Si vous me connaissez un peu, vous savez que les thrillers, je les préfères avec de gros morceaux d’intrigues dramatiques dedans : l’adrénaline pour l’adrénaline, très peu pour moi. Il y a régulièrement des thrillers britanniques qui apparaissent et qui, au moins sur le papier, répondent à ce critère… hélas je prends assez rarement (trop peu, à vrai dire) le temps d’y jeter un oeil, tant leur diffusion extrêmement éphémère les emporte loin des yeux, et donc loin du cœur.
Le turnover constant de séries a cet inconvenient : ce n’est pas qu’il y a trop de séries à voir (je persiste à affirmer que c’est une erreur de le penser, pour de multiples raisons), c’est qu’il y a trop de séries à se rappeler. Mon plus gros problème est d’en oublier que je voulais tenter (je vous avoue n’avoir pas de solution parfaite à vous proposer pour contrer ce phénomène). Je pourrais et serais partante pour revenir à plein de séries des mois après leur diffusion, mais voilà, j’oublie qu’elles existent. L’afflux constant de nouveauté, couplé à l’incapacité totale des medias spécialisés à parler de quoi que ce soit datant d’il y a plus de 3 mois à moins que ce ne soit un énorme succès auquel s’accrocher comme une moule à son rocher à clics, sont un terrible cercle vicieux. Nous ne sommes pas encouragées à avoir de la mémoire ; ce qui, pour une forme artistique comme la fiction sérielle, s’inscrivant en théorie sur le long terme, est un peu un comble.
Pour aujourd’hui, le problème aura été évité : je voulais tester The Control Room, et c’est chose faite. Parlons donc de son premier épisode.
Gabriel, dit « Gabe », est un jeune ambulancier travaillant dans un centre de régulation des appels d’urgence à Glasgow. Il semble avoir commencé ce job assez récemment, puisqu’au début de l’épisode, pour la première fois, il accompagne la naissance d’un bébé au téléphone. Les heureux parents, reconnaissantes, donnent son nom au nouveau-né, et Gabe est ultimement touché par ce geste que ses collègues trouvent un peu plus habituel que lui.
Toutefois, il va vite déchanter : l’appel suivant est celui d’une femme qui a contacté le numéro d’urgence parce qu’un homme est en train de mourir dans ses bras… et alors que celui-ci décède, elle confesse dans un souffle l’avoir tué. C’est évidemment très choquant, même dans ce genre de job, et Gabe alerte immédiatement son supérieur Anthony pour qu’il supervise l’appel… juste à temps pour que celui-ci entende la jeune femme reconnaître la voix de Gabriel au téléphone. Sous le choc, Gabe ne comprend pas de qui il peut s’agir. Mais évidemment si c’était aussi simple, il n’y aurait pas de série.
Comment l’inconnue peut-elle l’identifier, et pas l’inverse ? Eh bien au fil de ce premier épisode, nous aurons la réponse à cette question : il s’agit de quelqu’un que Gabe n’a plus vu depuis des années, mais qu’il connaissait très bien dans son enfance. C’est une expression qu’il emploie régulièrement qui l’a démasqué à la jeune femme, mais tant de temps a passé qu’il n’est pas étonnant qu’il n’ait pas reconnu sa voix.
Toutefois, l’identité de la jeune femme est directement liée non seulement à cette amitié enfantine, mais à toutes sortes d’événements qui se sont déroulés à l’époque, et que Gabe autant qu’elle portent comme une cicatrice. The Control Room est étonnamment muette, ou au moins sibylline, quant à la véritable portée des événements d’alors. Les flashbacks sont multiples, mais ils sont confus, à la fois à cause du temps et de la charge émotionnelle. Cela rend, évidemment, l’affaire d’autant plus complexe, et vient au moins en partie expliquer pourquoi Gabe n’arrive pas à s’empêcher de s’impliquer dans l’affaire, quand bien même il n’était au départ qu’un témoin présent au mauvais endroit et au mauvais moment (et par téléphone !). Le premier épisode place une importance capitale dans la reconstitution du lien indestructible qui fait que Gabe s’investit, en dépit du bon sens, en dépit de la police même, dans cette histoire qui sent pourtant si mauvais.
Mais que peut-on contre une promesse d’enfant ?
A ce stade de ma review, je me dois de vous confier que je résume très mal ce premier épisode. Mais il y a bonne raison à cela : il ne durait qu’un heure, mais il contenait l’intrigue de 3 à 4 épisodes au moins ! Ce n’est pas qu’il s’agisse d’un thriller à cent à l’heure, puisqu’on a au contraire le temps d’explorer des souvenirs (aussi diffus soient-ils) et des blessures passées, mais The Control Room a casé plein de retournements de situation dans cet épisode introductif. Gabe va en effet découvrir l’identité de la jeune femme, puis l’approcher, puis lui venir en aide, puis… il y a encore un twist sur la fin de l’épisode. Tout porte donc à croire que cet épisode, bien que très dense, ne soit vraiment qu’un préambule, les choses pouvant se compliquer encore passablement dans les deux épisodes suivants.
Ce genre de durée n’est pas rare pour une série de ce type produite au Royaume-Uni (je devrais probablement parler de mini-série ici, puisque, hors une poignée d’exceptions, la plupart de ces thrillers trouvent une conclusion définitive pendant leur première et unique saison), et pose régulièrement la question du format. Ne bénéficieraient-elles pas d’un ou deux épisodes de plus ? Ou au contraire ont-elles trouvé une durée qui fonctionne, qui permet de n’avoir aucun temps mort mais pas de remplissage non plus ? Sur le moment, en toute honnêteté, j’ai trouvé cet épisode trop long ; pas parce qu’il faisait une heure, mais parce qu’au bout d’une moitié je commençais un peu à caler, comme quand on mange un dessert délicieux mais dont la portion est trop généreuse. Il s’était déjà passé trop de choses.
Pour être totalement honnête avec vous, je crois qu’une partie de cette perception vient du fait que dans beaucoup d’autres pays de la planète, il y aurait effectivement eu moins de choses en un seul épisode. Du coup, mon cerveau est formaté pour accepter une certaine quantité d’informations et événements par épisode. Cela rend toute déviation de la structure un peu difficile à digérer, quand bien même la série articule très bien son récit et l’épisode est, dans l’absolu, solide. C’est un danger invisible qui devient d’autant plus courant que, avec les plateformes de streaming, beaucoup des séries de la planète auxquelles nous avons accès ont été articulées autour d’une structure lissée (merci aux flyings producers de s’en assurer…). Nous avons donc l’impression erronée qu’une série devrait être comme ci ou comme ça ; et quand elle sort du carcan habituel, ça exige de s’adapter.
Force est pourtant de constater que pour le premier épisode de The Control Room, ce format condensé, un peu atypique, fonctionne. L’écriture est solide, l’interprétation aussi, la dimension émotionnelle n’est pas bradée et les enjeux sont captivants. Toutefois, ça n’en parfois est pas moins déstabilisant.
Il y en a tellement des thrillers britanniques du même acabit qui me tente, mais je n’en regarde quasiment pas. C’est dommage, mais il y a tant de séries qui me font envie et même lorsque je m’en rappelle, le temps me manque (surtout que je reregarde beaucoup (comme là où je lis ceci en regardant pour la 4ème fois au moins The Untamed))