A ma grande surprise, le pilote de Pivoting évite avec une certaine élégance plusieurs des clichés que j’attendais de lui. Pour commencer, bien que se revendiquant comique, la série ne perd pas son temps dans des gags sur l’enterrement de Coleen, l’amie des protagonistes dont le décès est le point de départ d’une profonde remise en question. Mais surtout, l’épisode entre dans le vif du sujet en l’espace de quelques minutes à peine, refusant de se perdre dans des chemins de traverse, et s’attaquant directement à son sujet : trois femmes qui décident de se forger une vie meilleure.
Tout le problème étant de déterminer à qui cette vie meilleure ressemble.
En se concentrant immédiatement sur Amy, Jodie et Sarah (mais quand même un peu plus Amy que les autres, j’ai l’impression…? ce sera à vérifier avec les épisodes suivants) et leur quête de mieux, Pivoting s’assure que les spectatrices ne diviseront pas leur attention. On parle du maquillage mortuaire de la défunte ou des cheveux de son bébé, sans les montrer, parce que la série ne porte pas sur Coleen. Son sujet est uniquement les conséquences de son décès sur les trois amies qui lui survivent (et cela évite, en outre, de se lancer dans des tangentes Desperate Housewives-esques sur les circonstances de son décès ou un quelconque secret qu’elle aurait gardé).
Amy, une productrice d’émission culinaire matinale qui n’a absolument pas la « fibre maternelle », n’arrive pas à s’ôter de l’idée qu’elle devrait être la mère parfaite qu’était Coleen. Le premier épisode la met au défi de faire mieux, mais a également la bonne initiative de tout de suite introduire l’idée (via son mari absolument parfait pour elle, Henry) qu’elle ne peut pas être la mère parfaite qu’était Coleen. Tout simplement parce qu’elle n’est pas Coleen. En posant aussi clairement un enjeu nuancé (s’améliorer mais rester en accord avec soi), Pivoting trouve un bon juste milieu.
Jodie est une femme au foyer négligée (…pour ne pas dire verbalement maltraitée) par son mari Dan, prisonnière d’une vie vouée à sa famille. Toutefois, elle refuse cette insatisfaction et décide de se lancer dans des cours particuliers avec un entraîneur pour perdre un peu de poids, et se sentir, au moins, un peu mieux dans son corps. C’est elle qui a la première l’idée que « someday is now » (« un jour c’est maintenant ») et qu’il n’est plus possible d’attendre un mieux imaginaire, il faut l’amener à soi. Son intrigue est résolument la plus comique de l’épisode, mais on sent une véritable blessure que je suis curieuse de voir la série explorer.
Enfin, Sarah mène une vie frustrante en tant qu’urgentiste, qui ne lui laisse pas un moment. Elle n’a aussi jamais totalement guéri du divorce avec son ex, Diana, qui l’avait trompée au préalable. Le boulot étant le seul domaine sur lequel elle a une quelconque prise, elle décide dans ce premier épisode de plaquer son job de docteure et de postuler à un emploi dans un supermarché. Dans l’ensemble Sarah a peu de scènes bien à elle dans cet épisode, et c’est certainement l’intrigue qui me laisse la plus circonspecte. Mais si Pivoting arrive à éviter les écueils à venir comme ceux qu’elle évite dans ce premier épisode, je n’ai pas de raison de trop m’inquiéter.
Bien que ne manquant pas de moments plus légers voire carrément ridicules (Ginnifer Goodwin y fait alors le plus gros du travail), Pivoting est une dramédie qui s’intéresse sincèrement à ses personnages, à leurs envies et à leurs peurs, et ce que l’espace entre les deux peut provoquer d’hésitations. Je m’imagine parfaitement m’intéresser à ces protagonistes sur le long terme, ainsi qu’à leur devenir, parce que le premier épisode fait un boulot formidable pour les rendre attachantes et relativement complexes. Pour un épisode d’une demi-heure qui fait aussi pas mal de boulot d’exposition et prend le temps de batifoler autour d’une paire de skinny jeans, c’est plutôt pas mal.
Quand bien même ce premier épisode n’est pas parfait (et a, comme très souvent dans les séries de ce genre, un énorme point aveugle sur l’aspect socio-économique de son univers, vu que ses trois héroïnes qui se connaissent depuis le lycée sont comme par hasard toutes des femmes aisées… et aussi, « I’m done with hard work » pour justifier de quitter la médecine pour aller bosser dans un supermarché pour un salaire de misère, sérieusement ?), Pivoting ne manque pas de potentiel.
C’est tout-à-fait le genre de série qui pose les bases d’une affection qui ne peut que s’épanouir avec le temps.