Clara était à la tête du jury qui a prononcé un jugement non-coupable pour Heidi Lang, la jeune femme accusée du meurtre de sa patronne. Pour être tout-à-fait honnête, Clara avait ses doutes, mais étant la seule jurée à penser que l’accusée pouvait être coupable (quoiqu’uniquement sur la base d’un pressentiment), elle a fini par se plier à l’opinion de la majorité. Les 11 autres jurées ont donc pu voir le procès enfin finir, après des semaines de procédure, et rentrer chez elles. Revenir à leur vie, enfin.
…Mais vu que c’est le point de départ d’une série australienne qui porte le titre After the Verdict, vous vous doutez bien que les choses ne s’arrêtent pas là. Lancée cette semaine par le network Nine, After the Verdict est la deuxième série judiciaire australienne de la saison, mais on reparlera de The Twelve (adaptation de la série belge De Twaalf) si et quand j’aurai vu l’intégralité de la saison actuellement en cours de diffusion. Pour l’heure, concentrons-nous sur Clara.
Essentiellement tournée de son point de vue, avec une approche d’ensemble drama tout de même, After the Verdict suit donc, eh bien, ce qui se passe une fois le verdict prononcé, dans cette affaire simple sur le papier (la victime, Belinda, est tombée du haut de son immeuble, son assistante Heidi qu’elle allait virer est la dernière personne à l’avoir vue vivante), mais qui, évidemment, est émotionnellement complexe.
Plusieurs choses se jouent pour Clara, qui ressent énormément d’empathie pour la victime sans savoir contre qui rediriger son besoin de lui faire justice, qui est aussi profondément choquée par ce qu’elle a vu pendant le procès (et je crois que bien trop rares sont les séries à explorer ce point, d’ailleurs)… et qui a aussi largement besoin de trouver satisfaction quelque part, vu l’état de sa vie privée comme professionnelle. Ne parvenant pas à se sortir l’affaire de la tête, non plus que les photos du cadavre de Belinda, Clara devient la force motrice d’un petit groupe d’ancienne jurées qui, pour diverses raisons, se retrouvent encore en contact avec elle. La première d’entre elles est Margie, une femme un peu plus âgée et qui prépare son mariage, mais qui se prend d’affection pour Clara et se laisse entrainer dans son sillon ; il y a aussi Daniel, un enseignant bougon qui en réalité camoufle derrière son hostilité permanente un deuil très difficile à gérer (d’autant plus quand on est dans l’évitement) ; et finalement Ollie, un agent immobilier arrogant qui se retrouve parmi elles par accident, d’autant plus qu’il n’en avait rien à foutre pendant le procès et a juste voté avec la majorité.
After the Verdict oscille, avec une élégance de funambule dois-je préciser, entre un ton très dramatique et des moments qui empruntent quasiment à la dramédie. Ce n’est jamais trop sombre, mais ce premier épisode ne nous laisse jamais oublier, non plus, ce qui se trame sous la surface des émotions légèrement caricaturées à l’occasion. Le ton de la série semble avoir été formulé pour ne jamais priver les spectatrices d’un investissement émotionnel réel, tout en les protégeant d’une série qui serait déprimante en permanence. Cette contradiction joue même en faveur du propos de la série sur la confusion qui règne, à la fois sur le verdict et sur la vie personnelle de ses protagonistes.
Le moment-pivot de ce premier épisode est sûrement ce qui fait d’After the Verdict une série encore plus intéressante que prévu. J’imaginais aisément que la série allait suivre nos quatre ex-jurées sur la piste de la « vérité », si tant est que ce soit une quête réaliste (et certains dialogues eux-mêmes en doutent d’entrée de jeu), surtout quand Clara a organisé une « réunion » d’anciennes jurées (seulement deux jours après la fin du procès…). Toutefois, à ma grande surprise, cette enquête insolite prend un tour complètement différent quand il s’avère que le resto italien où les quatre protagonistes se sont réunies… et aussi le resto italien favori de Heidi, l’ex-accusée, désormais innocentée. Ce n’est pas entièrement une coïncidence, bien-sûr, mais la façon dont After the Verdict décide de faire entrer son intrigue dans un nouvel univers est fascinante, et je n’avais jamais encore vu une dynamique comme celle-là s’instaurer. Cela vient brouiller encore plus les cartes, non seulement du point de vue de la question qui plane en permanence au-dessus de l’intrigue (le jury avait-il oui ou non raison d’innocenter Heidi ? la réponse est de plus en plus floue) mais aussi d’un point de vue émotionnel.
After the Verdict tente quelque chose qui est vraiment intéressant, tout en étant émouvant. C’est en fait à cette combinaison que je ne m’attendais pas : je pensais que ce serait l’un ou l’autre. Mais elle a raison ! Pour des jurées, c’est-à-dire des personnes comme vous et moi qui du jour au lendemain se retrouvent embarquées dans une affaire choquante, la question de la culpabilité (et d’avoir dû se prononcer sur cette culpabilité) n’est pas qu’une question de vérité, mais d’émotions aussi. Les deux sont indissociables, ce qui est à la fois la raison de l’existence d’un jury (par opposition à un jugement prononcé par des professionnelles) et l’exposition de ses limites. Ce démarrage est vraiment réussi et j’ai hâte de voir où la série va nous conduire.