Beaux restes

22 janvier 2022 à 14:18

Cette semaine démarrait la deuxième saison de DOC – Nelle tue mani, une série médicale italienne dont j’ai passé de nombreux mois à me dire « ah oui tiens, faudrait que je regarde si ya moins d’y jeter un oeil », sans jamais le faire. Mais découvrir que, jusque très, très tard dans la nuit, elle a figuré parmi les trending topics mondiaux de Twitter cette semaine, m’a enfin donné le coup de pied au derche dont j’avais besoin. Il s’avère d’ailleurs qu’il n’était pas si difficile de la trouver, cette première saison, puisqu’elle a apparemment été proposée par TFHein. Quand je vous dis que je ne sais jamais quelle chaîne française fait l’acquisition de quoi, en voilà un brillant exemple.

Comme le mois de janvier est chargé, je n’ai pour l’instant regardé que le premier épisode, mais profitons-en quand même pour en toucher deux mots !

Brillant spécialiste de médecine interne, le Pr Andrea Fanti dirige son service de la polyclinique Ambrosiano d’une main de fer. Il sait ce qu’il fait, et il sait ce qu’il veut ; peu importe si ça déplaît à l’administration de l’hôpital, à ses collègues, aux familles, ou… aux patientes. Il faut dire que Fanti est le genre de médecin qui considère que non seulement on ne peut pas croire ce que disent les patientes (comme House), mais en plus il n’y a aucune raison pour que lui, éminent médecin, leur demande leur avis. Il dira littéralement à l’une de ses patientes : « Je suis le docteur, vous êtes la patiente. Je décide, vous obéissez ». Voilà, comme ça c’est clair.
Le premier épisode revient sur une journée en apparence quelconque, pendant laquelle le « bon » docteur semble mener une garde tambour battant. Il jongle entre le cas d’une patiente dont il est le seul à penser qu’elle n’a pas contracté une simple infection urinaire ; il se prépare à une enquête sur la mort d’un jeune patient, et découvre une piste d’explication à ce décès ; et il tente désespérément de se libérer pour aller prendre l’avion, vu qu’il est attendu pour une conférence le lendemain. Tout cela est l’occasion de nous le présenter, mais aussi de montrer l’équipe hospitalière qui gravite autour de lui.

Sauf que DOC ne s’arrête pas là. Ce jour-là, le père du jeune patient qui est décédé vient le voir… et lui tire dessus. Décidément, les séries européennes n’en finissent plus de rappeler à quel point le contrôle strict des armes à feu est important (voir aussi : Le Code).

Blessé à la tête, Andrea Fanti se réveille après quelques heures dans le coma et une opération au cerveau. Sauf que pour lui, ce sont douze années de sa vie qui ont passé : il souffre d’une amnésie, et ses derniers souvenirs remontent à 2008. Ces années ont donc été effacées, comme si elles ne s’étaient jamais produites. Sauf qu’elles se sont produites, bien-sûr… pour tout le monde à part lui. Or, entre son dernier souvenir et son réveil après l’opération, il s’est passé beaucoup de choses : un divorce, la mort de l’un de ses deux enfants, une promotion, une nouvelle relation, et bien plus encore…
D’une certaine façon, c’est comme si Andrea avait fait un bond en avant dans le temps ; sauf qu’évidemment il n’est pas un voyageur temporel, juste un homme qui a tout perdu au moment où il a perdu sa propre histoire (et qui a, en quelque sorte, perdu son fils deux fois). Il faut reconnaître que dramatiquement, c’est un concept très fort pour une fiction : cela pousse les protagonistes à traverser toutes sortes de choses dues au décalage entre leurs sentiments et la réalité. Toutefois il faut noter qu’il s’agit là apparemment de l’histoire vraie d’un médecin italien, qui a, depuis, repris ses études.

Précisément, la question va se poser à un moment ou à un autre de savoir si/quand Andrea va reprendre son activité de médecin. Le premier épisode ne se précipite pas pour y répondre : pour le moment, DOC – Nelle tue mani insiste sur la perte (de mémoire et donc du reste). Le reste… le reste viendra peut-être, mais plus tard. La meilleure solution trouvée pour augmenter les chances de récupérer ses souvenirs est de faire hospitaliser Andrea dans le service dont il était le directeur, ce qui n’offre absolument aucune garantie de réussite. Mais après tout, c’est là qu’avant que sa vie ne bascule il passait quasiment tout son temps, qu’il avait ses collègues/amies, qu’il travaillait avec son ex (et, même si personne ne le savait, qu’il avait commencé une nouvelle relation aussi), et donc là qu’il a le plus de chances d’avoir une révélation déterminante. Voilà ce que la série met en place… Alors certes, le premier épisode se donne aussi beaucoup de mal pour établir que le Dr Fanti n’a pas oublié son Vidal. La série a forcément une idée derrière la tête (et l’histoire vraie sur laquelle elle est basée en est probablement une indication). Toutefois, elle n’en fait pas l’objectif principal de sa mise en place, et même pas des intrigues mises en place à l’heure actuelle.
Parce que DOC – Nelle tue mani n’est pas qu’une série d’amnésie, la question est aussi de savoir quel genre d’homme sortira de cette épreuve. Et on l’a dit, le Pr Andrea Fanti était un gros connard de médecin accablé par un complexe de Dieu carabiné. Or, DOC – Nelle tue mani indique que non seulement (et contre toute attente vu l’ampleur de ses blessures) il n’a pas perdu ses capacités cognitives, mais qu’émotionnellement, l’épreuve change son approche. Il est à l’écoute, il croit le petit patient qu’il rencontre dans la salle d’attente de la polyclinique, il fait preuve d’empathie. En somme, il n’est plus exactement médecin (ou en tout cas pas en exercice pour le moment), mais il est quand même un meilleur médecin qu’avant.
C’est évidemment un peu tragique que, comme souvent, il soit nécessaire au médecin de passer par une épreuve pour se mettre à la place de ses patientes. Un peu comme si l’empathie ne pouvait être acquise autrement par un professionnel qu’en traversant le pire. On va quand même pas commencer à casser les tibias des soignantes pour obtenir un peu de respect… Fort heureusement il y a quelques autres portraits un peu plus nuancés dans son entourage professionnel, qui permettent de ne pas verser dans le tout-ou-rien.
Même si ses ambitions restent médicales, DOC – Nelle tue mani fait en tout cas dans ce premier épisode des efforts pour mettre en place une véritable trame dramatique, et prend le temps de s’arrêter sur les émotions de ses protagonistes. Andrea lui-même, qui apparaît comme un type hautain et glacial avant que les choses ne basculent, est autorisé vers la fin de cet épisode introductif à non seulement ressentir, mais joliment exprimer, une vulnérabilité magnifique. Si DOC – Nelle tue mani a l’intention de continuer sur sa lancée, elle a toute mon attention.

Mon seul regret relève de la structure-même de cet épisode (ce qui fort heureusement a assez peu de chances d’être un problème récurrent). Accrochez-vous, je décompose le mouvement :
– on commence par nous montrer Andrea plusieurs jours après son opération, alors qu’il diagnostique un petit garçon dans la salle d’attente où lui-même est présent en tant que patient ;
– on revient en arrière pendant un long moment sur la journée fatidique qui a précédé la tentative de meurtre ;
– au moment des coups de feu, on a droit à un flashback une journée de 2008, dont on ne comprendra que par la suite qu’elle est la dernière journée dont il se souvient (là où sa vie s’est arrêtée, en quelque sorte) ;
– ensuite on retourne en 2020, au réveil après la chirurgie, pour se faire expliquer l’amnésie et ses conséquences ;
– puis on fait un fast forward de quelques jours après l’opération, pour revenir dans la salle d’attente.
Est-ce bien nécessaire ? ABSOLUMENT PAS. Je vous garantis qu’on pouvait s’éviter la moitié de ces voyages temporels, au bas mot. Il n’y a aucune raison valable de procéder à tous ces mélanges d’époque pour faire l’exposition ; ou disons, il aurait été parfaitement convenable de raconter tout cela chronologiquement (peut-être avec un flashback pour la journée de 2008, à la rigueur). Mais bon, comme vous le savez, c’est la loi : un épisode introductif se doit impérativement de cultiver une parodie de suspense en proposant soit un retour dans le temps, soit un fast forward, soit les deux. Là on a vraiment la panoplie, et je ne vois absolument pas le bénéfice. Mais bon, comme je le disais, c’est typiquement un truc de « pilote », ça : les épisodes suivants ont peu de chances d’être soumis aux mêmes aléas. J’emploie, évidemment, le terme de « pilote » de façon très libre à des fins de raccourci linguistique.

Et du coup cet inconvénient, certes un peu gênant sur le moment, ne m’empêche pas d’avoir une bonne impression générale de DOC – Nelle tue mani. Le mélange entre aspects médical et dramatique est pour le moment solide, et équilibré ; les personnages se voient offrir un peu plus que la simple consultation d’une litanie de cas ; il y a toutes sortes de problématiques sur le long terme (notamment le problème du petit patient qui est décédé, et pour lequel tout n’est pas réglé)… C’est vraiment de la belle ouvrage à ce stade. Si vous avez regardé la série sur TFHein (qui pour le coup semble avoir fait une acquisition plutôt meilleure que la moyenne), je serais curieuse d’entendre vos impressions. Pitié, confirmez-moi que la série poursuit sur sa lancée !


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

5 commentaires

  1. Fameuse ménagère dit :

    J’ai regardé toute la première saison sur TF1 et j’ai beaucoup aimé. Alors certes il est beau et il est italien, et c’est déjà un bel atout ! Mais au-delà de ça, c’est une réussite. Il y a beaucoup d’émotion autour de cet homme qui court après la vie qui lui a échappé, du suspense autour du patient mort, et bien sûr les cas classiques de patients qui s’enchaînent. C’est actuel, européen, avec un chouette casting, plein de petites surprises à la This is us. J’ai hâte que TF1 diffuse la saison 2 !

    • ladyteruki dit :

      Je veux pas faire ma médisante, mais j’ai été un peu surprise de trouver cette série sur TFHein. Au début de cet épisode, quand le médecin est super autoritaire (pour ne pas dire maltraitant) et part du principe que les patientes sont de la barbaque à traiter sans écouter, je me suis dit « non mais ok, je vois le genre, c’est cohérent », mais dés que j’ai compris qu’il était sur le point de changer de crédo de façon permanente, j’ai été surprise (en bien). Good for them, j’ai envie de dire.
      Déjà là je vois un peu ce que tu veux dire par This is Us, j’ai vraiment hâte d’avoir un peu de temps pour finir la saison, surtout maintenant que tu m’as rassurée.

      • Fameuse ménagère dit :

        Oh t’es dure avec TF1, Doc est dans la lignée des autres séries médicales de la chaîne et elles sont progressistes. Grey’s, mais aussi New Amsterdam ou the Resident. J’espère que tu aimeras la suite !

        • ladyteruki dit :

          Merci ! C’est vrai que je suis sévère, mais il y a des années de trauma derrière 😛 (et j’avoue ne pas du tout avoir accroché à ce que j’ai vu de The Resident)

  2. Tiadeets dit :

    J’ai vu quelques épisodes lorsque la saison 1 avait été diffusé sur TF1 vu que ma mère regardait la série. J’avais trouvé les épisodes que j’avais vu pas mal sans que ça me prenne trop non plus. Typiquement le genre de séries que je regarderais volontiers si j’avais une télé que j’utilisais comme une télé, mais que je n’irai pas forcément chercher de moi-même.

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