Généralement quand je veux situer une série, j’en cite d’autres présentant des similitudes ; mais dans le cas de la série kenyane Igiza, ça pourrait être très long. Il faut dire que son intrigue est à cheval sur la série carcérale et le thriller ; deux angles qui reflètent les trajectoires des deux héroïnes, les sœurs jumelles Nicole et Linda.
Et, si jamais vous vous posez la question : oui, le fait qu’elles soient jumelles revêt une importance capitale dés ce premier épisode.
Mais d’abord, présentons la situation de départ, car même si (comme toute situation de départ) elle n’est pas amenée à durer, elle contient cependant les enjeux à venir.
Linda est la sœur à laquelle tout a réussi. Avec son mari, elle mène une vie luxueuse dans une magnifique villa tenue par des domestiques ; elle a un jeune fils, Ian, qui est adorable ; elle est à la tête d’un empire de la haute couture… bref, tout est parfait dans son existence. Lorsque commence Igiza, elle est sur le point de vivre une journée d’une importance capitale, à l’occasion de l’ouverture d’une nouvelle boutique. Sans trop vouloir nous dire pourquoi, la série établit que cette inauguration n’est pas anodine : le couple passe beaucoup de temps, dans plusieurs scènes, à insister sur le fait que beaucoup de choses dépendent de ce lancement. Et effectivement la journée de Linda est stressante, d’autant que rien ne se passe comme elle le voudrait. Pour quelqu’un d’extrêmement exigeant, c’est d’autant plus rageant.
Nicole aimerait avoir ce genre de problèmes. Elle est en prison (…le premier épisode d’Igiza ne nous dira pas tout de suite pourquoi), et ce même jour, elle a décidé que cette fois, elle se faisait la malle. Sauf qu’il ne s’agit pas d’un coup de tête : avec d’autres prisonnières, elle a tout préparé. Son plan d’évasion repose en particulier sur un moment précis de la journée, lorsque, après le déjeuner, elle est appelée dans le bureau du directeur de la prison… On comprend alors qu’il a l’habitude de la violer régulièrement, sauf que cette fois, elle l’assome avec un presse-papier, et, grâce à son organisation avec plusieurs autres prisonnières, elle en profite pour se faire la malle discrètement. Le plan se déroule sans accroc, et bientôt la voilà à l’arrière du camion du maraîcher qui vient d’approvisionner la prison, sur la route de la liberté.
Où pensez-vous que Nicole se dirige en premier ? Auprès de sa sœur, bien-sûr. Sauf que les retrouvailles sont tout sauf chaleureuses, et l’animosité entre les deux femmes est lourde de sens. Sans trop en dire pour le moment (on est dans un thriller après tout, pas franchement un genre qui aime répondre à toutes les questions tout de suite), Igiza nous laisse entendre que les conditions de l’incarcération de Nicole sont, au moins de son point de vue, causées par Linda.
C’est alors que la gémellité des deux sœurs prend tout son sens…
Cet épisode inaugural a un bon rythme, mais il ne se précipite pas. On prend le temps d’apprendre à connaître les deux sœurs, et il s’avère que même si elles ont chacune leurs problèmes, leur attitude est très différente. Linda a tout dans la vie, mais elle se révèle exécrable ; d’accord, c’est une journée importante pour elle, mais la façon qu’elle a de traiter son personnel (ou toute personne qu’elle considère inférieure, en fait) la rend immédiatement antipathique. Aussi, assister à la façon dont le plan (finement élaboré, il faut le dire) de Nicole se met en place procure une certaine satisfaction : on ne sait pas encore si Nicole mérite sa liberté volée (est-elle une criminelle en fuite, ou une victime des circonstances ?), mais en tout cas il apparaît clairement que Linda fait un déplorable usage de la sienne. A la fin de l’épisode, bien-sûr, les cartes sont rebattues… et cela signifie que le rapport de force a changé. Prendrons-nous une sœur différente en pitié, à mesure que nous en apprendrons plus sur ce qui a pu se passer et/ou que nous assisterons à de nouveaux tourments ?
Igiza marie donc à son intrigue carcérale et à son thriller une bonne dose de tragédie, et je dois dire que c’est une bonne surprise. Pour un épisode de trois quart d’heures, la série arrive à trouver le temps d’apporter des nuances, ou simplement d’exprimer des choses émouvantes (la réaction de Nicole lorsqu’elle se sait libre à nouveau est magnifique). La versatilité de l’actrice principale Serah Ndanu est en outre saisissante. Et elle est belle comme une poupée, ce qui ne gâche rien.
Ne pouvoir suivre les épisodes suivants d’Igiza (une série originale de Showmax) restera sûrement l’un de mes plus grands regrets de 2022.