Pour nous, c’est bientôt l’été ; pour l’Australie, il est révolu et l’automne qui a commencé porte une certaine nostalgie. C’est donc le moment idéal pour que toute la planète tombe d’accord pour regarder Barons, une nouvelle série de la télévision publique lancée il y a quelques jours, et qui se déroule dans l’univers du surf. Et dans les années 70, parce que tant qu’à donner dans la nostalgie…
Quelle genre de série peut se dérouler dans ce milieu ? Eh bien, contrairement par exemple à Puberty Blues, Barons a décidé d’employer des personnages adultes, avec des préoccupations d’adultes. Notamment : l’argent. Contre toute attente, Barons est aussi une série sur le monde des affaires, et s’appuie (sans les nommer) sur les origines des marques Quicksilver, Billabong ou Rip Curl.
Au départ, la vie semble belle sur la côte du sud de l’Australie. On est en 1971, et un groupe de surfers profite des vagues, du soleil, du bar voisin. Barons met principalement en scène Snapper et Trotter, deux potes qui financent leur mode de vie très décontracté grâce à un petit commerce de tenues de surf, Barefoot. La compagnie appartient à Snapper, qui a dessiné les combinaisons de la marque, lesquelles sont cousues main par quelques membres de la bande. La paie est irrégulière, et le travail mal organisé, mais dans l’ensemble ça suffit à s’acheter quelques coups entre deux glissades sur les flots, et c’est tout ce qui compte. Snapper, en particulier, est quelqu’un qui n’a pas envie de se prendre la tête ; quand il a besoin d’argent, au pire, il se rabat sur une autre activité économique… en revendant de la drogue. Bon.
Le truc, c’est que Trotter a quelques ambitions, quand même. On apprend au cours de l’épisode qu’il a déjà eu un vrai emploi au sein de la compagnie de tissus qui fournit la matière des combinaisons à Barefoot, et qu’il n’a pas toujours été un hippie, contrairement à la plupart des autres personnes de sa petite communauté. Trotter a la bosse du commerce, mais comme Barefoot appartient à Snapper, il est assez limité dans ce qu’il peut entreprendre, et surtout, n’a pas vraiment son mot à dire sur l’affaire pour laquelle il imagine des projets d’extension. Ce qui fait également de lui un cas à part, c’est qu’il est le seul à être dans une relation stable : avec Tracy, une jeune femme d’origine asiatique qui est également enseignante. Dans le premier épisode, Trotter demande Tracy en mariage, quasiment en parallèle d’une idée qui le taraude : créer sa propre compagnie de vêtements de surf, puisqu’il se sent dans une impasse avec Snapper. Le projet, nommé Light Wave, prend progressivement forme dans cette introduction, avec un premier produit conçu par Trotter mais aussi soutenu par Tracy ; toutefois, l’idée ne va pas faire que des heureuses…
Barons jongle avec des choses en apparence peu compatibles : le groupe de surfers qui occupe son intrigue est fondamentalement hippie, mais on y trouve en même temps une intrigue très capitaliste. Personne parmi les protagonistes, au moins pour le moment, ne semble avoir de problème avec cela sur un plan idéologique/politique, pas même Danielle, qui est celle du groupe qu’on entend le plus prendre position politiquement sur d’autres choses pendant cet épisode. La série elle-même n’est pas très intéressée (au moins pour le moment : la série ne fait que démarrer) par ce paradoxe, qui pourtant ne serait pas dépourvu de potentiel dramatique.
A la place, on nous raconte plutôt comment cette communauté est au bord de l’implosion. Les tensions autour de Barefoot et Light Wave sont évidemment au centre de tout, révélant des tensions antérieures (…notamment parce que Tracy a quitté Snapper pour Trotter lorsque celui-ci est arrivé dans le groupe), ainsi que des problèmes extérieurs. En toile de fond de tout cela vient se superposer le monde « normal » (comprendre : non-hippie), difficile à oublier : les rapports avec des membres de la famille, ou, bien-sûr, le Vietnam, pour lequel les jeunes gens continuent d’être appelés (et le seront jusqu’en 1972). C’est le cas d’une intrigue secondaire avec Reggie, un jeune homme aborigène (adopté par des parents blancs) qui voit sa date de naissance tirée au sort pendant ce premier épisode.
Dans l’ensemble, ce premier épisode remplit très bien sa fonction d’exposition, présentant les protagonistes de façon assez complète tout en posant les jalons pour les intrigues à venir. C’est efficace, à défaut d’être follement enthousiasmant par exemple d’un point de vue visuel : les rares scènes de surf sont assez quelconques, et le reste n’a pas vraiment de cachet non plus d’ailleurs. Le seul point fort esthétique de la série, c’est Sean Keenan (qui, 15 ans après Lockie Leonard, revient donc à une série sur le surf), qui, derrière ses mèches blondies par le soleil, délivre en outre une solide interprétation, quoique limitée par un rôle pas très original pour le moment. Cependant il est assez évident à ce stade que Barons n’est pas là pour l’originalité. C’est une série qui, outre le fait qu’elle est courte (sa première saison ne durera que 8 épisodes), tente avant tout de délivrer une série facile à regarder, relativement par tout le monde qui plus est (pas vraiment summer of love…).
Ce n’est pas déplaisant, et donc la série parfaite à regarder alors que le soleil nous réchauffe gentiment la peau. Au-delà… ma foi, l’été ne dure jamais aussi longtemps qu’on le souhaiterait.