C’est toujours un moment de joie lorsqu’une série dont j’ai reviewé la première saison, sans encore savoir si une seconde serait commandée, revient sur mon écran. Dans ces cas-là, mon petit rituel (invisible à la plupart d’entre vous) consiste alors à retourner sur l’article précédemment publié, et en retirer le tag « Série complète » : de toute évidence, la review de sa première saison n’est plus la review de toute la série. Dans la vie, ce sont les petits bonheurs qui font tout.
Voir revenir Le Code en ce mois de janvier est l’un de ces bonheurs, attendus fermement. Depuis plus d’un an.
Le legal drama de France2 compte en effet parmi ses meilleures productions originales de ces dernières années, renvoyant aux classiques télévisuels du genre dont elle a tiré le meilleur des enseignements. Mais elle vole de ses propres ailes, maintenant que la mise en place est passée. Aussi cette deuxième saison (pas seconde !) est-elle un plaisir à déguster, d’autant que les enjeux, bien-sûr, sont un peu plus grands à mesure que le temps passe.
C’est que, l’état de santé de son héros, Idriss Toma, n’a de cesse d’empirer. Nous apprenons en ouverture de saison que le shrapnel qui s’est logé dans son cerveau lorsqu’on a tenté de l’assassiner, est désormais en train de bouger. Sa vie ne tient qu’à quelques millimètres, et l’éclat de balle baladeur menace son existence… mais aussi, dans l’intervalle, ses facultés. Ce qui était déjà un thème dans la première saison devient donc une préoccupation de premier ordre maintenant que sa docteure a fléché très clairement le parcours qui l’attend dans les quelques mois qui lui restent : tremblements, hallucinations, et ensuite…
La bonne idée de Le Code, c’est d’en finir définitivement avec le secret : tout le cabinet est désormais tenu au courant des évolutions de la maladie d’Idriss. Cela colle formidablement bien à l’ambiance familiale installée par la saison précédente : dans l’intimité du cabinet, on peut désormais tout partager. C’est vrai pour le danger intérieur qui guette Idriss, mais aussi pour les meilleures nouvelles… comme le fait que lui et Élodie sont (enfin) ensemble. Tout le monde peut dorénavant (et va !) prendre part à un même quotidien, unifié par les événements.
Bon, un jour ce serait bien qu’Élodie ait une intrigue bien à elle, mais passons.
Le Code maîtrise vraiment l’aspect dramatique et feuilletonnant de son intrigue ; il n’est jamais question de tourner cet état de santé à un simple gimmick. En fait, là où d’autres avocates de la série n’hésitent pas à utiliser leur expérience personnelle pour informer leurs décisions et même, à plusieurs reprises, leurs plaidoiries, Idriss ne mêle jamais cela à ses affaires. J’en ai même été étonnée, dans l’épisode de conclusion de la saison, lorsqu’il défend un jeune homme schizophrène ayant des hallucinations, et que personne ne fait référence à ce parallèle, alors qu’Idriss doit affronter ses premières hallucinations. Peut-être que si celles-ci persistent en saison 3, ce sera quelque chose que la série interrogera.
Mais encore une fois, je ne lui reproche pas de parfois faire l’impasse sur des détails comme celui-ci, quand on voit qu’elle n’a obtenu, malheureusement, que 6 épisodes. Je ne sais pas qui il faut soudoyer chez France2, franchement… Il y a donc, hélas, des choses nouvelles dans cette saison que Le Code n’a pas le temps d’explorer en profondeur, mais il faut dire qu’elle fait en revanche un travail épatant pour utiliser le peu de temps à sa disposition pour convenablement traiter ce qui avait été mis sur la table dans la saison précédente.
Un excellent exemple de ce travail se retrouve ainsi dans la relation entre Claudia Caldeira et Maxime Laffargue, dont la relation confraternelle sous-tend une bonne partie de la saison. Les sentiments de Maxime Laffargue ne sont un secret pour personne, sauf peut-être celle pour qui son cœur bat, et s’il devait y avoir un ship dans Le Code, ce serait très certainement celui-ci ; grâce à Julien, l’odieux juge d’instruction avec lequel Coralie Caldeira est en couple, les choses semblent avoir, pour la première fois, une chance de se produire. Et puis non. Et puis si. Peut-être ? Je ne suis pas franchement fan de romances, donc ce n’est pas mon intrigue préférée de la série, mais même moi je dois reconnaître que la façon dont elle est menée a du mérite, tant elle permet à ses deux protagonistes d’évoluer non seulement vis-à-vis de l’autre, mais aussi personnellement. Pour Clémentine Caldeira et Maxime Laffargue, quel que soit le statut de cette relation, c’est l’occasion de s’affirmer, à des degrés différents, et ça fait plaisir à voir même quand rien n’est définitivement conclu entre elles.
Du côté de Jeanne Vanhoven, on pourrait croire qu’il n’y a pas de changement, mais personnellement c’est peut-être ce que je trouve le plus intéressant à son sujet. Certes, elle endosse toujours le rôle de caution humoristique dans la série : ses répliques font mouche, ses excentricités font toujours lever les yeux au ciel. Mais dans cette nouvelle saison, Jeanne s’est mise en tête de vivre une sorte de deuxième jeunesse (une sorte de carpe diem en réponse aux révélations autour d’Idriss), y compris sur le plan amoureux. Une représentation d’ailleurs assez rare à la télévision française pour une femme de son âge. Contrairement à ce que j’imaginais, Le Code n’utilise pas les détours de cette intrigue pour tendre vers le dilemme ou le conflit d’intérêt, de la même façon que les pertes de mémoire de Jeanne ne sont pas vraiment prises au sérieux. Mais les éléments sont là, et je soupçonne que le plan, sur le long terme, soit d’en planter les graines avec désinvolture pour mieux nous prendre à la gorge plus tard. Quelque chose dans le regard de Nadia, dans le dernier épisode de cette saison 2, tend à le confirmer.
Et Nadia, justement. Quelle saison pour Nadia ! Une saison discrètement très difficile, jalonnée de déceptions. Sans s’en apercevoir, trop occupée qu’elle est à être toujours sur tous les fronts, la brillante avocate engagée a lentement sabordé sa vie personnelle ; et même comme ça, elle n’a pas réussi à obtenir beaucoup de victoires. Mon épisode préféré pour elle, c’est le 4e de la saison, Dérapages. Elle y tente désespérément de donner un sens militant à son choix de client et à son choix de défense, mais rien à faire, ça ne va pas dans son sens. Et au lieu d’accepter cette réalité, celle qui pourtant dans ce cabinet est d’ordinaire la plus en prise avec la réalité préfère cette fois le déni, aussi longtemps que possible. C’est formidable de la voir se débattre avec ça, et même si ses intrigues peuvent parfois sembler secondaires, Le Code n’hésite pas à lui faire multiplier les choix douteux. Parce que c’est plus facile de prendre une mauvaise décision que de regarder les choses en face. Sauf que pour un personnage entier comme Nadia, ça n’est pas tenable longtemps. La saison 3 (…et il y aura une saison 3, hein France2 ?!) devrait être fascinante pour elle.
Les affaires judiciaires ne déméritent pas dans ce tableau. Comme d’habitude pour une série procédurale, chaque spectatrice y trouvera plus ou moins son compte d’un épisode à l’autre, mais tous font l’effort visible d’essayer d’introduire de la nuance dans des affaires complexes, et touchant à des sujets parfois exploités de façon simplistes dans des séries équivalentes.
J’ai personnellement une préférence cette saison pour Jusqu’à ce que la mort nous sépare, l’épisode introductif de cette nouvelle saison, qui s’attaque à la question sensible du suicide assisté (certes sans la présence de la première concernée, qui par définition n’est plus là pour en parler, mais à part ça en abordant tous les autres points de vue avec justesse) ; Une parfaite coupable, variation intéressante et humaine sur un thème déjà employé la saison précédente dans Le moment de vérité, incluant ce qui est probablement la meilleure plaidoirie dans l’histoire de la série jusqu’à présent ; et puis, le susmentionné Dérapages, une évidente exploration de l’affaire sur la mort d’Adama Traoré, d’autant plus intéressante qu’elle propose un renversement des dynamiques en faisant en sorte de commencer par la défense d’un policier, mais finissant par un propos très clair (mais suffisamment mesuré pour être pris au sérieux par un public aux opinions parfois variées) sur les violences policières.
Le Code ne recule pas devant la nuance, et c’est vraiment tout à son honneur ; les sujets y sont souvent casse-cou, mais la série s’emploie à démonter les idées reçues des jurées (mais en réalité, des spectatrices) en refusant les évidences notamment sur la santé mentale et les capacités cognitives ; la récurrence de cette problématique dans la série n’en exclut pas d’autres, mais est la démonstration d’un attachement à amener la question de la Justice sur un terrain humain. Dans les crimes dont on débat au fil des épisodes de Le Code, ce n’est jamais vraiment le crime lui-même qu’on explore : pas de photos de scène de crime, pas de détails atroces sur des exactions commises, pas même d’intérêt, pas vraiment, sur les quelques scènes de reconstitution. C’est toujours, à la place, l’intention qui prime ; et derrière l’intention, il y a toutes sortes de questions sur le libre-arbitre, aussi bien au moment des faits que dans les circonstances qui conduisent là. Pourrait-on faire d’autres choix ? Dans Le Code, on admet que les décisions prises au moment d’un crime sont, généralement, la suite logique de mois, d’années de choix précédents. Et que par conséquent, ces choix ne peuvent pas être purement individuels : les circonstances, l’entourage, la société, pèsent à tout moment.
Cette capacité à expliquer pourquoi c’est toujours plus complexe que ça en l’air, c’est la force de Le Code, et ça lui permet de demander : et du coup, dans un monde où les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît, où nos choix sont limités par le monde et la perception de celui-ci (une nuance vraiment passionnante introduite plusieurs fois), à quel moment sommes-nous ou ne sommes-nous pas responsable ?
Alors, je finirai cette review de saison par une apostrophe de France2 :
Il faut pas juste que vous la renouveliez, cette série. Il faut que vous l’aimiez. Ce qui commence par lui donner plus d’épisodes par saison, pour commencer. Accessoirement investir dans un peu de matériel promotionnel serait pas mal aussi (vous avez UNE photo de promo depuis la saison 1, and that’s it… le reste c’est des photos d’épisodes ou des photomontages bricolés par des plateformes ; faudrait pas un changement de distribution sinon c’est la panique). C’est d’une myopie… Il faut lui donner ce qu’elle mérite. C’est une petite perle et vous devriez chaque jour remercier le ciel de l’avoir dans vos grilles, même si ce n’est que quelques semaines par an. Soyez à la hauteur de ce que vous commandez.
Je vous accorde que c’est aussi à nous, spectatrices, de vous montrer l’amour que nous ressentons pour Le Code. Pour vous inciter à mieux la choyer.
Aussi j’enjoins toutes les âmes téléphagiques qui me liront à aller donner de la force à la série, pas le mois prochain, mais dans les jours qui viennent : de l’avis-même du co-créateur Nicolas Robert, c’est maintenant que tout se joue. D’ailleurs, dans quelques minutes (19h30 précisément), il poursuivra sur Twitter son travail de livetweet commencé plus tôt, et commentera en direct les deux derniers épisodes de la saison 2 avec quiconque voudra bien les regarder sur le site de francetv. Du coup, exceptionnellement, un petit coup de coude conclura cette review : allez regarder Le Code aussi vite qu’humainement possible, voire même plus tôt encore. En particulier les deux derniers épisodes, diffusés cette semaine.
Sans vouloir vous mettre la pression, la vie d’Idriss Toma en dépend, quand même.