Pour être tout-à-fait honnête, je n’arrive pas vraiment à déterminer pour qui King of Stonks existe. Cette dramédie allemande, qui vient d’être lancée par Netflix cette semaine, se déroule dans le milieu de la « fintech« , et fourmille de références plus ou moins directes à un vocabulaire populaire dans le milieu.
Son titre-même se réfère au meme « stonks« , et la série fait à plusieurs reprises des appels du pied à un public familier des usages du monde de la cryptomonnaie (quand bien même, au moins au stade de ce premier épisode, il n’est pas question de bitconneries ici). Il est très clair que King of Stonks est plus accessible pour des gens qui emploient couramment l’expression « to the moon » et/ou encensent Elon Musk. Le protagoniste central de la série est l’un d’entre eux, sans conteste.
On pourrait aussi dire que ses détails distillés à la vitesse du son, son montage effréné, et son goût pour l’excès, s’inscrivent dans cette volonté de parler à des personnes se reconnaissant dans le profil des tech bros. C’est-à-dire des gens qui se considèrent comme intelligents, qui aiment que les choses aillent vite quitte à rester superficielles, et qui aiment se taper sur les cuisses en riant grassement. C’est, évidemment, un stéréotype, mais c’est aussi clairement à ce public que la série fait des appels du pied dans sa façon de construire son exposition, de mettre en place son personnage central, ou encore dans la façon dont plusieurs événements se produisent au cours de cet épisode, jusqu’à sa conclusion. Les choix opérés par le premier épisode de King of Stonks ne sont pas de prendre le temps d’expliquer ses mécanismes, ou la psyché de ses protagonistes, et encore moins de tenter une intrigue pouvant prétendre au réalisme. Et, combiné au sujet lui-même, c’est un indice quant au genre de personne à qui la série s’adresse.
Pourtant, King of Stonks est aussi éminemment critique vis-à-vis de tout cela. Son mépris face à l’ambition forcenée et la cupidité de l’ensemble des personnages est visible. Son propos, dés l’introduction d’ailleurs, est clairement de s’en prendre à ce que le capitalisme suscite de pire. Ce qui signifie que, bien qu’adoptant son langage, elle ne brosse absolument pas son public-cible dans le sens du poil.
En-dehors de ce point, qui vraiment n’a cessé de me perturber pendant tout l’épisode, je dois dire que King of Stonks n’a pas inventé grand’chose. L’intrigue tourne autour de Felix Armand, un type compétent mais pas assez fin pour éviter de se faire manipuler par son patron, le riche Dr. Magnus Cramer, CEO de la compagnie CableCash. Celui-ci utilise les compétences de Felix à son avantage, ce qui lui a permis de faire entrer CableCash à la Bourse, en faisant miroiter à Felix un poste de co-CEO ; le jeune homme est le seul à ne pas avoir remarqué que ce poste est une illusion. En attendant il va passer tout ce premier épisode à courir dans tous les sens pour que tout se passe bien pour CableCash, et donc pour Magnus, s’épuisant à jongler avec les responsabilités tandis que son boss récolte les lauriers de la gloire.
King of Stonks n’est donc pas vraiment l’histoire d’un roi. D’autant que Felix apparaît comme bien trop naïf pour tirer avantage de la situation ou essayer de renverser son supérieur (et vu la façon dont se finit ce premier épisode, je ne sais pas s’il est près d’essayer, ne parlons même pas de réussir). Il y a une dimension gênante, pour ne pas dire humiliante, à cette dynamique ; mais le fait que Felix soit à son tour infect avec ses subordonnées n’aide pas à prendre pitié du personnage.
Si King of Stonks trouve, dans les épisodes suivants, le moyen de se calmer un peu, peut-être qu’elle a une chance de raconter quelque chose d’un peu consistant. Pour le moment, la forme empiète sur le fond, et on ne sait pas trop à qui le fond s’adresse de toute façon. Il faudrait aussi poser la question de savoir s’il est vraiment possible, par les temps qui courent, de s’inquiéter pour un exécutif d’une start-up de fintech qui n’arrive pas à prendre du galon. Moi, personnellement, j’ai mon idée.
Peut-être que le public reste quand même les gars qui bossent dans la fintech pour les faire réfléchir un peu. Enfin dans l’idée. Une chose est sûre. Je ne serai pas son public.