Wishful thinking

10 décembre 2022 à 22:01

Si vous avez n’avez pas encore atteint votre majorité, vous aimerez peut-être La flor más bella. Autrement ? Rien n’est moins sûr.
La nouvelle comédie adolescente de Netflix nous vient du Mexique, et présente Mich (diminutif de « Michelle »), une protagoniste qui a décidé qu’il n’y a rien de pire au lycée que de ne pas être populaire, et que donc, elle va arrêter d’être invisible. Il faut le dire qu’elle est vraiment invisible… au point que même la proviseure ne la reconnaît pas, alors qu’elle a fait du babysitting pour son môme ! Forcément c’est insultant, et encore, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, mais il n’en reste pas moins que l’héroïne de La flor más bella en tire uniquement les mauvaises conclusions. Et potentiellement, La flor más bella aussi.

C’est évidemment toujours le risque de parler d’une série en n’ayant vu que son premier épisode (un risque que j’ai encouru plus de 1600 fois dans ces colonnes, et avec plaisir encore, parce que parler d’une découverte me procure plus de joie que m’assurer d’avoir raison), car une série peut très bien avoir son cheminement interne, et ce qu’elle dit dans son épisode introductif n’est pas nécessairement la totalité de son propos. Mais, il faudra m’excuser, je n’aurai pas l’énergie de suivre pendant La flor más bella toute une saison.
Pour ce que j’en ai vu en tout cas, j’ai l’impression que Mich, à tout le moins, n’a pas compris ce dont elle-même parle.

Reprenons : Mich est une jeune fille qui ne correspond à aucun critère de beauté conventionnel, et dotée d’une personnalité imposante, pas très conventionnelle non plus. C’est le genre d’ado qui ne rentre pas aisément dans une case, et qui, à cause de ça, ne comptera jamais parmi les personnalités les plus populaires d’un lycée stéréotypique. Or, évidemment, elle ne veut rien tant que d’être vue, et reconnue, et appréciée de ses paires ; non, ses deux amies (elles aussi peu populaires) ne lui suffisent pas.
Pourtant Mich est fière d’être le genre de personne qu’elle est. Ou disons, la plupart du temps, elle l’est. Elle se trouve plein de qualités et se définit régulièrement comme fabuleuse… mais d’un autre côté, elle ne peut pas s’empêcher de penser aussi qu’on ne peut pas être fabuleuse si personne ne le remarque. Paradoxalement, cette blessure d’amour-propre que lui renvoie constamment la hiérarchie sociale de son lycée la fait se sentir inférieure. Une part d’elle sait qu’elle mérite mieux ; une autre part ressent le besoin de se l’entendre dire. C’est compliqué, quoi. Dans ses scènes au lycée, Mich est véritablement obsédée par la validation qu’elle espère obtenir, et ça contredit un peu son propos en privé (avec son beau-père, avec Dani, ou avec elle-même d’ailleurs) sur sa propre valeur… A un moment, il faut choisir : l’amour-propre vient-il de l’intérieur ou de l’extérieur ?
Deux chemins s’ouvrent donc devant La flor más bella : soit faire en sorte que Mich réussisse sa quête de reconnaissance publique (parce que sortir avec le mec le plus populaire du lycée en scred, c’est pas assez, ou en tout cas ça ne l’est plus), une bataille qui ne saurait être gagnée, si elle l’est, qu’après une âpre lutte ; soit faire en sorte que Mich s’affranchisse de ce désir de reconnaissance, ce qui est une lutte aussi, mais interne celle-là. Au vu du ton de ce premier épisode, je ne pense pas qu’on se dirige vers la deuxième solution, et c’est regrettable : le discours que voudrait tenir La flor más bella sur l’estime de soi se heurte à une volonté de baser l’estime de soi sur le regard d’autrui. Mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas son objectif, à terme ; simplement que pour ce premier épisode je trouve les choses un peu mal barrées.

Et puis, pour être honnête, La flor más bella ne se fait pas vraiment une faveur sur la forme. Son ton est très Disneyen, ses couleurs colorées sont vites criardes, ses personnages se comportent de façon caricaturale. Franchement si je ne connaissais pas mieux Netflix, je penserais qu’on a volé le cahier des charges des séries ados de Disney pour l’appliquer quasiment à l’identique, à la différence qu’ici on est en single camera (…mais qu’est-ce que je raconte, je connais très bien Netflix, et ça leur ressemble trait pour trait). Si on ajoute à ça la façon dont la série présente la culture mexicaine de façon très simpliste, comme pour la résumer à quelques clichés à des fins d’exportation… Comment vous dire ? C’est un peu comme regarder un prequel live action d’Encanto, dans lequel Mirabel Madrigal tenterait désespérément de se faire aimer à l’école du village.
Ce ne serait pas tellement grave si La flor más bella, qui est apparemment inspirée par l’adolescence de sa co-créatrice Michelle Rodríguez (non, pas celle-là), ne donnait pas également l’impression de prendre directement les pages du journal intime de son autrice pour les retranscrire pour la télévision. A plusieurs moments, cet épisode introductif m’a rappelé les rêves éveillés que je faisais, adolescente, quand dans une bouffée d’extase je me jurais qu’un jour tout le monde serait bien obligé d’être gentil avec moi au lieu de me harceler ; il n’y avait pas de scénario trop absurde dans ma tête, tout pouvait se passer, peu importe si c’était impossible ou simplement ridicule. J’avais besoin de croire que j’allais devenir la plus jeune Présidente de l’Histoire, ou que j’allais sauver mon collège d’une attaque extra-terrestre, ou que le garçon qui me plaisait allait secrètement tomber amoureux de moi jusqu’à ce que je le rembarre faute d’être devenue trop bien pour lui (…ces trois scénarios avaient exactement le même degré de réalisme). Eh bien La flor más bella confère le sentiment que sa co-créatrice en est toujours là, et que peu importe si ce n’est pas possible, l’essentiel c’est que rêver à tout cela donne un sentiment de triomphe à Michelle (démerdez-vous pour décider laquelle).

En somme, c’est de la fiction qui peut être escapiste et/ou cathartique, mais ce n’est pas de la fiction qui aide à avancer. Or, je me trompe peut-être, mais quand on écrit une série sur l’estime de soi destinée à des ados, il faudrait aider aussi. Encore une fois, peut-être qu’au bout d’une saison, La flor más bella permettra à son héroïne d’arriver à une nouvelle étape de sa relation avec elle-même, hein… Cependant, il faudra trouver une adolescente volontaire pour regarder la totalité de la série, qui voudra bien nous le confirmer, parce que moi c’est au-dessus de mes forces, j’ai passé l’âge (j’espère).


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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