C’est le weekend de Halloween et, même si je pense que ce mois-ci j’ai déjà largement donné de ma personne, je vais finir octobre sur une dernière recommandation de série qui fait peur, Mil Colmillos.
D’ailleurs c’est l’occasion pour moi de noter que rien que ce mois-ci, HBO Max a sorti deux séries (l’autre étant O Hóspede Americano, la review de la mini-série est ici) produites en Amérique du Sud qui étaient initialement développées pour HBO Latin America, et qui se retrouvent propulsées sur la plateforme internationale en avant-première voire même en exclusivité. C’était également le cas de Entre hombres en septembre, ce qui sur le coup m’avait échappé. Bien-sûr, cela ne signifie pas que la branche sud-américaine de HBO ne propose plus de séries en propre (en fait son remake brésilien de Hard, par exemple, se porte même plutôt bien avec déjà 3 saisons à ce jour), mais de toute évidence il se passe quelque chose, et je me demande si HBO n’est pas en train de se préparer à abandonner la télévision linéaire dans ces territoires.
Bon, revenons à nos moutons. Ou plutôt à nos dents, puisque Mil Colmillos nous promet mille crocs. Je ne les ai pas comptés, parce que j’étais trop occupée à complètement annuler mes plans de regarder toute la saison pour faire une soudainement urgente lessive de sous-vêtements trempés, mais je crois la série sur parole.
Je ne vous apprendrai rien en vous annonçant que Mil Colmillos commence comme une série militaire bourrée de testostérone, vu la gueule du poster promotionnel. On fait dans le premier épisode connaissance avec une unité d’élite, chargée de se rendre dans la jungle colombienne, à l’affût d’un ennemi public n°1 qui y aurait été signalé alors qu’on le pensait mort, un certain « Matías » (c’est évidemment un nom de code). La série ne prononce pas le mot « FARC », mais on s’est comprises.
Pour cette mission à la frontière du pays, l’équipe a pour objectif d’abord de partir en reconnaissance, de prendre des photos de toutes les personnes présentes dans le campement de Matías et les envoyer au poste de commandement, d’attendre une identification formelle qui viendrait d’un « témoin » ayant aperçu Matías récemment, et finalement procéder à son élimination. Si possible sans se faire remarquer, ni de ses hommes de main ni des autorités locales.
Au début tout se passe bien. Au bout de quelques kilomètres de marche, l’unité approche du campement, commence à prendre quelques clichés, essaie d’identifier Matías… mais à la nuit tombée, les choses se corsent. Pas tellement du côté du campement, où l’exécution se déroule sans trop de difficultés, mais venant de la jungle elle-même.
En l’espace de quelques minutes, une partie de l’unité est décimée par ce qui, au départ, aurait pu passer pour des singes… et en fait, je sais pas pour vous, mais chez moi les singes ressemblent pas à ça :
Ouais. Voilà. J’t’en foutrais des singes. Donc Mil Colmillos s’apprête à nous faire sa petite version de Predator, c’était indiqué nulle part sur le synopsis depuis 3 ans que la série est en développement, et personnellement ce sera sans moi.
Cela étant posé… il y a quand même quelque chose dans Mil Colmillos qui a de l’intérêt, malgré les jump scares et l’hécatombe de nuit dans la jungle (je préférais largement l’Amazonie d’O Hóspede Americano, à choisir ! pour commencer on y voyait quelque chose). La série offre en effet deux intrigues, pour le moment secondaires, qui viennent enrichir le concept de départ.
D’abord parce qu’il y a une insistance particulière sur à la fois la force et la vulnérabilité des troupes.
Après avoir reçu ses ordres, l’unité doit en effet passer un bilan médical complet, que l’épisode inaugural suit avec attention. Des corps musclés criblés de cicatrices, des bras et jambes larges mais parfois tremblantes, des personnages au mental solide pourtant émoussé par les traumatismes… et c’est sans parler des aléas de la vie militaire (divorce, solitude, etc.) par-dessus le marché. En outre ces hommes (et, on le découvrira plus tard une fois dans la jungle, une femme tireuse d’élite) veulent à tout prix partir en mission, au mépris de leur bien-être, prenant comme un affront personnel quand leur corps ne leur obéît pas et que le médecin décide de les faire rester à la base.
Au juste, je ne sais pas ce que Mil Colmillos compte faire de ces ingrédients, maintenant que nos amis les singes sont apparus, mais leur mise en place est bien trop ostensible pour ne pas se diriger vers quelque chose de précis. Et dans le pire des cas, j’ai envie de dire que c’est plutôt rare pour une série militaire d’insister autant là-dessus de toute façon.
Le second angle est encore plus intéressant. Car dans la toute première scène de la série, qui se déroule il y a quelques siècles, on découvre des colons espagnols traverser la même jungle, et découvrir un mystérieux monument qui affole leurs guides indigènes. Et ce monument… eh bien nos militaires vont le croiser pendant ce premier épisode, et de toute évidence il a une signification. D’autant que le fameux « témoin » qui dit avoir identifié Matías est une femme autochtone elle-même, et qu’on découvrira à la fin de l’épisode qu’elle sait pertinemment où ses informations ont envoyé l’unité d’élite…
Je suspecte donc que Mil Colmillos ait pour ambition de nous parler de mythes et légendes de l’Amazonie, peut-être même de transformer ce carnage en un revenge drama autochtone. Ce qui, vous en conviendrez, serait parfaitement puissant et beaucoup plus dans la lignée d’une série HBO qu’une version officieuse de Predator (ou, tiens, de Pitch Black). Il y a quelques séries sud-américaines qui ont commencé, timidement, à inclure des perspectives indigènes dans leur discours, mais souvent sous la forme de period dramas, comme s’il n’y avait plus de problèmes aujourd’hui, et avec une préoccupation plutôt de réalisme historique (quoique, ça fait des années que je me promets de regarder Frontera Verde, il faut vraiment que je la fasse remonter sur ma to-watch list…).
Or Mil Colmillos est sans nul doute possible une série moderne, et une série de genre par-dessus le marché. C’est plutôt original, et ça peut même être très enrichissant à de multiples égards.
Bref Mil Colmillos n’est pas sans mérite, mais je suis bien trop couarde pour ce genre de choses. Comme je le disais, vous me raconterez.
Sur ce, j’ai du linge à mettre au séchage.