fois un avantage et un handicap dans la réalisation des énigmes. Très vite vient se superposer une dimension supplémentaire : la dernière fois, elles ignoraient pendant un long moment qu’il s’agissait d’une manœuvre à leur encontre, cette fois elles commencent immédiatement à essayer de deviner qui est derrière tout cela. Mais cela signifie aussi que le ressentiment des épreuves passées va revenir à la surface, et parfois envenimer les choses.
Dans ce nouveau huis clos, les accusations fusent. Qui a osé infliger cela ? Pourquoi ? Eh bien, pour obtenir des aveux, sûrement, comme la dernière fois. Alors qui à quelque chose à avouer ?! Le premier des deux épisodes insiste sur la paranoïa inhérente à la situation, et c’est proprement délicieux parce qu’on construit parfaitement sur l’existant pour cela. Dans l’urgence du moment, chacune examine les trois autres en se demandant à qui il faudrait, une nouvelle fois, retirer sa confiance. Surtout que, qui dit énigmes, dit coopération… Mais il va aussi s’avérer que les mêmes règles du jeu ne se retrouvent pas nécessairement, cette fois, avec notamment un véritable danger de mort qui ne fait qu’amplifier le stress de nos participantes malgré elles. Escape a finement saisi l’intérêt qu’il y a à reprendre les mêmes personnages et les plonger dans une situation similaire pour en tirer des résultats différents ; c’est à la fois la définition de la folie et une vraie bonne idée dramatique.
Mieux encore, dans le second épisode de la saison, Escape rebat les cartes, et met de côté la suspicion permanente pour à la place s’interroger sur le fond du problème. Des révélations sont en effet au menu du jour, mais il ne s’agit pas de confesser des actions passées, plutôt d’offrir un éclairage nouveau sur des événements connus de toutes. Cela ne fait que renforcer la force dramatique d’une série qui, vraisemblablement, se refuse à négliger cet aspect alors qu’elle a pourtant un temps réputé court pour s’y intéresser. Si Escape est capables d’approfondir autant ses personnages et ses relations en deux heures tous les deux ans, je ne veux plus entendre personne se réfugier derrière l’excuse des dix épisodes par saison, qu’on soit bien claires.
La résolution dramatique de tout cela est plutôt satisfaisante. Symboliquement, elle offre à Vlad une occasion d’évoluer (hélas pas trop aux autres personnages, mais bon, encore une fois on n’a pas des heures et des heures). C’est plutôt bien joué, même si la toute dernière scène laisse aussi à penser qu’on compte cette fois franchement sur un renouvellement en saison 3 pour aller plus loin, les dernières images étant un peu abruptes, évitant le cliffhanger d’un cheveu. Pour autant, Escape a réussi un pari un peu fou : proposer une fiction haletante, incroyablement compacte mais pas superficielle, qui donne envie de s’intéresser au sort de ses protagonistes (et quelques pistes nous ont été laissées au cas où ce sort ferait l’objet d’un renouvellement). Tout ça avec, au final, une distribution resserrée, très peu de décors, des effets spéciaux limités autant que possible, et ce que je soupçonne de ne pas être le budget le plus pharamineux de la télévision française (c’est dire), c’est-à-dire ce qu’on pourrait qualifier de fiction « pas chère ». Toutes proportions gardées, évidemment. Cela n’empêche d’ailleurs nullement cette saison d’avoir un très chouette thème, Venise (la Venise de carte postale, naturellement), qui était source de fascination pour la mère de Vlad et Pauline, et dont diverses représentations (figurines de gondoles, masques de carnaval, cartes…) sont disséminées dans la maison. D’où le titre de la saison, « Morts à Venise ».
Sur moi, en tout cas, ça marche du tonnerre, et je trouve que des séries françaises comme ça, il nous en faudrait plus. Ou, au moins, il nous faudrait plus de celle-ci, pour commencer.
Vous m’avez bien lue : en janvier j’aurai parlé de trois séries françaises, et deux fois j’en aurai dit du bien. Et j’ai même pas pris de bonnes résolutions, en plus !
You making the surprised pikachu face when you watch French dramas you enjoyed is the same as me watching almost exclusively English content over the last couple months ?
Ha ha ha, this is really my surprised Pikachu face XD