Est-ce que ça vous est déjà arrivé ? Vous tentez une nouvelle série, et pendant le premier épisode, vous passez un plutôt bon moment. L’atmosphère est bien installée, le personnage central est bien incarné, l’histoire a l’air d’être intéressante ou peut-être même originale. Franchement, il n’y a pas de quoi se plaindre.
Et puis, l’épisode s’arrête. Les noms ont fini de défiler pendant le générique de fin, et il ne reste qu’un écran sombre sur lequel, en filigrane, s’affiche le reflet de votre visage. Dans ce face à face avec vous-même, vous faites le bilan de ce que vous venez de voir… et vous n’arrivez pas à vous souvenir. Pourquoi étiez-vous de bonne humeur quelques minutes plus tôt ? Qu’est-ce qu’il avait de bien, cet épisode ? En définitive, seriez-vous capable de citer une seule qualité dont la série aurait fait la démonstration pendant cet épisode introductif ?
Tel est mon dilemme aujourd’hui quant au premier épisode de la série de HBO Max Cómo mandarlo todo a la mierda (ou How to screw it all up de son titre international), une production espagnole lancée il y a quelques jours. Sur le moment, je n’ai pas détesté ce que je regardais…
A la réflexion, je ne suis même pas sûre de savoir comment l’héroïne de la série s’appelle (pas sans consulter notre ami Google, en tout cas). Je crois que son nom n’a été prononcé qu’une seule fois de tout l’épisode, et comme il se passait quelque chose d’autrement plus important à ce moment-là, l’information m’a échappé. Ce qu’on sait d’elle en revanche est assez clair : adolescente élevée par son grand-frère, Alba va au lycée mais est régulièrement forcée de l’aider à faire des petits jobs illégaux pour l’aider, car il est en délicatesse avec un malfrat local auquel il doit beaucoup d’argent. Je suppose qu’il est question ici de trafic de drogues, mais la série (décidément plus intéressée par l’allusion que l’explication) n’entre pas dans le détail. En tout cas c’est une enfance pourrie, et Alba n’a aucune confiance en son frère ; son seul espoir repose sur un voyage de classe en Italie, qui devrait lui donner une occasion de partir loin de ses ennuis. Manque de chance, dans ce premier épisode de Cómo mandarlo todo a la mierda, le voyage scolaire est annulé, et Alba est désemparée. D’autant que son frère s’est encore mis dans le pétrin, et qu’elle en a marre de ses conneries.
Fort heureusement elle découvre par hasard que plusieurs de ses camarades de classe ont décidé de partir dans un road trip improvisé, profitant du fait que leurs parents les pensent en voyage scolaire pendant quelques jours. Alba décide de s’incruster dans ce voyage, quand bien même elle n’est pas du tout proche de cette bande de potes. Mais il n’est pas seulement question pour elle de voir du pays…
…Pourquoi j’ai bien aimé ce premier épisode, du coup ?!
Parce que ce n’est pas une intrigue foudroyante, en soi. Certes, le ton de la série m’a bien plu, l’héroïne parle peu et se montre très fine observatrice (les scènes où elle analyse les faits et gestes de ses camarades de classe le montrent plutôt bien), et du coup c’est un peu un rôle idéal dans lequel se glisser en tant que spectatrice : on observe en même temps qu’elle.
Cependant, ce rôle est assez peu idéal d’un point de vue narratif : le quasi-mutisme de la protagoniste a pour effet secondaire de ne pas vraiment lui donner de personnalité. Elle est une situation au lieu d’être une personne. Et même la situation fait des contorsions de l’impossible ! Car pour permettre à Alba de s’incruster dans ce voyage, la série lui donne toutes sortes d’excuses un peu tirées d’un chapeau pour se glisser parmi le groupe qu’elle a choisi de rejoindre. La fin de l’épisode est une succession de coïncidences qui ressemblent de façon suspecte à un deus ex machina pour réussir à mettre en place un road trip qui puisse inclure l’héroïne, alors qu’en toute logique elle n’a aucune raison d’être invitée par ces potes qui ne font pas partie de son cercle, et qui, honnêtement, la méprisent. Avec le recul, cela n’a de sens que parce que les scénaristes ont besoin que cela ait du sens.
Une review, c’est souvent le moment où vous me voyez discuter d’une série ; peut-être que vous en avez entendu parler avant, peut-être pas, mais dans ce cas je vous offre à la fois une présentation et un avis sur ce que j’ai vu, et ça vous sert si vous le voulez. Ce dont je ne parle pas assez, c’est aussi de combien les reviews m’aident, moi. Il y a une différence entre, d’une part, regarder quelque chose et en ressortir avec une impression diffuse, comme cela a pu être le cas pendant le générique de fin de ce premier épisode de Cómo mandarlo todo a la mierda… et d’autre part, former un avis (plus ou moins !) argumenté, et le présenter à autrui ce qui demande une certaine organisation de la pensée. Dans cette seconde configuration, on réalise parfois que ce qu’on avait ressenti n’est pas ce que l’on pense !
Alors, certes, les épisodes de Cómo mandarlo todo a la mierda ne durent qu’une petite demi-heure (chose assez rare pour un drama européen, d’ailleurs), donc même si je n’avais pas réalisé qu’en fait je n’avais rien de très positif à dire de la série, je n’aurais pas perdu trop, trop de temps à continuer la série. Mais ça me fait quand même gagner du temps que de le prendre pour synthétiser mes impressions.
Du coup, si vous êtes en train de lire ces lignes, merci pour le service que vous m’avez implicitement rendu ! Il y a suffisamment de séries dans le monde pour ne pas passer son temps devant une série qui a pour qualité essentielle que d’être capable de faire illusion.
J’aime beaucoup cet article 🙂 Parce que je m’y retrouve. Pas dans mes impressions sur la série dont tu parles, vu que je n’en ai rien regardé, mais dans ton expérience face à la review. Non seulement en écrivant sur une série il m’arrive parfois de découvrir ce que j’ai pensé, mais il m’est aussi arrivé de finir avec un avis complètement opposé à celui que je pensais avoir (cela arrive rarement, mais ça arrive).
Alors là où on diffère c’est que comme j’écris rarement sur un premier épisode et ai tendance à enchaîner, mes réalisations viennent plus tard. Rarement au premier épisode. Parfois c’est au bout d’une demi-saison, parfois une saison entière (ou série entière si la série = la saison). Heureusement, une autre chose où on diffère, c’est que même si je finis une saison entière et réalise à la fin qu’en fait j’en ai rien tiré « de concret », je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu mon temps, dans le sens où si j’ai passé 10h (c’est un chiffre au pif) de ma vie de bonne humeur, je prends, c’est une bonne chose en soi dans ma tête.
Mais bref j’aime beaucoup cet article. Mes articles favoris sont souvent ceux où en parlant d’une série, tu parles du fait de parler de séries 🙂 Et écoute, du coup, pour répondre à ta conclusion: de rien, haha.
Commentaire inutile, mais pour dire aussi que je suis complètement d’accord !