Quand une scénariste voit deux bébés, c’est plus fort qu’elle, il faut qu’elle les échange. C’est entre autres la situation de départ de Madre sólo hay dos, une dramédie lancée par Netflix en janvier dernier… et dont, pour la veille de Noël, la plateforme a d’ores et déjà délivré une seconde saison. Booooon, je vois ce que c’est, on va tenter le coup de cette petite comédie passée totalement inaperç-…
Ah ! Ah ouais quand même. Bon, bah là, il me semble difficile d’éviter d’y jeter un oeil.
Tout commence comme on pouvait l’imaginer (surtout au vu du matériel promotionnel), alors que deux femmes que tout sépare s’apprêtent à accoucher le même jour.
Il y a d’un côté Mariana, une étudiante de 22 ans qui est tombée enceinte de son petit-ami Pablo, avant de finalement rompre avec lui et commencer une relation avec une autre étudiante, Elena. Dans la famille de Mariana, c’est de mère en fille depuis au moins 3 générations qu’on croît aux médecines douces, à la relaxation et aux bienfaits de la nature ; bref, on est un peu hippie. Pour autant, Mariana, sa mère Teresa, et même sa grand’mère, sont très investies dans cette naissance, qui doit se dérouler à la maison, dans une piscine gonflable d’eau tiède et avec de la musique relaxante…
De l’autre côté, il y a Ana, une femme d’affaires qui a déjà deux enfants (dont l’aînée est une adolescente) avec son époux Juan Carlos. Elle dirige sa compagnie d’une main de fer, quand bien même elle avait initialement promis à son mari de ne pas travailler pendant un an, pour se consacrer au bébé. Ana est très préoccupée par les apparences, y compris son apparence, et c’est la raison pour laquelle elle avait tout organisé pour accoucher dans le meilleur hôpital de la ville, accompagnée de Juan Carlos, de ses enfants, de son assistante, de son styliste et de son photographe. Oui, vous savez, dans la plus grande intimité.
Aucune des deux ne va obtenir ce qu’elle souhaite, et voilà Mariana comme Ana forcées de partager quelques heures à la maternité d’un hôpital de quartier, dans l’urgence. Sauf que les deux femmes, en grande partie à cause de leurs différences, ne se supportent pas. Mais, hey, heureusement qu’elles n’auront plus jamais à se voir après ça, pas vrai ? Pas vrai ???
Si ça ne se sentait pas à cette présentation, oui, Mariana et Ana vont devoir se retrouver, lorsque quelques mois après, l’hôpital réalise que les bracelets des bébés ont été échangés : Valentina n’est pas la fille de Mariana, et Regina n’est en fait pas la fille d’Ana. Alors que faire ? Eh bien, fort heureusement, l’erreur a été repérée tôt, et on les encourage à échanger leurs filles dés que possible pour que la vie reprenne son cours normal.
Là où Madre sólo hay dos réussit son coup, c’est en traitant cet échange comme il le mérite : un déchirement. Les deux femmes se sont attachées à leur fille, qu’elles ont des difficultés à « abandonner », et se retrouvent par-dessus le marché avec un nourrisson qui leur semble inconnu. La routine fraîchement installée est bouleversée, et les deux mères avec elle.
Alors que faire ? Après quelques tergiversations, plus quelques intrigues secondaires concernant les papas, Madre sólo hay dos décrète que la solution pourrait bien être… de faire en sorte que les deux mères élèvent les deux filles ensemble. On voit bien le potentiel de l’idée for the memes, mais parce que ce premier épisode de Madre sólo hay dos a bien fait son boulot, on en voit aussi la valeur dramatique. Emotionnellement, ça a du sens que ces deux femmes prennent ce chemin commun malgré tout ce qui les sépare. Même si l’idée est quand même un peu vouée à l’échec, objectivement !
Je ne sais pas trop vers quoi se dirige la série avec cette idée. Bien-sûr, la cohabitation (et la co-parentalité atypique qui les attend) va être la source de plein de disputes sur ce qui serait, ou non, la « bonne » façon d’élever un enfant ; une façon nouvelle de remettre sur le tapis les bonnes vieilles mommy wars, on ne s’en lasse pas. Sûrement avec, à terme, l’idée de répéter une fois de plus qu’il n’y a pas une façon parfaite d’éduquer un enfant, et surtout pas une façon aussi extrême que ce que les personnalités radicalement opposées de Mariana et Ana suggèrent. Mais je trouve quand même un peu étrange que la série accepte pleinement cette idée qu’Ana comme Mariana ne sont pas capables de s’attacher à leur fille biologique (dont en plus elles ont du mal à s’occuper, comme si elles étaient incapables de s’adapter aux besoin d’un bébé), et préfèrent cette solution pour rester dans la vie de l’ancienne à tout prix.
Cela dit, c’est toujours mieux que la première suggestion faite par Ana… qui consistait à adopter Valentina et à élever les deux filles toute seule ! Oui, parce que, évidemment, les pauvres n’ont pas vraiment la capacité d’élever un bébé correctement… connasse, va.
Madre sólo hay dos n’invente pas le lait maternel chaud, mais en tout cas on ne pas lui reprocher grand’chose. Pas au-delà de son idée tirée par les cheveux, en tout cas. Elle est capable de trouver un équilibre plutôt honnête entre la comédie, l’émotion, et un peu d’intrigues soapesques. Bien-sûr, ce n’est pas mon genre de séries, mais je reconnais que ce qu’elle fait, elle le fait plutôt bien, et s’inscrit dans la lignée des comédies et dramédies mexicaines qui peuplent les écrans sans qu’on ne pense jamais (y compris dans ces colonnes) à souligner à quel point l’industrie télévisuelle de ce pays maîtrise le genre. Le fait que cet humour concerne la maternité (plus quelques intrigues plus classiques sur les relations amoureuses ou familiales) ne doit pas m’empêcher de saluer le résultat !