C’est en bossant sur ma review de Brokat (publiée hier) que j’ai réalisé que je n’avais pas encore vu Minx, une série américaine se déroulant également pendant les années 70 et ayant un sujet qui, sur le papier, pouvait sembler similaire. Lancée au printemps par HBO Max, la série promettait en effet de parler d’émancipation féminine par le prisme du rapport à la sexualité (et, ici, de la nudité en particulier, puisque la série se déroule au sein de la rédaction d’un magazine proposant une page centrale érotique).
Voilà bien quelque chose qui m’ennuie quand j’écris une review : m’apercevoir que je n’ai pas tous les éléments de comparaison nécessaires pour en parler. Alors même si la review de Brokat était déjà publiée, j’ai regardé le premier épisode de Minx… essentiellement pour vérifier que mon absence de visionnage de la série n’avait pas causé trop de dommages.
Sans vouloir vous spoiler, je me suis surtout et avant toute chose aperçue que j’étais passée à côté d’une série bien sympa.
Joyce Prigger est une militante de la Deuxième Vague qui n’en peut plus de peaufiner ce qu’elle considère être le projet de toute une vie : mettre sur pied The Matriarchy Awakens, un magazine féministe rempli d’articles sur le patriarcat, la lutte pour l’égalité des genres, et l’oppression des femmes y compris sexuelle. Oui j’ai peu ou prou dit trois fois la même chose, mais Joyce est tellement focalisée sur son idée, élaborée avec assiduité au fil des années, que rien d’autre n’existe pour elle. Au point, dans le premier épisode, que lorsque son fiancé lui donne un ultimatum entre son projet de magazine ou leur relation, elle choisit The Matriarchy Awakens, sans même sourciller. Le problème c’est que ce n’est pas un projet extrêmement vendeur.
Dans les années 70, l’industrie du magazine se porte à la fois bien et mal : la perte d’une partie des revenus générés par les annonceurs (ceux-ci se tournant vers la télévision) pousse les maisons d’édition à chercher non plus à publier de titres largement rassembleurs, mais plutôt à s’adresser à une foule de petites niches d’audience. Moins de tirages, mais un public plus ciblé. Dans cette ruée vers l’or, les choses devraient se prêter à un avènement, enfin, de The Matriarchy Awakens, mais manque de chance il faut aussi prendre en compte le fait que les maisons d’éditions sont dirigées par des hommes pas du tout féministes, et que leur idée d’un magazine pour femmes reste majoritairement de proposer des conseils beauté et des idées pour trouver et faire durer l’amour. Les revendications politiques donc Joyce veut que son magazine soit le porte-parole n’intéressent pas ces hommes, quasiment par définition ; The Matriarchy Awakens ne parvient pas à profiter du boom de l’industrie.
Et pourtant, elle trouve quelqu’un qui lui propose, de lui-même, de financer quelques numéros à titre de banc d’essai. Doug Renetti n’attend pas qu’elle lui pitche son idée, il montre de l’intérêt de lui-même, et ce alors qu’elle ne le prend pas au sérieux d’emblée. Il faut dire qu’outre son allure plus que décontractée et son franc-parler déroutant, Doug est surtout l’éditeur de plusieurs magazines érotiques (avec un goût prononcé pour l’allitération : Naughty Knockers, Secretary Secrets, Chesty Chicanas, Ladies of Leather, ou encore Milky Moms…). Cela n’impressionne pas notre féministe, naturellement. Mais plus l’épisode passe, plus il faut bien se rendre à l’évidence : il est le seul à manifester de l’enthousiasme. Même si, bon, il pense qu’on peut encore affiner le projet. Joyce finit donc par accepter sa proposition et rejoint Bottom Dollar Publications, où Doug lui constitue immédiatement une petite équipe. Il y a d’abord et avant tout Tina, son assistante de longue date, et la seule femme noire de l’équipe ; Richie, le styliste gay qui pourtant officiera comme photographe ; et Bambi, ancienne mannequin du magazine qui est en charge de la ligne éditoriale sur un plan visuel.
Pourquoi visuel ? Parce que l’idée de Doug, c’est d’inclure une page centrale avec un homme à poil dans chaque numéro ! Naturellement Joyce s’oppose à l’idée (elle trouve que ça diminue l’impact de son discours dans les autres pages du magazine), mais elle n’a pas vraiment d’autre option, d’autant que Doug est, derrière son attitude débonnaire, quelqu’un qui sait se montrer convaincant quitte à pousser. D’ailleurs c’est ce qui explique que Richie travaille comme photographe (il est gay et le seul photographe employé par Bottom Dollar Publications à accepter de prendre des bites en photo), ou que Bambi soit qualifiée pour choisir les photos.
Le premier épisode de Minx est d’une efficacité redoutable dans son déroulé. La série parvient à exécuter son exposition sans un seul temps mort, à introduire des nouveaux personnages fréquemment (la sœur de Joyce, par exemple, une mère au foyer plus traditionnelle mais à l’écoute) sans perdre le fil, à poser des personnages relativement nuancés… Bon, ironiquement, Joyce est l’héroïne principale mais sûrement la moins complexe de toute la distribution. Minx nous présente une féministe un peu psycho-rigide comme la télévision nous en a fourni pas mal au fil des décennies, mais elle le fait avec la promesse de ne pas en faire un éternel éteignoir, en tout cas.
Car oui, dés cette première demi-heure de la série, on va déjà voir se réaliser (en partie) la promesse d’un peu de character development : Joyce s’ouvre à la possibilité de la nudité masculine comme outil de libération féminine (et se décoince légèrement au passage). J’ai également été très impressionnée par le personnage de Bambi, qui, initialement présentée comme une bimbo blonde, s’avère être une éponge à savoir, et même à théories féministes, qu’elle fait immédiatement sienne. Quant à la relation entre Joyce et Doug, déjà, elle donne les signes d’un échange culturel entre deux mondes parfaitement prometteur, même si je suspecte aussi un enjeu amoureux de se tramer quelque part dans leurs nombreuses prises de bec (…et ça m’agace un peu que Doug soit toujours présenté comme celui qui a raison pour le moment).
Rien qu’au vu de ce premier épisode, je ne suis pas surprise que Minx ait rapidement obtenu une deuxième saison… mais d’ores et déjà ulcérée que cette saison ait déjà été annulée. Rapport au fait que chez HBO Max c’est la ligne éditoriale, maintenant, d’annuler des séries même quand elles marchent bien.
Au moins, j’ai le reste de la première saison à découvrir. Ce qui me laisse la possibilité de profiter du fait qu’en-dehors de quelques éléments (l’époque, la libération sexuelle…), Minx n’a, fort heureusement, pas grand’chose en commun avec Brokat. Sur la forme, sa réalisation est moins poussée, mais aussi moins alambiquée ; en outre elle embrasse pleinement son côté dramédique (là où Paper Giants se prenait très au sérieux).
Et si vous m’avez lue hier, vous savez que c’est, finalement, une bonne nouvelle pour Minx… et pour ma review.
J’étais complètement passée à côté de l’existence de cette série au moment de sa diffusion, ton article m’a convaincue d’aller y jeter un œil (même en sachant qu’elle a été annulée)