Faute d’accès, cela faisait des années que je n’avais pas vu une série marocaine ! Depuis 2014, pour être précise ! Alors vous pensez bien que quand je suis tombée sur le premier épisode de Hayat, je n’ai même pas jeté un oeil au résumé, et je me suis ruée dessus.
Sur le papier, Hayat évoque un peu le point de départ de Shameless (toute nationalité confondue), en cela que son héroïne éponyme est la fille aînée d’une famille pauvre. Elle tente de prendre soin de tout le monde autour d’elle, tout en essayant de progresser dans la vie. La différence étant que, comme le long générique l’indique d’entrée de jeu, le ton sera beaucoup plus tragique ; Hayat est en effet un human drama (ce n’est pas sale) et non une dramédie. Mais, plus important, la série a une attitude bien différent vis-à-vis de la situation.
Tout le monde aime Hayat. Que pourrait-on ne pas aimer ? La jeune femme pense toujours aux autres plutôt qu’à elle-même. Lorsqu’il y a quelques années, son grand frère a été envoyé en prison (apparemment alors qu’il était innocent, mais le premier épisode s’arrête peu sur le pourquoi du comment), elle a décidé d’arrêter sa scolarité alors qu’elle avait brillamment obtenu son bac, et a commencé à travailler dans une usine pour subvenir aux besoins de sa famille, et depuis lors, continue sans broncher de dédier sa vie à ses proches. Il faut dire que son propre père est un bon à rien, et sa mère, femme au foyer tentant de superviser les autres enfants, a déjà fort à faire à la maison. Il y a Mazouza, qui à son tour vient de passer le baccalauréat ; Karim, qui est encore lycéen mais qui doit commencer à penser à devenir sérieux ; et puis le petit frère (…dont je ne suis pas sûre que le nom ait été prononcé pendant cet épisode), encore un petit garçon.
Hayat veille donc au bien-être de tout ce petit monde, et assure les revenus de son foyer. Cette capacité de travail et de gentillesse lui assure l’affection de tout le monde, ou presque ; elle peut en outre compter sur le soutien de sa meilleure amie, Mariam. A l’usine, elle vient de décrocher un nouveau contrat de 6 mois (même si l’épisode suggère que son patron, M. Elias, a peut-être des intentions beaucoup moins innocentes) ; dans la rue, tout le monde sourit en la voyant. Lorsque Mazouza décroche le bac (certes sans mention), tout le monde en profite pour saluer combien Hayat est bosseuse ; d’ailleurs c’est aussi elle qui organise la fête qui s’en suit.
Dans Hayat, les temps sont durs, mais la vie est douce.
L’héroïne y est entourée de gens qui l’aiment, et qui d’une façon ou d’une autre lui permettent d’affronter les obstacles (ou les rares personnes de mauvaise volonté qu’elle vient à rencontrer, comme sa manager à l’usine). C’est le genre de chronique où les tuiles s’accumulent, mais on y fait face avec la meilleure attitude possible.
Si la vie est douce, ce n’est d’ailleurs pas par accident. En soi, Hayat n’est pas vraiment malheureuse, même si dés cet épisode introductif, il est aussi très clair qu’elle n’est pas aveugle aux inconvénients de sa situation. Elle a simplement choisi de faire contre mauvaise fortune bon cœur. En un sens, à voir cette exposition, ce qui rend admirable son travail et ses sacrifices, ce n’est pas que Hayat ait fait ces choix, mais que par-dessus ceux-ci, elle ait fait le choix de prendre les choses avec légèreté. Quand bien même la situation s’y prête peu.
Le premier épisode utilise pour le souligner un intéressant dilemme : Hayat n’a pas de vie amoureuse. C’est quelque chose que je trouvais assez frappant pendant le générique, qui reprend (pendant près de 5 minutes, comme quasiment tous les génériques de séries arabes c’est en effet un générique plutôt long !) des scènes de toute la série, et où ne semblait pas vraiment apparaître de scène avec un enjeu romantique. Eh bien le premier épisode va progressivement l’expliciter : c’est par choix que Hayat a mis cette partie de sa vie de côté. Elle n’en a tout simplement pas le temps C’est certes une façon de souligner l’ampleur du sacrifice auquel elle consent, mais aussi de lancer une intrigue sur le long terme… Car évidemment, Hayat ne peut tenir ce rôle toute sa vie, aux dépens de son propre bonheur.
A travers cette chronique, c’est vraiment de cela qu’il s’agit : du bonheur. De celui des autres et du sien. Et de l’équilibre à trouver entre les deux.
Ce qui est intéressant c’est que, quand bien même tout son entourage loue ses efforts pour aider sa famille pendant une période compliquée, ou tout simplement son attitude, tournant parfois Hayat en conte moral… eh bien tout le monde, pour ces mêmes raisons, veut que l’héroïne éponyme trouve le bonheur. Dans le premier épisode, sa mère évoque le mariage comme horizon possible pour son avenir. De son côté, en apprenant que Hayat est éprise d’un mystérieux jeune homme (dont nous ne connaîtrons pas plus que le nom pour le moment), Mariam encourage son amie à vivre la passion qui est la sienne.
Est-il possible que Hayat trouve le bonheur, quand bien même cela signifierait consacrer moins de temps et d’énergie aux bonheur de sa famille ? Sa vie peut-elle être ailleurs ? Il y aura certainement des embûches supplémentaires sur son parcours (le cliffhanger de fin d’épisode y fait largement allusion), mais à terme, c’est évidemment ce que l’on souhaite pour la protagoniste de la série qui porte son nom. Quant à savoir quels contours cela pourra prendre, c’est évidemment toute la question.
Il n’y a, dans Hayat, rien de particulièrement nouveau pour les séries du genre, et ce n’est pas le but. L’essentiel de l’épisode est passé à parler ; pour faire de l’exposition, mais aussi parce que c’est une série sur la vie de tous les jours, et dans la vie de tous les jours, il ne se passe pas vraiment grand’chose. Comme tant de chroniques, Hayat ne s’intéresse pas tant à des actions qu’à leurs répercussions sur les émotions, les choix, bref, la vie intérieure de chacune.
Vu que MBC5 (une chaîne satellite spécialement créée pour le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, appartenant au groupe saoudien MBC) a commandé d’emblée deux saisons de 30 épisodes, il va y en avoir, des choses à ressentir et à se dire, dans l’avenir de Hayat. Pour l’instant, la série n’a commencé qu’en septembre, mais s’il vous prend l’envie de regarder une série douce sur les tracas du quotidien d’une famille modeste, c’est vraiment ma recommandation du moment.