Sunday kind of love

17 avril 2022 à 20:29

Faute d’avoir de la douceur en ce moment, on va s’en créer.

Par chance, avec la nouvelle saison télévisuelle japonaise qui a commencé en ce mois d’avril, ce ne sont pas les solutions qui manquent. Vous connaissez mon penchant pour les « séries d’appétit », c’est donc naturellement vers Iburigurashi que je me suis tournée en ces temps moralement difficiles, pour éviter les idées noires.
Celles qui auraient oublié de quoi il s’agit peuvent consulter quelques unes de mes reviews précédentes, qui expliquent ce qu’est une « série d’appétit » (le genre est nippon, l’appellation est de moi), quelles sont sa structure aussi bien que la symbolique portée par celle-ci, en quoi elle m’apparaît comme impeccablement feelgood, et pourquoi elle est un sous-genre télévisuel si souvent essentiel pour le budget des petites chaînes… ce dernier point de contexte est important pour la review du jour ! Mais franchement, les lectures ne manquent pas sur le sujet, l’air de rien j’ai développé un sacré corpus d’articles sur les séries de bouffe…

Si vous préférez la version courte : foncez. Cependant, avec lesdites « séries d’appétit », il est toujours dommage de ne pas prendre son temps.

De patience il est d’ailleurs généralement question, dans les « séries d’appétit » : environ la moitié d’un épisode est habituellement dédiée à construire ledit appétit.
Celui-ci est, comme j’ai plusieurs fois eu l’occasion de le rappeler, est aussi bien littéral (appétit de nourriture) que métaphorique. La métaphore varie d’une série à l’autre, mais représente toujours, au bout du compte, la satisfaction d’un besoin plutôt émotionnel. Ainsi donc, la nourriture fait du bien, c’est un fait ; mais les circonstances dans lesquelles elle est dégustée qui apportent également une part importante de satisfaction.
Dans Iburigurashi, ces deux composants essentiels de la « série d’appétit » se caractérisent par le fait que, chose exceptionnelle, la série a deux protagonistes : Yori et Meguru. La première travaille comme manager d’un petit café, et a quelques connaissances culinaires. Le second travaille à temps partiel dans une arcade, où il peut travailler dans le domaine qu’il aime, les jeux videos. Leur seul jour de congé en commun est le dimanche, et récemment, Yori et Meguru ont eu l’idée de se préparer un festin ce jour-là, pour déguster des bons petits plats ensemble. L’enjeu de la série est donc autant de se régaler que d’avoir la satisfaction de passer ce temps à deux, dans leur petite maison caractéristique de l’ère Showa, à tuer le temps pendant que la nourriture cuit.

…Enfin, non. Elle ne cuit pas exactement : elle fume. Le premier épisode d’Iburigurashi va revenir sur l’origin story de leur particularité culinaire (toutes les « séries d’appétit » en ont une) : en regardant la télévision, la semaine précédente, Meguru s’est montré curieux sur la façon dont un jambon pouvait être fumé deux semaines avant d’être mangé. Quel goût ça peut bien avoir ? Bien-sûr, fumer un jambon pendant deux semaines dans leur maison n’est pas très réaliste, mais Yori a réfléchi aux techniques de cuisson qu’elle connaissait, et promis d’essayer de fumer quelques aliments simples pendant, disons, un petit quart d’heure, pour leur repas du dimanche. Ce devrait déjà être bien, pour commencer.
L’épisode inaugural de la série nous montre donc leur toute première tentative en la matière, avec un peu de matériel spécialement acheté pour l’occasion. Histoire de démarrer doucement, ce premier épisode les voit donc préparer tranquillement des œufs marinés dans du dashi, puis les laisser fumer paisiblement, avant de déguster posément ces œufs dans diverses configurations (c’est-à-dire tels quels, mais aussi dans une salade de pomme de terre, et enfin incorporés à une sauce pour accompagner du poulet teriyaki). Leur dimanche matin est entièrement consacré à cela, à un rythme lent, mais dans la gaîté.
Outre la curiosité culinaire, bien-sûr, c’est de préparer tout cela côte à côte dans leur cuisine, pendant leur seule journée de répit ensemble, qui a de l’importance. Chacune met la main à la pâte, avec ses connaissances et compétences ; on explique à l’autre ce qu’on fait et pourquoi ; de petites interjections ravies viennent ponctuer les manipulations successives des œufs et des autres ingrédients. Et puis vient le moment pendant lequel il n’y a rien à faire, sinon attendre, le cœur un peu battant, que la fumée fasse son effet. Ces instants-là, Yori et Meguru les passent à jouer à un jeu video (Street Fighter, en l’occurrence). Finalement, notre couple est tellement ravi que, pour la fin de leur journée, il commence à imaginer ce qu’il serait possible de fumer d’autre, pour faire perdurer cette expérience…

C’est un dimanche domestique dont la banalité intime s’exprime scène après scène. Iburigurashi insiste assez peu sur le ressenti individuel de ses protagonistes (malgré la voix-off de Yori), ce qui souligne combien la série place d’importance dans leurs interactions, plutôt. C’est ainsi qu’est établi ce qui sera, vraisemblablement, le moteur de la série : des découvertes culinaires, préparées ensemble, dimanche après dimanche.
Peu importe ce à quoi la semaine aura ressemblé : quand on s’aime, il y a toujours un autre dimanche à partager.

Et à partager à moindre coût. Comme beaucoup de « séries d’appétit », Iburigurashi est extrêmement simple dans son déroulé, mais aussi dans sa production : il n’y a que deux actrices au générique, il n’y a qu’un décor naturel (une petite maison, vraisemblablement une location), et l’action consiste uniquement à cuisiner, jouer à un jeu video ou manger. La bande-annonce de l’épisode suivant laisse cependant entrevoir des scènes en-dehors du logement à l’avenir, mais qui resteront sans nul doute en minorité.
C’est assez peu onéreux à produire, et il y a une bonne raison à cela : la chaîne qui diffuse Iburigurashi depuis le 4 avril est BS Shouchiku Tokyu, une chaîne du satellite qui a commencé à émettre… le 26 mars ! On y propose des productions de la Shouchiku, une compagnie centenaire qui à l’origine faisait du kabuki ; aujourd’hui les grilles de BS Shouchiku Tokyu sont constituées de pièces de théâtre filmées, de films, de documentaires… Cette première saison officielle (qui coïncide avec le début de l’année fiscale japonaise) ne compte pour le moment que deux séries originales : Iburigurashi d’une part, et l’étrange comédie historique Kaden Samurai de l’autre (qui apparemment s’intéresse à un rounin qui soudain reçoit des appareils électroménagers venus du futur). On trouve aussi quelques séries étrangères, comme par exemple Schitt’s Creek ou The Good Doctor.
Lancer une nouvelle chaîne, ça représente une petite somme. Oui, même quand on est la Shouchiku. Du coup, la « série d’appétit » est un choix assez logique pour une jeune chaîne avec une grille entière à remplir : son charme réside, précisément, dans sa simplicité. Si elle coûtait cher, ce serait même franchement contre-productif !

Toute la force d’Iburigurashi est précisément de se concentrer sur la relation entre ces deux jeunes qui s’aiment, qui aiment faire un bon repas, et qui ont trouvé le moyen de joindre l’agréable à l’agréable. En l’occurrence, tout le monde trouve quelque chose à gagner dans cette douceur dominicale.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

4 commentaires

  1. Tiadeets dit :

    Oh ça a l’air tout doux comme série !
    As-tu entendu parler de Koisenu Futari ? Sinon, c’est un petit bijou que je te conseille qui suit deux personnes aroaces et l’un de mes coups de cœur de ce début d’année.

    • ladyteruki dit :

      C’EST tout doux !
      J’en ai entendu parler, j’ai le premier épisode, mais bon, tu sais ce que c’est. Surtout que je n’avais pas compris que c’était une série aroace (je « récupère » beaucoup de pilotes en faisant le moins possible de recherches préalables ; je préfère avoir la surprise et voir par moi-même, et faire mes recherches à posteriori seulement), et que croyant que c’était une sorte de romance, du coup j’étais pas très enthousiaste… tu connais mes difficultés avec ce genre. Bon, je vais la remonter d’une cinquantaine de places sur la liste, mais vu la longueur de ma liste… ça ne veut pas dire grand’chose hélas XD

      • Tiadeets dit :

        J’espère que tu pourras t’y atteler un jour prochain. Pour le coup, je pense que c’est une série qui te plaira beaucoup.
        J’ai ajouté Iburigurashi sur ma liste à voir du coup. Il faudra que je m’y mette, mais je suis beaucoup trop dramas en ce moment, de nouveaux s’ajoutent tous les jours, à l’aide.

        • ladyteruki dit :

          Hahaha, je sais ce que c’est. Mais je préfère ce problème que l’inverse… j’ai connu des périodes où on ne trouvait RIEN (ou alors que les trucs qui m’intéressaient pas, genre les teen dramas), donc c’est un bon problème à avoir !

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