32 jeunes femmes sont envoyées à « La Encantada », une sublime demeure où, pendant près de trois mois, elles vont être préparées à l’élection de Miss Mexico 1989. La propriété est magnifique, le décor paradisiaque, et c’est, naturellement, la chance de leur vie.
Enfin… peut-être pas si évident que ça. Le premier épisode de Señorita 89 (une série de la plateforme hispanophone Pantaya, d’ailleurs je crois bien qu’il s’agit de la première de ses séries que je vois) nous dévoile assez vite qu’à l’issue de ces 3 mois, le rêve a tourné au cauchemar. Le soir qui précède l’élection, l’une des candidates tombe des murs de la demeure et s’écrase devant un parterre atterré d’invitées prestigieuses, de journalistes, de ses consœurs… et devant Elena. C’est à ses côtés que nous allons nous repasser les événements et comprendre ce que La Encantada peut bien cacher.
Il n’y a donc pas longtemps de mystère sur l’ambiance qui nous attend dans Señorita 89 ; si évidemment des surprises et révélations nous attendent (et la fin de ce premier épisode en contient une de taille), nous sommes tout de suite alertées sur la dangerosité de l’endroit.
Il faut dire que nous y entrons aux côtés d’Elena, qui n’est pas l’une des candidates, mais une jeune femme qui s’est faite embaucher comme instructrice. Etudiante en Histoire, elle prétend que ces trois mois à La Encantada lui permettront de payer des études à la Sorbonne, mais nous savons que ses motivations viennent aussi de son sujet d’études, grâce à une scène assez transparente pendant laquelle la jeune femme fait une présentation sur la beauté. La thèse d’Elena est simple : la beauté physique n’est qu’une construction, pas un fait établi. Elle est toute relative, en particulier parce qu’elle la confronte à la question de la moralité (une personne réputée belle peut-être amorale… évidemment elle prend pour exemple María Teresa de Landa, la toute première Miss Mexico). Le premier épisode nous explique pas-à-pas qu’Elena, convaincue d’avoir besoin d’étudier des cas pratiques de près, veut rejoindre le concours de Miss Mexico pour observer cette institution tournant entièrement autour d’une beauté strictement physique. Elena s’arrange donc pour obtenir un entretien avec Concepción López Morton, la directrice du comité Miss Mexico, et la convainc qu’elle ferait une formidable tutrice pour apprendre un peu de culture générale à ses protégées.
C’est donc avec un a priori certain que nous pénétrons l’univers mystérieux qui frémit derrière les grilles de La Encantada.
Toutefois, la perspective de Concepción, ou dans une moindre mesure des candidates du concours, n’est pas absente du premier épisode de Señorita 89. Elle-même d’une beauté foudroyante (quoique fanée du point de vue d’une organisation comme Miss Mexico), Concepción est une femme pleine d’une apparente assurance, et qui semble nourrir une affection réelle pour ce concours de beauté. Elle en est l’organisatrice, ainsi que son mari ; à ses côtés, on trouve également Luisa, qui agit à mi-chemin entre son assistante et la gouvernante des candidates pendant leur séjour. Le personnel inclut enfin des protagonistes comme la maquilleuse Nora, le docteur Roca, ou le photographe (…dont je n’ai pas retenu le nom s’il a été prononcé).
Pendant 3 mois, les jeunes femmes doivent rester à La Encantada et n’interagir qu’avec les membres de l’organisation : tout contact avec l’extérieur leur est formellement interdit, ainsi qu’une myriade de comportements plus ou moins « scandaleux ». Le concours a une image de marque à entretenir ! Et puis, il y a fort à faire, les jeunes femmes devant se préparer au concours, par exemple en posant pour les inévitables photos en bikini qui seront placardées dans tout le pays, et qui sont prises dans la piscine naturelle de la résidence.
Señorita 89 ne nous laisse pas oublier que nous n’avons que de la méfiance à ressentir vis-à-vis du processus comme de ses agentes. Même si Concepción semble sincère, la façon dont sont traitées les candidates est dérangeante, d’abord : on ne les appelle jamais par leur nom, mais uniquement par leur titre (il y a 32 candidates, pour les 31 Etats fédéraux, plus la ville de Mexico elle-même), par exemple. Ou alors, elles doivent se plier à des examens physiques invasifs et sans pitié, pendant lesquelles elles sont traitées comme de véritables bouts de viande. Lorsque les premiers incidents se produisent, dans les heures suivant l’arrivée des jeunes femmes à La Encantada, on comprend aussi que (un peu comme le soupçonnait Elena) la beauté physique mérite tout, y compris qu’on y sacrifie la rigueur morale qu’on prétend entretenir.
Elena a lu les dossiers des candidates, et nous les présente en voix-off pendant cet épisode inaugural (pas les 32, je vous rassure ; mais plusieurs), et nous allons encore plus en apprendre sur elles par ailleurs. L’idée motrice de Señorita 89 est en grande partie celle-là : nous dévoiler ce qui se cache sous l’enveloppe charnelle de ces jeunes femmes, dans la nudité la plus troublante de leurs âmes. La série n’a pas choisi les années 80 par hasard (…même si entre nous soit dit, les concours de beauté modernes ne sont pas d’un progressisme épatant non plus), et rappelle implicitement que beaucoup des comportements auxquels nous assistons ne seraient plus acceptables, alors que tout le monde ou presque ici considère qu’ils vont de soi ; à part Elena, bien-sûr, qui a décrété qu’elle était au-dessus de tout cela avec l’aval du scénario. Mais l’obéissance attendue des candidates est assez bien dépeinte dans cet épisode, mêlant leur innocence et leur vulnérabilité (entretenues) aux scènes plus glaçantes où transparaissent les intentions de quiconque souhaite exploiter leur beauté.
Mais c’est aussi, ne nous y trompons pas, un thriller implacable. La mort (accidentelle ?) de la candidate à l’issue de ces 3 mois est, forcément, au cœur de beaucoup de questions que l’on se pose devant cet épisode introductif. Et le twist de fin d’épisode vient même rajouter une couche supplémentaire de glauque. Tout cela est assez efficace, à défaut d’être très subtil (mais ce n’est pas souvent la plus brillante qualité d’un épisode d’exposition), et Señorita 89 mène son intrigue d’une main de maîtresse pour nous dire ce qu’elle a sur le cœur à propos de la beauté mais aussi la place des femmes dans la société mexicaine, et l’acceptation (faute d’autres options) du pire au nom d’un espoir pour le meilleur. Le propos de fond n’a sûrement rien d’inédit, mais c’est dit de si jolie façon.
Les concours de beauté, c’est vraiment un concept fascinant. Ça me rappelle Adriana Karembeu (je crois que c’était elle) dans Rendez-vous en terre inconnue qui répond aux questions des gens avec qui elle était qui lui demandait quel était son métier et qui répondait d’un rire gêné parce qu’elle se rendait compte de ce qu’elle disait que son métier, c’était « d’être belle ». Qu’est-ce que ça et ce genre de concours dit de notre société ?
Je pense que c’est un peu une simplification, parce que la beauté ça s’accompagne de pas mal de travail invisible (exercice physique, notamment ; le problème c’est en partie qu’on invisibilise à quel point la beauté est difficile et inaccessible), et notamment une surveillance de ton corps permanente qui induit beaucoup de pression psychologique. C’est sûr que c’est pas comparable à du travail en usine, loin de là, mais c’est pas juste se présenter pendant une heure, marcher sur un podium, prendre sa couronne et repartir non plus.
Oh absolument, mais je comprends aussi sa réponse pas tellement pour dire qu’il n’y avait rien en amont au niveau du travail préparatoire parce que c’est très clairement un travail à plein temps que d’arriver à couler dans les cases, et plutôt ce qu’il y a en aval pour que ce soit considéré et surtout reconnu comme un travail avec un demande derrière.
Ah oui, dans ce sens-là j’abonde totalement.