Ce n’est pas souvent que je regarde le premier épisode d’une série en sachant pertinemment que je n’en regarderai jamais d’autres… tout en trouvant cet épisode plus que solide.
Tel est pourtant le cas de Jigeum Uri Hakgyoneun, l’une des séries Netflix de la semaine, proposée à l’international sous le titre All of Us Are Dead. Par de nombreux aspects, elle reprend de nombreux thèmes déjà vus (et parfois, revus) dans d’autres séries traitant d’une invasion de zombie. C’est normal, après tout, le genre est très codifié. Toutefois, elle apporte aussi d’autres ingrédients qui lui sont propres.
Et bien-sûr, zombies.
Sur le papier, quand on a vu une invasion de zombie, on les a toutes vues, mais Jigeum Uri Hakgyoneun sort très tôt de l’ordinaire en nous délivrant dés ce premier épisode, au moins en partie, un point d’origine à l’épidémie.
Dans la plupart des fictions, on ne s’y intéresse qu’en second lieu, voire pas du tout : le zombie EST. Le premier zombie apparaît quelque part, mord quelqu’un, et dés lors, y apporte le chaos. Son existence n’a pas d’explication, ça ajoute d’ailleurs à l’horreur. Tout est anéanti… et ça n’a même pas de sens. Le zombie est d’une brutalité absurde, d’autant plus absurde qu’il ne veut rien, puisque par définition il ne pense pas. Il est simplement mû par un instinct destructeur, et c’est la seule explication que l’on a. Et, très franchement, la seule dont on ait besoin pour survivre…! C’est en général plus tard, bien plus tard, alors que l’épidémie fait rage ou même a atteint un plateau, qu’on s’inquiète de son origine (qu’on trouve parfois, mais ça reste rare). Toutefois une invasion de zombies a rarement vocation à trouver une résolution, ne serait-ce qu’à cause de l’échelle : les zombies se reproduisent exponentiellement, et n’ont besoin que d’une morsure pour le faire (l’ironie tragique étant que le zombie est affamé de vivant, mais n’engendre que plus de mort… ou, disons, semi-mort). Bonne chance pour guérir un mal comme celui-là.
C’est donc frappant que Jigeum Uri Hakgyoneun démarre en nous indiquant avec exactitude tout ce qui est très souvent un point aveugle de ce genre de fiction. Nous savons dés ce premier épisode qui est le premier zombie : une souris de laboratoire, gardée dans une cage cachée à l’arrière d’une salle de classe d’un lycée. Alors, certes, nous ignorons comment cette souris s’est retrouvée dans cet état, mais cela nous donne le « zombie zéro » de notre invasion. Et à partir de là…
Autre point intéressant : le professeur de sciences du lycée, Lee Byeong Chan, est déjà au courant du danger que représente la souris. Il tente autant que possible de l’utiliser pour comprendre le virus dont elle est atteinte, et y trouver un remède, avant même qu’il n’y ait réellement un danger public (seul son fils est atteint… pour autant que l’on sache). Cette dynamique est assez inédite également. Même si, bon, vu les événements, je ne compterais pas trop sur lui dans l’immédiat…
Il y a d’autres choses remarquables dans ce premier épisode, et elles tiennent bien-sûr au mélange de genres de Jigeum Uri Hakgyoneun : il ne s’agit pas que d’une série de zombies, mais également un teen drama se déroulant dans un lycée. D’ailleurs ce premier épisode s’aventure au moins autant dans les méandres du quotidien adolescent que dans l’origin story de l’invasion.
Prenant le temps de détailler les dynamiques entre les personnages, Jigeum Uri Hakgyoneun met un point d’honneur à raconter une violence qui prédate largement l’apparition du premier zombie affamé. En fait, c’est très intéressant de voir à quel point l’épisode s’arrête longuement sur le côté déshumanisé de certains personnages (les harceleurs, notamment), ou combien ses scènes de foule se concentrent systématiquement non pas sur des hordes de zombies, mais des hordes d’ados. C’est frappant à plusieurs reprises, mais la moins spoilante et la plus significative est la séquence suivante :
Dans Jigeum Uri Hakgyoneun, on trouve en outre des sujets fétiches de la fiction sud-coréenne, comme l’importance de la classe sociale ou la culture de l’étouffement, dans laquelle le problème est moins grave que la découverte publique du problème. Pour l’instant ces thématiques sont secondaires, et peuvent probablement le rester d’ailleurs, mais il faut reconnaître qu’il s’agit là de questions qui non seulement sont rares dans des histoires de zombie, mais apportent aussi au genre une approche nouvelle. Comment voulez-vous étouffer une invasion zombie si vous refusez de la comprendre et la traiter avec le sérieux qu’elle mérite ? Il faut aussi, évidemment, y voir une réflexion sur le monde dans son ensemble : quels espoirs fonder dans une société dont ses participantes, dés leur plus jeune âge, suivent sans réfléchir la masse absurde de leurs paires et/ou agissent avec elles de façon violente ?
C’est le genre d’interrogation qui semble se profiler, au vu de cet épisode introductif.
C’est donc du solide. Hélas… hélas mon estomac l’est moins (surtout que ce soir, c’est soupe à la tomate, je vous raconte pas à quel point j’ai un timing de merde). Car oui, pour finir, Jigeum Uri Hakgyoneun est assez sordide et gore, même si je reconnais qu’elle se débrouille avec une belle énergie pour ne pas abattre toutes ses cartes immédiatement, faisant lentement monter la pression. Mais toutes les qualités et précautions du monde ne m’empêcheront jamais d’être une froussarde, et je dresse donc un drapeau blanc. Reste que si j’avais eu plus de courage, j’aurais très certainement passé mon weekend devant.
J’ai vu pas mal de monde la regarder cette série-là, mais pareil, je n’ai que très peu d’appétit pour ce genre de séries. C’est dommage parce que je trouve souvent le propos très intéressant.