…Ça va ? On vous dérange pas trop, chez Movistar+ ? Tranquille, on commande un remake officieux de Stranger Things en pensant que ça ne va pas se voir ?!
Entre nous soit dit, j’exagère pour la forme. La série espagnole Paraíso a certes des points commun avec la série de Netflix, c’est indéniable ; mais elle en a aussi, par exemple, avec Beau Séjour. Et plus encore, Paraíso s’appuie en effet (de façon très libre) sur l’affaire réelle des meurtres d’Alcàsser pour nous plonger dans un monde irréel, au cœur de la ville fictive d’Almanzora de la Vega.
Plusieurs adolescentes disparaissent dans des circonstances étranges, sans que personne ne puisse expliquer ce qui leur est arrivé… et croyez-moi, vous n’avez aucune idée de ce à quoi la série conduit.
Almanzora est une petite ville portuaire nichée près des falaises de la côte valencienne ; rien de spécial ne s’y est jamais produit, jusqu’à ce que, pendant l’été 1992, trois amies disparaissent pendant une soirée organisée par la boîte de nuit le Paraíso (« paradis »). Sandra, Elena et Malena ont 16 ans, et tout le monde s’inquiète à leur sujet… ou plutôt, s’est inquiété, avant de commencer à privilégier la thèse de la fugue.
Les familles, toutefois, continuent de se demander ce qui a bien pu se produire, faute d’avoir la preuve que les filles sont saines et sauves. C’est par exemple vrai pour Javier Merino, le frère de 14 ans de Sandra ; l’adolescent est non seulement déchiré par la disparition de son aînée, mais aussi assiste, impuissant, à l’efffondrement de leur père Mario, un pêcheur qui semble sombrer dans la dépression. Pendant les 3 mois qui ont passé depuis la disparition de Sandra, Mario a cessé de s’occuper de son fils, a rompu avec sa petite amie Paula Costa (qui travaille au bas de l’échelon au commissariat de la Guardia local), et est désormais obsédé par la résolution de l’enquête. L’arrivée d’un nouvel enquêteur venu de Madrid, le lieutenant Zhou, semble signifier que les choses vont bouger, mais dans quel sens ?
Javi aussi est rongé par cette disparition, naturellement. Avec ses potes Álvaro et Quino, et l’aide de la jolie Bea et sa meilleure amie Olivia, il tente comme il peut de réunir des indices qui auraient éventuellement échappé à la police. Et c’est ainsi que les trois garçons se retrouvent, la nuit, entre les murs du Paraíso, bientôt rejoints par leur bully Zeta. C’est là que les adolescents découvrent une trappe secrète conduisant à une caverne sous la boîte de nuit, mais avant qu’ils n’aient pu trouver où elle conduit, le Paraíso prend feu et ils se retrouvent prisonniers des flammes en pleine nuit.
Lorsqu’au petit matin, ils tentent de sortir des décombres, ils réalisent qu’ils sont morts. Tout Almanzora s’active pour extirper leurs cadavres de la boîte de nuit calcinée, et ils ne peuvent rien faire qu’assister, impuissants, à cet étrange « après ». Et pourtant, puisqu’ils sont encore plus ou moins là, ils décident de continuer à mener l’enquête à la fois sur la disparition des filles, et sur l’incendie du Paraíso.
Donc ça, c’est l’intrigue du premier épisode, et c’est, très franchement, l’un des meilleurs épisodes introductifs de ces deux à trois dernières années. Le rythme est impeccable, la reconstitution du début des années 90 est saisissante (mais pas non plus un gimmick ; par exemple les références de popculture sont utilisées par les personnages pour expliquer leur pensée, pas juste pour faire du namedropping), et la fin du premier épisode conduit à une scène réellement émouvante, dans une intrigue qui ne manque pourtant pas d’enjeux sans ça. C’était génial, j’ai dit bravo, je me suis juré d’en faire une review une fois la saison finie.
…Vous le sentez arriver, le « mais » ?
Mais… j’ai vu les épisodes suivants. Et je viens à vous beaaaaaaucoup plus mitigée au sujet de Paraíso. Oui-oui, rythme, ambiance, tout ça ; on va retrouver la plupart de ces ingrédients par la suite (notez qu’il y a une absente de ma liste). Le problème est ailleurs.
Le personnage central de la série est Javi, de toute évidence. Avec ses potes Álvaro et Quino, et même leur tourmenteur Zeta, il va se révéler être, si ce n’est nécessairement le personnage le plus actif de l’intrigue, en tout cas celui par lequel nous allons vivre les événements.
Et c’est une grande partie du problème, quoique pas le seul. Car en effet, dans le monde de Paraíso, les « fantômes » que sont devenus les 4 adolescents ne sont pas capables de grand’chose. On ne les voit pas, on ne les entend pas, ils ne peuvent rien toucher… du coup pour mener une enquête, vous pensez bien que c’est compliqué. Alors certes, comme dans toute série du genre, il va se trouver quelques élues capables de passer outre ces limites, mais tout ce que ça permettra, la plupart du temps, c’est de passer le relai de l’action à d’autres personnages. Sauf si ces personnages sont impuissants… Alors, par de nombreux aspects, Javi et compagnie sont assez inutiles à l’intrigue. Ils en sont le point focal, mais uniquement parce que leur sort est peu ordinaire ; pas parce que le scénario dépend d’eux (…hors deus ex machina, ce qui est encore un autre sujet).
En soi, ce ne serait pas une source de mécontentement pour moi, si en échange Paraíso se saisissait de ce manque d’utilité pour l’intrigue principale, en permettant un peu de character development à la place. Explorer la douleur ressentie par Javi à l’idée de quitter son père, par exemple, aurait été intéressant, mais ça va très, très peu être adressé. Même chose pour le déchirement d’être séparé de la jeune fille qu’il aime, Bea, dont on entendra un peu parler dans les premiers épisodes et plus vraiment ensuite. De la même façon, Álvaro et son bourreau Zeta se retrouvent, bon gré mal gré, liés par les événements ; hélas en-dehors d’une conclusion mal amenée, cette dimension ne sera pas du tout exploitée. Quant à Quino, c’est un garçon en fauteuil roulant pour qui la vie de fantôme va résolument rebattre les cartes de la mobilité (…ce que j’aurais aimé que la série évite, mais bon), et à part un passage obligé pendant lequel il va brièvement danser, rien. Paraíso veut nous faire vivre l’aventure incroyable de ces 4 adolescents au-delà de la mort, mais sans vraiment nous raconter ce qu’ils ressentent, comment leurs relations évolue, ou quoi que ce soit.
Qui plus est, la série ne semble pas toujours très sûre des règles du jeu. C’est vraiment un gros problème parce que, dans une fiction surnaturelle comme Paraíso, être capable de déterminer ce que peuvent et ne peuvent pas faire les personnages, c’est quand même élémentaire. Des fois Javi peut effleurer des gens ; des fois non. Des fois, les toucher leur cause d’incroyables blessures ; et des fois non. Des fois les garçons traversent des murs ; des fois ils s’entassent dans une cachette pour échapper à un « méchant » en suant à grosse gouttes. On sait pas. On sait pas pourquoi des fois les choses marchent et des fois elles ne marchent pas, ou ne sont même pas tentées. Lorsqu’après leur mort, l’une de leurs premières initiatives est d’essayer de retourner dans le tunnel sous le Paraíso, les garçons découvrent que la trappe a été refermée par quelqu’un, et laissent tomber. Pourquoi ne peuvent-ils pas passer à travers comme pour les murs ? Mystère. Because of reasons. Posez pas des questions comme ça. Et attendez de découvrir où mène la caverne…
C’est très, très dommage, parce qu’on a bien besoin de constance dans cette série qui, par ailleurs, est aussi extrêmement imprévisible par d’autres aspects. Et l’emploi du mot « imprévisible » est à lire ici comme un euphémisme charitable…
Parce que, wow ! Si ya bien un truc qui ne manque pas à Paraíso, ce sont les idées. La série a envie de faire plein de choses !
…Pas forcément de les expliquer, mais de les faire, en tout cas.
En particulier, elle commence lentement à révéler ce qui est arrivé à Sandra, Elena et Malena, qui, vous vous en doutiez peut-être, sont en faite toujours vivantes. Mais cette révélation se fait en refusant d’expliquer vraiment ce qui leur est arrivé, maintenant dans le noir les tenants et aboutissants de ce qui s’est produit. Tout ce qu’on peut faire, c’est assister à une forme (très légère, je vous rassure) de torture porn, et deviner qu’il se trame encore pire pour elles, mais sans gagner une compréhension des enjeux. On marche sur une ligne assez fine entre l’exploration d’un univers insoupçonné, et le refus de trop en dévoiler, histoire de ne pas démystifier l’univers en question. En somme, Paraíso est très forte pour poser des questions ; c’est souvent les réponses, son défaut.
Vu ce que je vous ai dit sur les règles de son monde fantastique, et qui s’applique à plusieurs autres domaines de son intrigue, vous commencez à deviner ce qui m’a déplu à propos de la série : la série est pleine de rebondissements imprévisibles… mais une partie de ces rebondissements, on la doit au refus de la série de nous aider à comprendre certaines choses. Quitte à nous laisser soupçonner que certains des ingrédients avancés n’ont en fait pas été vraiment pensés.
Le plus fou, c’est que ce n’est pas faute par ailleurs de nous fournir des flashbacks sur plusieurs décennies ou bien des scènes dans lesquelles les personnages explicitent leurs intentions (sans parler de ceux dont les motivations sont simplistes et restent inchangées au long de la saison). Mais avec tous les ingrédients que la série superpose, on finit quand même par être dans le flou total, parce qu’on n’obtient pas de clarté sur les éléments les plus importants de la série. C’est vrai pour l’aspect fantomatique du sort de Javi et ses amis (qui vont se demander une demi-minute pourquoi ils ne voient aucun autre fantôme en ville, et plus jamais ensuite), mais aussi pour d’autres aspects encore plus nébuleux, sur lesquels j’essaie comme je peux de ne pas vous spoiler.
Alors, oui, je suis déçue par Paraíso, et d’autant plus déçue que je trouvais son premier épisode vraiment efficace et bien fichu. Ca ressemble à du gâchis mais, si je suis honnête avec moi-même, ce n’en est pas tout-à-fait.
Peut-être que l’épisode introductif de la série était bon, mais dans l’ensemble, je ne suis pas convaincue que l’intention de Paraíso soit de toucher au génie. C’est une série d’aventure fantastique, essentiellement destinée à un public adolescent (éventuellement jeune adulte), dont les tours et détours sont surtout là pour nous donner envie d’avancer, mais pas vraiment pour avoir un sens profond.
Quand je la regarde comme « juste » une série pour la jeunesse (ce qui semble méprisant de prime abord, mais après tout différents publics requièrent un degré d’attente téléphagique différent), je vois une série qui réussit sur plusieurs niveaux. L’intrigue est pleine de surprises quand bien même elles sont parfois tirées d’un chapeau, la mythologie est engageante à défaut d’être détaillée, il y a pas mal de protagonistes secondaires intéressantes (j’ai bien aimé Marta, notamment), et encore une fois, stylistiquement, la série assure.
On est dans un registre similaire à la série australienne Nowhere Boys, mais avec un budget de toute évidence supérieur (et une touche d’horreur çà et là). Pour une série adolescente, on pourrait être plus mal loties. Hélas… hélas je ne suis pas une adolescente ; et je ne sais pas trop si j’ai envie de voir la deuxième saison qui devrait bientôt arriver.
Allez, il nous restera toujours le générique de fin, interprété par Ana Torroja de Mecano (groupe abondamment cité dans la série), et que, je dois dire, je me surprends à avoir en tête très régulièrement. Je vous laisse sur cette note positive :
Ça me fait penser, mais avais-tu regardé Julie and the Phantoms ?
Je vois que le premier épisode est toujours dans le dossier où je l’ai mis le jour où je l’ai… récupéré, mais non, je n’y ai jamais touché. Tu recommandes ?
J’avais beaucoup aimé la première saison. Niveau série pour ados, ça avait été une bonne surprise et j’avais été déçue quand la série n’a pas été renouvelée.
Ah mince, elle s’arrête sur un cliffhanger ? Ou bien juste parce que tu avais de l’affection pour elle ?
Alors elle résout une partie de l’intrigue, mais relance des choses donc c’est du semi-cliffhanger si je me souviens bien et j’avais aussi de l’affection pour elle.
Oui elle se préparait quand même à une saison 2. C’est le problème des industries où le renouvellement est la règle, beaucoup de séries comptent dessus.