Pour une majorité de plateformes, l’enjeu principal est de capter l’attention du public mineur : les bonnes habitudes doivent se prendre tôt. Outre le lancement d’un nombre grandissant de séries pour enfants, cela inclut surtout de proposer un nombre généreux de séries pour ados et jeunes adultes, ces deux cibles étant historiquement considérées comme n’en formant qu’une. Netflix l’a bien compris, qui propose séries mais aussi films quasiment toutes les semaines pour ce groupe d’âge… mais la concurrence a aussi tout intérêt à se mettre au diapason.
C’est exactement ce que fait Peacock en ce mois d’octobre, avec le lancement de The Girl in the Woods, une série supposément d’horreur qui suit, à une originale exception près, le modèle des fictions du genre à la lettre.
The Girl in the Woods est en effet un mélange de teen drama lorgnant sur le fantastique, dans lequel on apprend l’existence d’un mystérieux groupe sectaire vivant, reclus, dans les bois. Eloigné de la civilisation et la technologie, on en sait peu dans ce premier épisode à son sujet, si ce n’est que ses membres se voient comme des gardiens. De quoi ? Eh bien, pour commencer au moins, d’une étrange porte magique au milieu de la forêt… même si pour l’instant la série n’explicite pas ce que l’on trouve de l’autre côté.
En tout cas, ça n’a pas l’air très rassurant, à en juger par la panique qui s’empare de Carrie. Cette adolescente est en charge de surveiller ladite porte (notamment grâce à une arme fixée à un gant de métal), mais a décidé dans un élan de panique de fuir ses obligations, et avec elles, le groupe sectaire. Elle atterrit dans une petite ville de l’Oregon, où elle tombe nez-à-nez avec deux autres adolescentes, Tasha et Nolan.
La petite bourgade a ses propres problèmes, notamment parce que la famille de Nolan tente de faire fermer la plus grande source de pollution de la région… qui accessoirement est une mine, le premier employeur des environs. Les tensions sont au maximum quand Carrie débarque en ville, cherchant désespérément à échapper à sa communauté pour des raisons encore brumeuses. A cela va encore s’ajouter un autre enjeu, lorsque la petite cousine de Nolan disparaît dans les bois après avoir suivi un étrange personnage… à moins que ce ne soit lié ?
The Girl in the Woods est, apparemment, une série qui fait suite et/ou reboote un court métrage et un long métrage d’horreur, que je n’ai pas vus. Je vous rassure immédiatement : ce premier épisode, lui, ne fait absolument pas peur.
D’ailleurs il n’y a pas le temps d’avoir peur. Cette introduction a tellement à mettre en place qu’il n’y a tout simplement aucun espace disponible pour des frissons ; et au juste je ne sais pas dans quelle mesure The Girl in the Woods avait vraiment l’intention d’essayer ! Entre cette histoire de porte dans la forêt, de groupe sectaire, de manifestations anti-pollution, d’intrigues adolescentes (avec quota de preuves que la série a compris, juré, les préoccupations de la tranche d’âge : la preuve, Nolan se maquille), et finalement de disparition d’enfant, on n’a pas une seule minute pour entrer dans le vif du sujet de quoi que ce soit. Chaque sujet apparaît comme au mieux mystérieux… au pire, mal introduit. Tout au plus soulèvera-t-on un sourcil étonné en constatant que, bien que ça se déroule surtout en arrière-plan de la série, il y a une partie de l’intrigue qui lorgne vers le politique et le social (mais ça ne vous étonnera que si vous n’avez pas prêté attention aux séries pour la jeunesse de ces dernières années), mais c’est tellement secondaire…
Il y a une raison supplémentaire à ce manque de temps, et c’est la seule originalité de The Girl in the Woods à ce stade : contre toute attente, les épisodes ne durent qu’une demi-heure. C’est assez rare pour une série dramatique et/ou de genre adolescentes aux USA (plus courant pour les séries pour enfants), et je me suis demandé un instant d’où cela pouvait venir. Cependant, vu l’identité visuelle de la série et la qualité de sa distribution, mes soupçons se sont portés assez vite sur la question du budget…
En regardant le premier épisode de The Girl in the Woods, j’ai eu l’impression de voir Peacock essayer, désespérément, de capter un public que Netflix a passé les dernières années à conquérir avec toutes sortes de séries de genre. Sauf qu’il s’agit de le faire avec un budget serré, une franchise que peu de monde connaît, et une histoire un peu bateau ; les effets seront donc sûrement minimes.
Il en faudrait plus pour me convaincre que l’entreprise va réussir… mais ce qui est certain, c’est que j’adore voir les plateformes essayer. Parce que dans le fond, ce premier épisode n’est pas réussi, mais il tâtonne pour trouver un équilibre, histoire de capter le public ado… mais pas à tout prix. L’essai n’est peut-être pas concluant, mais je veux croire qu’à l’heure où le public mineur n’a jamais été autant courtisé par la télévision étasunienne, The Girl in the Woods gagne au moins quelques points pour l’effort.