All inclusive

6 décembre 2022 à 23:15

Ce ne sont pas les séries se déroulant dans un hôtel qui manquent, et parfois sur le papier, les choses peuvent sembler légèrement répétitives. La série québécoise Hôtel, qui a démarré sur la chaîne TVA en septembre, pourrait en évoquer d’autres : après la mort de la jeune directrice d’un hôtel de luxe, sa meilleure amie est embauchée pour la remplacer, ce qui l’oblige à interagir avec la riche famille de la défunte. Pourtant il ne s’agit pas là d’une énième variation autour du synopsis de Gran Hotel (ni ses nombreux remakes ; et encore, à l’époque où je vous en ai parlé, la version française n’existait pas), mais bien d’une saga originale, aux airs de primetime soap.
En ce mois de décembre, je voulais essayer de poster quotidiennement. Je n’en ai pas été capable hier, alors permettez que je me rattrape aujourd’hui avec deux reviews, en commençant donc par Hôtel.

C’est avec une certaine satisfaction que j’ai découvert que le premier épisode d’Hôtel n’avait pas l’intention de jouer le mystère : le décès prématuré de Jenny Dumont est un simple accident de voiture, qui a eu lieu à la suite d’une soirée arrosée. Il ne s’agit donc pas de découvrir les circonstances de sa mort ou d’épingler la responsabilité sur quelqu’un, mais bien d’un simple évènement déclencheur à la portée tragique. Jenny n’avait que la trentaine, et l’avenir devant elle…
Sa mère, l’élégante Victoria Breault-Dumont, et propriétaire (ainsi que co-fondatrice, avec son défunt mari) de l’Hôtel Dumont, est évidemment déchirée. Aucune mère ne devrait avoir à enterrer son enfant. Fort heureusement elle peut compter sur le soutien du personnel de l’hôtel, discret mais présent, et surtout sur Sarah Joseph, l’amie d’enfance de Jenny. Toutes les deux ont grandi ensemble, grâce la mère de Sarah, une employée immigrée qui l’emmenait parfois sur son lieu de travail ; elles ont suivi les mêmes études en hôtellerie, même si évidemment Jenny a hérité d’un poste au sein de l’hôtel de prestige de ses parents, quand Sarah a trouvé, par elle-même, un poste de management dans une petite auberge. Il n’en est pas moins évident pour tout le monde que Sarah et Jenny sont… pardon, étaient, comme deux sœurs.
Ce qui évidemment n’est pas du goût de Guillaume, le frère jumeau de Jenny. A l’occasion des funérailles de sa sœur, il est de retour en ville, après avoir mené la grande vie aux frais de la fortune familiale. Guillaume n’a rien de commun avec Jenny ou Sarah ; il ne travaille pas, il est égocentrique, il méprise quiconque n’a pas son niveau financier, évidemment il est aussi très raciste… et pourtant il s’est mis dans la tête qu’il allait reprendre l’hôtel maintenant que Jenny, dans l’ombre de laquelle il a toujours vécu, n’est plus là pour diriger l’Hôtel Dumont. Alors quand il apprend que Victoria a en fait offert le poste à Sarah, forcément…

Hôtel se veut avant tout un ensemble drama : on pourrait croire à l’origine que l’héroïne de la série est Sarah (ce serait une bonne idée à plusieurs niveaux, l’un d’entre eux et non des moindres étant qu’il y a encore très peu de fictions québécoises avec une femme noire comme protagoniste principale), mais il devient apparent à mesure que progresse l’épisode que la série préfère un point de vue plus omniscient. Cela permet en outre des interactions plus variées entre les personnages, au lieu que tout soit ramené à Sarah (ou ce qu’elle voit). Y compris des scènes de réunion, pour le moment assez brèves et anodines, pour expliquer le fonctionnement de l’hôtel ou commencer à préparer les spectatrices à la perspective de s’intéresser au lieu autant qu’aux personnes qui le peuplent.

Il est évident d’emblée devant ce premier épisode que Hôtel ne veut pas faire tourner l’intrigue autours de Jenny, mais bien utiliser son décès pour lancer ses intrigues sur fond d’ambitions personnelles, familiales et collectives. Toutefois il faut reconnaître à la série de ne pas brader son traitement du décès d’une protagoniste si centrale : le premier épisode laisse une large part aux funérailles, à la veillée qui s’en suit, et d’une façon général au deuil, omniprésent dans les esprits quand bien même il faut continuer de faire bonne figure devant les clientes.
Hôtel réussit vraiment bien cet aspect. Trop bien, peut-être ; j’ai été prise à la gorge par cette succession de scènes ressemblant à plusieurs égards (dans l’esprit) aux funérailles de freescully, elle aussi partie trop tôt. Pourtant, au fil des années et des séries, j’en ai vu des scènes d’enterrement, des banquets funéraires et autres toasts portés aux disparues ; celles d’Hôtel mieux que la plupart des autres retranscrivent bien la douleur omniprésente, mais aussi les bons souvenirs, les anecdotes absurdes, et l’envie terrible de partager un peu de ce qui reste de quelqu’un qui n’est plus là. Hôtel pourrait se concentrer uniquement sur ses intrigues les plus soapesques, mais non : elle fait le choix d’offrir un peu mieux que ça à la protagoniste qu’on voit à peine, mais grâce à laquelle tout le reste se produit. Et c’est ça de gagné aussi, bien évidemment, sur un plan dramatique.

Le reste est, ma foi, assez banal. Dans les décors plutôt réussis de l’Hôtel Dumont (ces suites de blanc et de bleu cobalt, en particulier !), les personnages se révèlent être exactement là où on les imagine : la propriétaire éplorée, mais pas sentimentale au point de faire l’erreur de mettre en danger son hôtel ; la meilleure amie endeuillée, rongée par la culpabilité (elle aurait dû conduire ce soir-là, mais à la place elle a quitté la fête plus tôt avec son petit-ami) ; le fils exécrable, qui croit que tout lui est dû et que, par un quelconque miracle cosmique, il sait mieux que tout le monde comment gérer l’hôtel ; le concierge séduisant qui vit dans l’ombre de son riche mais insupportable ami ; le manager qui espère prendre du galon pour étoffer ses dettes…
Personne ne surprend, et les premières décisions prises (parfois sous le coup de l’acool…) pendant cet épisode d’introduction non plus. Les choses se mettent en place comme elles sont supposées le faire.

En soi, Hôtel ne transcende pas le genre. Au pire, elle sait qu’elle a 24 épisodes pour faire évoluer les choses si besoin est, un luxe que de moins en moins de séries ont de nos jours.
Et un luxe dont même elle ne jouira pas longtemps : en novembre déjà, TVA annonçait que la série n’aurait jamais de deuxième saison. On ne peut pas parler ici d’annulation, puisque la série reste à l’antenne jusqu’en avril pour délivrer la conclusion prévue à sa première saison ; mais en tout cas elle n’est pas là pour durer. Qu’importe, il sera toujours temps de faire un autre deuil au printemps. En attendant, Hôtel se laisse regarder, parce qu’elle combine les tropes du primetime soap avec un véritable soucis de laisser des émotions sincères s’exprimer. C’est plus que ce que beaucoup d’autres en son genre peuvent parfois délivrer.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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