Il paraît que si on n’a rien de gentil à dire, il vaut mieux se taire. Cette review devrait donc être plutôt courte.
Nan, je déconne, on sait toutes que je ne sais pas écrire une review courte.
Pourtant j’attendais un petit quelque chose du sujet d’Endless Night, non seulement en tant qu’insomniaque récidiviste, mais aussi en tant que téléphage française. Pas une révélation, mais au moins un ptit truc sympa à se mettre sous la souris.
Je crois que Les 7 Vies de Léa m’a aussi inspiré un faux sentiment de sécurité quant aux séries de genre francophones pour ados. Je me vois ici promptement remise dans le droit chemin.
Dans Endless Night, un groupe de six amies lycéennes a pris l’habitude de consommer un médicament expérimental volé dans une clinique du sommeil, et qui leur donne, grosso-modo, des rêves lucides. Ce qui est marrant tant qu’il ne s’agit que de rêves… Une septième ado, Eva, nouvellement arrivée dans le quartier et le lycée, va progressivement se trouver impliquée, avec d’énormes répercussions que personne ne pouvait prévoir. Je sais pas pourquoi ça m’a fait penser au film Flatliners, que j’ai vu il y a au moins quinze ans, et dont mes souvenirs sont pourtant vagues, mais bon, mentionnons-le pour la forme.
Jusqu’à l’arrivée d’Eva, tout est donc parfait. Les potes se retrouvent entre elles dans un lieu discret pour consommer les petites capsules bleues, vivent des rêves extraordinaires, et continuent leur vie quotidienne sans aucune forme de conséquence, comme si elles avaient simplement boulotté des fraises Tagada pas mûres.
Enfin, « extraordinaires »… La série nous dit que ça l’est, mais est très en peine de nous le montrer.
La scène d’introduction de ce premier épisode nous présente ainsi la première fois pendant laquelle la majorité du groupe consomme les petites pilules Matrix, pendant laquelle Pauline, vivant physiquement son rêve qui se déroule dans une magnifique piscine, saute en réalité dans la piscine en travaux (et donc vide) à l’arrière de la maison. Heureusement, elle s’en sort avec seulement une jambe dans le plâtre ; malgré le choc de ses amies, elle est la première à vouloir retenter l’expérience… mais on ne saura pas vraiment pourquoi. C’est pas comme si les piscines étaient un truc super incroyable ou rare (la preuve, il y en a une en construction dans le jardin de l’une de ces ados), et certes, elle a un moment eu l’impression d’avoir une queue de sirène mais elle semblait dans un tel état second que euh… non, vraiment, Endless Night n’est pas capable de nous dire pourquoi c’est chouette.
Et ce n’est même pas la seconde séance hallucinatoire de l’épisode qui nous le dira, tous les rêves étant, ma foi, le contraire d’exaltants (mention spéciale à Idris qui danse en face de son clone…? mkay). A part répéter que c’est super, les protagonistes sont bien en peine de nous faire ressentir en quoi le fameux médicament est providentiel, au point de continuer à le voler même une fois que la clinique commence à cerner qui est à l’origine du vol.
Si le problème c’était simplement de n’être pas en mesure de montrer pourquoi cette drogue est si chouette, bon, encore, ça irait. On pourrait mettre ça sur le dos du budget ou d’autres contraintes de production. Mais ce n’est pas le seul problème. Les situations sont téléphonées, et les choses arrivent parce que le scénario a besoin qu’elles se produisent, pas par effet de cause et conséquence. Par exemple la rencontre entre Eva et le reste de la bande se produit parce que l’un des jeunes fait un malaise (il est narcoleptique) juste devant son immeuble alors que les potes fuyaient un homme avec un chien. Eva ne demande pas ce qui se passe, et admettons ; mais la série ne nous le dira pas non plus, parce qu’en gros tout ce qu’on voulait c’était une excuse pour cette rencontre. Alors que ç’aurait pu ajouter du danger, ou au moins de l’émotion, mais non. D’ailleurs l’émotion est incroyablement absente de cette introduction ; on devrait ressentir de l’empathie envers Eva, qui a perdu son père voilà seulement six mois et se débat encore avec son deuil. Mais la série n’est même pas intéressée par cela (…nonobstant le fait qu’une partie de son public, en particulier ces dernières années, pourrait parfaitement avoir envie ou besoin d’une protagoniste à laquelle s’identifier pendant leur propre travail de deuil), et c’est clairement une mise en place qui n’existe qu’à cause de ce que promet la fin de l’épisode.
A cela encore faut-il ajouter des protagonistes creuses (il y en a un dont le seul trait de personnalité est d’être riche… vous me direz c’est pas complètement irréaliste, m’enfin, bon), et qui débitent des dialogues complètement nuls, sur-écrits et téléphonés. Et comme la direction d’actrices est aussi à la ramasse, la distribution enchaîne les « mais » en début de phrase comme seule marge de manœuvre pour les rendre naturels, c’est un fiasco total. Faites le test, ou même mieux, faites-en un drinking game.
Accessoirement, j’ajouterai que même si techniquement la série ne se base pas dessus (Endless Night a pour déclencheur un médicament qui est mal consommé par la bande de potes, puisque normalement il devrait être pris sous supervision médicale ET combiné avec un somnifère), le sujet de la série me semble faire des appels du pied aux adolescentes et jeunes adultes qui se passionnent pour le « shifting« , en particulier sur les réseaux sociaux comme TikTok. Difficile de croire que c’est involontaire, surtout venant d’une plateforme comme Netflix qui est toujours à l’affût de la moindre tendance sur laquelle se positionner pour faire concurrence à d’autres appeaux à jeunes ; mais si c’est un accident, il est malheureux.
Ces threads du système Calypso parlent bien des problèmes et dangers de cette tendance de plus en plus populaire (sur Google, en rechercher explicitement les dangers conduit à… encore plus de recommendations de videos). Au risque de me faire passer [encore plus] pour la vieille chieuse qui s’inquiète pour rien, je trouve quand même le parallèle inquiétant… d’autant qu’évidemment pour le moment, les rêves présentés sont supposés être super cools et agréables, y compris voire surtout quand ils sont dangereux, comme dans la scène d’introduction. Certes la fin de l’épisode semble nous préparer à un inévitable changement d’ambiance, et le rêve peut tourner au cauchemar par la suite (il n’y aurait sans doute pas de série sans ça). Toutefois, je pense qu’il n’est pas inutile de rappeler que la série n’existe pas sans ce contexte, ou en tout cas n’est pas consommée sans ce contexte pour beaucoup de spectatrices de sa cible.
Il n’y a pas grand’chose à sauver dans cet épisode introductif, et vu la brièveté de cette première saison (même si je lis que Netflix aurait en fait déjà commandé la deuxième), j’ai peu d’espoirs que ça s’arrange de façon substantielle. C’est dommage, mais je vais pas en perdre le sommeil.