Au beau milieu de la nuit, plusieurs voitures se retrouvent dans une carrière. Leurs passagers discutent ; l’un d’entre eux est un ministre. En fait, ils font plus que parler : les trois hommes sont en train de peaufiner les détails d’un accord qui, vu les circonstances et le ton employé, n’a pas l’air très légal. En échange d’une certaine somme, le ministre semble avoir décrété qu’il allait céder des territoires aux deux autres hommes… sauf que l’un se sent floué et le ton monte.
Pendant ce temps, à quelques mètres de là, un journaliste tapi dans l’ombre et n’en perd pas une miette. Hélas il est tellement absorbé par les photos qu’il prend de l’étrange rendez-vous, qu’il en a oublié de mettre son téléphone en mode silencieux…
C’est le démarrage du premier épisode de RЯushe, une série kosovare lancée au printemps dernier par la plateforme GjirafaVideo. Toutefois, pendant l’essentiel de l’intrigue de cet épisode inaugural, nous allons mettre cette intrigante introduction de côté.
A la place, l’épisode s’intéresse en grande partie à Vesa Pirulli, une jeune journaliste qui a l’air de passer une journée des plus charmantes. Après avoir fait un peu de shopping, elle apprend que le rédacteur en chef Artan Kadili a décidé de publier un article qu’elle lui a envoyé sur le site de son journal. Elle est enchantée, à plus forte raison parce qu’elle a un faible pour Artan. Sa journée se poursuit avec une amie à boire quelques verres, avant d’aller rejoindre ses parents, chez qui elle doit fêter l’anniversaire de sa mère. Tout cela est outrancièrement banal.
Ce premier épisode de RЯushe (la série semble devoir son titre au surnom de Vesa, que si j’ai bien compris son entourage appelle affectueusement « RЯushe » ; soit ça, soit les sous-titres m’ont cruellement induite en erreur) suit donc sa journée, qui est l’occasion à la fois de nous faire rencontrer l’héroïne, mais aussi de croiser toutes sortes de personnages. Il y a donc Artan, le rédacteur en chef, qui d’ailleurs semble également avoir des sentiments pour Vesa… mais aussi Dini, le patron du café où la jeune journaliste a ses habitudes, et qui ne rêve que de voyages ; Dinora Bejta, la meilleure amie extravertie qui n’en finit pas de pousser Vesa à passer à la vitesse supérieure avec Artan ; Mentor Pirulli, le père de Vesa et présentateur d’une émission de télévision ; Merita Pirulli, la mère de Vesa et une professeure d’art dans un lycée ; Armend Pirulli, le frère de Vesa et un adolescent désœuvré ; ou encore Blerta Pirulli, la jeune soeur de Vesa à l’entrée de l’adolescence, encore pleine de fraîcheur et d’innocence.
Le journaliste qui a photographié le deal au début de l’épisode, nous l’apprendrons assez tard, s’appelle quant à lui Arben Rama. Pendant que Vesa papillonnait, le sourire aux lèvres, d’une bonne nouvelle à une autre, lui, il passait une terrible journée.
Ce premier épisode donne l’impression d’une série chorale (et sur ce point, le matériel promotionnel ne nous ment pas !), mais surtout, d’une série dramatique proche de la chronique. Or, rien ne serait plus éloigné de la réalité, mais à l’instar de Vesa, pour l’instant nous sommes bien trop accaparées par un quotidien charmant pour le savoir.
C’est que, RЯushe a en fait pas mal d’ambition pour ses épisodes ultérieurs (je suis en train de mettre la main dessus pour le vérifier par moi-même). D’après ce que je lis, la série s’apprête à prendre un virage un peu plus sombre, en s’intéressant aux affaires criminelles évoquées dans la scène d’ouverture, et surtout, les connecter à l’histoire familiale des Pirulli. Toutes ces scènes de normalité joyeuse devraient donc être reléguées au passé sous peu.
RЯushe va même, dans les épisodes suivants, faire se dérouler une partie grandissante de son intrigue dans les années 90… et je le redis, il s’agit d’une série kosovare. Vous admettrez que c’est intrigant.
Depuis tout le temps que je sévis dans ces colonnes, c’est la première fois que j’ai l’occasion de dire quelque chose de consistant sur une série kosovare. Et pourtant, il faudrait plutôt que je parle ici de l’Albanie.
Jusqu’à regarder RЯushe, je ne connaissais même pas l’existence de GjirafaVideo. Il s’agit de l’offre VOD du moteur de recherche, portail et e-commerce Gjirafa (ça se tient), une petite start-up qui a décidé que l’offre existante dans ce domaine ne comblait pas assez les besoins de la communauté albanophone de la planète, et s’est mis en tête de devenir une sorte de mélange de Google et d’Amazon. Avec environ 7,5 millions de locuteurs (en Albanie mais aussi pour la diaspora au Kosovo, en Serbie, en Croatie, aux USA, et en Europe de l’Ouest…), on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’autre chose que d’une niche linguistique à l’échelle mondiale, et pourtant depuis sa création, Gjirafa a réussi son pari. La compagnie possède maintenant non seulement sa plateforme de streaming, mais aussi sa propre société de production, GjirafaStudio. C’est-à-dire que, contrairement aux grosses plateformes de VOD, Gjirafa ne passe pas de commandes à des sociétés de production indépendantes, mais s’appuie au contraire sur le in-house pour ses programmes originaux, comme ici RЯushe. Plutôt impressionnant !
Gjirafa n’en est ainsi pas à son coup d’essai, mais ses séries originales précédentes (sans m’aventurer sur le terrain des programmes non-scriptés) semblent avoir surtout été des comédies. A ce titre, pour ce que je vois de son catalogue, RЯushe est son projet le plus ambitieux. C’est aussi sa première série originale se déroulant au Kosovo.
Je ne sais pas par quel miracle la série a réussi à me parvenir avec des sous-titres, c’est un mystère que je n’ai pas encore éclairci. GjirafaVideo propose-t-elle ces sous-titres d’elle-même ? Aucune idée. Tout ce que je sais, c’est que la plateforme n’a pas cédé aux sirènes de la VOD « à la Netflix », et que la saison de RЯushe compte la bagatelle de 20 épisodes ! Cela va donc prendre du temps de tout récupérer (et tout voir), mais j’en ai bien l’intention étant donné à la fois la rareté d’une série kosovare, et l’originalité de l’angle. Mais vous comprendrez bien que, dans l’intervalle, la review de ce pilote me brûlait les doigts…
Si jamais tu finis par regarder toute la série, je serai ravie de lire ton avis parce que pareil les séries kosovares, ça ne court pas les rues et je suis intriguée !
Ah oui ça pour le coup, je tombe pas dessus tous les jours ! Je verrai ce que je peux faire 🙂