Mais que voici ? Une nouvelle review sur une « série d’appétit » ! Eh oui, amies téléphages, nous revoilà à parler bouffe. Mon sujet préféré, juste après les séries ; alors quand je peux joindre l’utile à l’agréable…
Cette fois nous partons du côté de Hinekure Onna no Bocchi Meshi, une série qui ne démarrera qu’en juillet sur TV Tokyo, mais dont les épisodes ont déjà été mis en ligne sur la plateforme Paravi. L’héroïne de la série, Tsugumi, est une jeune femme qui, lorsque la série commence, découvre que son petit ami la trompe. Elle essaie comme elle peut d’ignorer ce fait (malgré les photos de lui et sa nouvelle conquête au resto, postées sur Insta !), mais il finit par la plaquer. Sept mois de relation partis en fumée ! La collègue de Tsugumi, au konbini où elle travaille, lui assure cependant qu’un chevalier en armure viendra bientôt la sauver sur son cheval blanc.
Juste après la rupture, Tsugumi se voit recommander le compte de white_horse_0515, qui poste des reviews de plats. Elle l’interprète comme un signe.
…Un signe qu’il faut manger du katsu curry !!! C’est le genre de signe du Destin en lequel je suis prête à croire.
Hinekure Onna no Bocchi Meshi suit, pour l’essentiel, la structure typique de la « série d’appétit ». Le premier épisode suit cette pauvre Tsugumi alors qu’elle a bien besoin d’être requinquée, et que son amertume face aux aléas de la vie s’envolent en dégustant, je vous le donne en mille, par de la nourriture. Plot twist de folie.
Je fais de l’ironie, mais j’ai bien aimé ce que Hinekure Onna no Bocchi Meshi met en place ici. Les nuances introduites dans la formule sont intéressantes.
Après avoir établi le niveau de désœuvrement de son héroïne, qui va crescendo jusqu’à ce que son petit ami rompe avec elle par téléphone (mais considérant que poster la photo de son dîner avec une autre constituait un avertissement), l’épisode inaugural met donc Tsugumi face à ce post du fameux White Horse, par le plus grand des hasards.
White Horse explique dans le post accompagnant sa photo d’un délicieux katsu curry que ce plat lui a redonné le moral après que sa petite amie l’ait plaqué au terme d’une relation de 7 mois. Elle en voyait un autre… Forcément, Tsugumi s’identifie immédiatement à White Horse, et suit donc sa recommandation d’aller goûter un katsu curry dans le même restaurant. L’endroit ne paie pas de mine, et elle est intimidée à l’idée d’y manger seule. En outre, de prime abord, les plats ont l’air parfaitement quelconques. Toutefois, il s’avère que la propriétaire du restaurant est plus créative que prévu, et que le goût de ses plats finit par être plein de surprises. Si bien que Tsugumi passe un excellent moment, indirectement grâce à White Horse. Décidément elle a tant de choses en commun avec lui !
En sortant du restaurant, elle remarque qu’il s’agit en fait de la toute première fois que White Horse postait sur ce compte. Elle devient la première personne à déposer un like sous sa photo, et la première à suivre son compte…
…Tandis qu’ailleurs en ville, un employé de bureau reçoit une notification. Son premier like !
White Horse s’appelle en effet Kazuma, et il n’a pas le moral non plus. Il faut dire qu’après 7 mois à essayer de convaincre une cliente potentielle, lui payant des verres et des sorties à titre commercial, celle-ci lui a annoncé qu’en réalité elle allait embaucher la concurrence. Dépité, Kazuma a voulu vider son sac, mais, de peur de se rendre identifiable et/ou de porter préjudice à sa compagnie… il a transformé l’histoire en une mésaventure amoureuse pour les réseaux sociaux.
Désolée de vous spoiler ce léger twist, mais j’ai trouvé que c’était la plus grande originalité de Hinekure Onna no Bocchi Meshi, qui décide contre toute attente d’introduire un second personnage. La plupart des « séries d’appétit » n’ont en effet qu’une seule protagoniste. Cela va pour ainsi dire avec la formule : on suit une personne, on écoute (en voix-off) ses impressions sur ce qu’elle veut puis sur ce qu’elle mange, et on partage sa satisfaction. Il y a quelques exceptions, par exemple Shinmai Shimai no Futari Gohan qui reposait entièrement sur le fait que deux demi-soeurs, laissées seules au Japon pendant que leurs parents nouvellement mariées font le tour du monde, apprennent à vivre ensemble en partageant des plats basés sur les ingrédients envoyés par leurs parents depuis l’étranger. Mais dans cette série, les deux protagonistes cuisinaient, mangeaient, livraient leurs impressions, à peu près à part égale ; on pouvait s’identifier à l’une ou l’autre plus ou moins indifféremment, selon la personnalité (ou l’âge). Dans Hinekure Onna no Bocchi Meshi, c’est différent parce que nous n’avons, pendant l’essentiel de l’épisode, accès aux pensées que de Tsugumi. Elle est aussi la seule que nous voyons manger ; White Horse ne nous sera pas montré au restaurant. Je me demande si dans les épisodes c’est amené à changer ?
Pourtant, il ne fait nul doute que les deux protagonistes sont importantes pour la suite de la série. Hinekure Onna no Bocchi Meshi semble vouloir explorer leur relation parasociale (sûrement mieux que dans #IzakayaShinkansen !), et je la soupçonne même de semer les graines d’une potentielle romance entre deux personnes déçues par le reste de leur existence, mais ayant ce (ténu) point en commun que d’avoir les mêmes goûts culinaires.
Si vraiment il s’agit d’une série romantique, je vais l’avoir mauvaise. A l’origine j’avais envie de voir Hinekure Onna no Bocchi Meshi, non seulement parce que c’est une « série d’appétit » (ce qui fait que de toute façon j’y aurais tôt ou tard jeté un oeil), mais surtout parce que c’est la première « série d’appétit » que je vois dans laquelle COVID semble exister. Plusieurs des photos utilisées par TV Tokyo pour promouvoir la série incluaient en effet le port du masque (comme ci-contre).
Alors je sais, je sais, vous en avez marre de la pandémie. Vous comme moi. Mais j’étais intéressée par la façon dont un sous-genre télévisuel dont les mécanismes narratifs ainsi que les codes visuels dépendent entièrement de la consommation de nourriture pourraient s’y atteler. N’ayant pas encore vu, par exemple, la 9e saison de Kodoku no Gourmet (seule « série d’appétit » suffisamment longue pour avoir un avant et un après de la pandémie ; le statut de Konya wa Konoji de étant plus compliqué puisque la première saison a été tournée pendant l’épidémie mais juste avant le confinement japonais), je me demandais comment on peut présenter des personnages qui mangent au restaurant ET aborder la réalité de ce qu’est un repas au restaurant dans un monde touché par la pandémie… sans, ça va de soi, briser l’escapisme de la situation. Si la « série d’appétit » repose sur l’identification, et c’est généralement le cas comme j’ai pu le dire maintes et maintes fois par le passé, alors comment intégrer cet aspect non-négligeable de l’expérience culinaire moderne ? Et pourquoi je n’ai vu personne le faire jusque là ?
Evidemment, je ne suis pas en train de dire que Hinekure Onna no Bocchi Meshi est une série SUR le fait de manger au restaurant pendant COVID (…et encore moins post-COVID, au passage). De toute évidence, son intrigue porte sur le fait que Tsugumi est écœurée de la vie, mais y reprend goût en mangeant des plats recommandés par White Horse, qu’elle voit comme un héros salutaire. Toutefois, en toile de fond de cela, il y a bel et bien une description d’une nouvelle normalité. Tout le monde porte son masque. La restauratrice offre du gel hydroalcoolique à l’entrée de son établissement. Il y a des parois de plexiglass entre chaque table. Un client remet son masque après avoir fini son plat. Tsugumi plie soigneusement le sien et le range avant de manger…
La série trouve tout cela normal parce que tout cela est normal. Et je trouve que c’est rassurant. Je ne sais pas, quelque part j’ai besoin que des séries fassent ça, plutôt que de passer aussi vite que possible à une version du monde dans lequel COVID serait fini (ou, pire, où la pandémie semble n’avoir jamais existé, comme c’est le choix de tant de séries déjà).
Est-ce que Hinekure Onna no Bocchi Meshi est une révolution ? Non, évidemment, et personne ne le lui demande. Certainement pas moi. Elle tente des trucs à l’intérieur du sous-genre qu’elle s’est choisi (et est d’autant plus libre de le faire qu’elle n’est apparemment pas l’adaptation d’un manga), mais au-delà de ça elle n’a pas vocation à vous bousculer. Et, comme ce n’est plus à prouver, je suis une fervente amatrice de ce type de séries ; je ne dirais pas qu’il faudrait ne regarder que ça, mais, dans un régime téléphagique équilibré, ça ne peut que faire du bien de ménager un peu de place pour ce genre de visionnages, en tout cas.
« La série trouve tout cela normal parce que tout cela est normal. Et je trouve que c’est rassurant. Je ne sais pas, quelque part j’ai besoin que des séries fassent ça » – oui, oui, oui ! On n’a pas forcément envie d’avoir la tonne de séries qui intègrent des gens à l’hôpital ou mourant du COVID (Gameboys en étant un exemple même si par rapport à des personnages secondaires), mais la vie n’est plus tout à fait pareil même sans mentionner directement la maladie. C’est bien d’en parler parce que, et bien, parce que c’est normal.
Intéressant ce drama, curieuse de savoir comment ces deux personnages vont voir leurs histoires s’entremêler au fil des épisodes, tiens.