Pour quelqu’un qui ne se fascine pas franchement ni pour la télévision true crime ni pour les podcasts (…et encore moins pour les podcasts true crime), j’avoue que je ne m’attendais pas à apprécier autant le premier épisode de la nouvelle série de Hulu Only Murders in the Building. C’est le genre de surprises qui me donne envie d’avoir tort encore plus souvent ! Enième preuve que ce n’est pas tant le synopsis d’une série qui fait son intérêt, mais son traitement, Only Murders in the Building est une charmante dramédie policière, et l’une des rares enquêtes dont je vous parlerai cette année. Alors faisons ça : parlons-en.
Tout commence dans un immeuble d’appartements comme on en trouve dans les grandes villes américaines, mais pas dans les séries américaines (à part Welcome to the Captain, 666 Park Avenue, et The Village, je n’ai pas d’autre exemple en tête, mais vous me corrigerez en commentaires).
L’Arconia le genre d’endroit où l’on vit à proximité de personnes très différentes, une sorte de melting pot forcé. Charles-Haden Savage, un acteur de télévision sur le retour, Oliver Putnam, un metteur en scène incapable de retrouver du travail à Broadway, et Mabel Mora, une jeune femme qui redécore l’appartement de sa tante, s’y croisent sans se connaître, et dans l’ensemble ce n’est pas plus mal.
Sauf qu’un jour, le hasard fait qu’elles se retrouvent dans le même ascenseur qu’un autre habitant de l’immeuble… lequel est retrouvé mort quelques heures plus tard. Or, il se trouve que Charles-Haden, Oliver et Mabel consomment toutes les trois avec avidité les épisodes d’un même podcast true crime (« All is Not OK in Oklahoma »). Elles s’en inspirent pour lancer le leur, alors qu’elles se lancent dans une investigation pour comprendre comment ce voisin est décédé. Elles sont en effet convaincues que ce que la police considère être un suicide est en réalité un meurtre. Pour ne pas s’éparpiller trop, nos trois voisines décident de ne s’intéresser qu’à ce qui se déroule à l’intérieur de leur immeuble, et appellent donc leur podcast « Only Murders in the Building ».
Only Murders in the Building a un côté humoristique certain (ainsi qu’un sens du rythme impeccable qui renforce l’effet obtenu). Toutefois, à ma grande surprise, ce n’est pas une simple parodie, comme je le pensais au début… et à vrai dire, ce n’est même pas une comédie pure. Il y a beaucoup de sensibilité dans sa façon de dépeindre ses personnages, et une réelle envie d’expliquer non seulement ce qui les fascine dans l’univers true crime, mais aussi, plus largement, ce qui leur manque.
Ainsi Charles-Haden Savage (ou plus simplement Charles) n’a jamais vraiment réussi à établir sa carrière. Hormis un rôle de flic à la télévision dans les années 80, il n’a pas vraiment la crédibilité à laquelle il aspire. C’est un homme profondément solitaire (on commencera à comprendre pourquoi vers la fin de l’épisode introductif), et ça l’a rendu légèrement misanthrope. Malgré cela, on sent aussi qu’il n’est pas blessé que dans son amour-propre, et tout n’est pas qu’une affaire d’ego. Le podcast « All is Not OK in Oklahoma » était l’une des rares joies dans sa vie ; on peut deviner que, malgré sa résistance à fréquenter autrui, « Only Murders in the Building » présente la combinaison parfaite de ce dont Charles a besoin : des rapports humains, et une opportunité de briller professionnellement.
Oliver Putnam a environ le même âge que Charles, mais lui est diamétralement opposé. Il est sociable à l’excès, tente désespérément de nouer des contacts avec quiconque croise sa route, mais son sourire cache une grande détresse. Outre sa solitude (son fils et ses petits-enfants vivent à Jersey), il a également des difficultés financières, dues en grande partie au fait qu’il est devenu trop vieux pour qu’on lui confie des projets à Broadway. C’est lui qui le premier suggère de lancer « Only Murders in the Building », dont il devient le réalisateur mais aussi le vrai ciment du groupe.
Mabel est très différente d’eux. Elle est la seule femme, et elle est considérablement plus jeune, pour commencer. Et puis, elle est beaucoup plus mystérieuse, même si le cliffhanger de fin d’épisode va commencer à nous en révéler plus sur elle et ses motivations.
Il y a quelques années, ABC avait mis en développement une série à laquelle j’ai repensé pendant ce premier épisode : Couch Detective, un procedural dans lequel une téléphage férue de fiction criminelle devenait une enquêtrice de talent, guidée uniquement par son expertise acquise en regardant la télévision. La série n’a finalement jamais été commandée (…il y a peut-être un pilote quelque part, mais je doute qu’il fasse jamais surface). Only Murders in the Building est très proche de cette idée selon laquelle on peut absorber des connaissances pratiques grâce à la popculture… L’idée est très attrayante pour un public, qui aime bien se dire qu’il a acquis des connaissances voire des compétences de cette façon.
…Et puis, entre nous soit dit, ce n’est pas un concept très éloigné de celui de beaucoup de cozy mysteries. Après tout, Jessica Fletcher de Murder, She Wrote est une excellente enquêtrice uniquement parce qu’elle écrit des romans policiers, elle n’a jamais été formée à la criminologie ! Alors pourquoi son lectorat ne serait-il pas autant capable qu’elle ? D’ailleurs, comme certains épisodes de PushingUpRoses ont eu l’occasion de me le rappeler, les fans de Jessica Fletcher ont parfois essayé de résoudre (…ou de commettre) des crimes grâce aux informations glanées dans ses ouvrages.
Alors pourquoi pas la même chose pour des fans de podcast true crime ? D’autant qu’Only Murders in the Building est tournée comme une dramédie, ce qui lui donne une aura d’inoffensivité charmante. Il faut voir avec quelle rapidité l’évocation seule de « All is Not OK in Oklahoma » fédère nos trois amies…
L’inoffensivité charmante d’Only Murders in the Building, ses portraits émouvants de protagonistes isolées qui se trouvent une raison d’être (et une raison d’être ensemble), et son univers visuel comme musical légèrement désuet, m’ont vraiment conquise. Et je ne doute pas un seul instant que son pouvoir soit plus grand encore sur quelqu’un qui consommerait des programmes ou podcasts true crime.