Quand on rejoint un groupe d’inconnues, que ce soit dans une situation scolaire, amicale, professionnelle ou autre, on ressent toutes cette pression implicite à y trouver sa place… et du coup à s’adapter aux codes de ce groupe. Parfois, tenter des choses nouvelles peut même être l’occasion de dépasser notre zone de confort, et d’évoluer personnellement. La pression de groupe n’a pas que des défauts.
C’est un peu le sujet de la série japonaise Gekikaradou, lancée cet été sur TV Tokyo… mais avec un twist qui vous sera familier pour d’autres raisons !
Eh oui, comme le prouve le matériel promotionnel de la série, Gekikaradou est une « série d’appétit » ! Pour celles d’entre vous qui dormaient les 712 dernières reviews à l’occasion desquelles ce sous-genre strictement japonais a été évoqué (c’est pas grave, je vous ai remis des liens plus bas), la « série d’appétit » est une fiction où il est question de bouffe, de bouffe et encore de bouffe. Malgré cela, la « série d’appétit » est riche de mille approches, qui permettent, derrière le défilé de plats délicieux, de proposer des dramas dont le personnage principal, qu’on ne s’y trompe pas, est non pas la bouffe mais bien l’être humain. Ses expériences culinaires ne sont ainsi qu’une façon d’observer ses réactions, son cheminement intérieur, son évolution et finalement sa satisfaction.
Dans le cas de Gekikaradou, notre héros s’appelle Kenta Sarukawa, et c’est un employé commercial parmi tant d’autres d’une compagnie de thés glacés basée à Osaka. Rien d’exceptionnel, j’avais prévenu.
Un jour son patron lui apprend qu’il est muté au sein du bureau basé à Tokyo, qui est en train de se créer une clientèle et a bien besoin d’un nouveau commercial sur le terrain. Kenta, qui a toujours grandi, vécu et travaillé à Osaka, est un peu hésitant à déménager, mais ce n’est pas exactement comme s’il avait le choix. Alors il essaie d’aborder cette nouvelle aventure avec une attitude positive. A son arrivée à Tokyo, il fait la rencontre de ses nouvelles collègues : son patron Tanioka, et les autres VRP. Il y a Shinomiya, le plus jeune de la bande, un peu chien fou ; Yamazaki, avare de mots mais pas de coups de fourchette ; Akiyama, le bourreau des cœurs supra-cool ; et Ookochi, la… euh, Schtroumpfette, désolée de le dire. Après un premier jour difficile (sa première tentative de démarchage a tellement échoué que le vendeur de boissons qu’il essayait de démarcher l’a foutu à la porte), Sarukawa se retrouve à un pot d’arrivée, organisé par ses collègues dans leur restaurant coréen préféré.
C’est là qu’il découvre (à l’insu de son plein gré) que sans exception, absolument toutes ses collègues et même son patron adooorent la nourriture épicée. Or, les épices, Sarukawa n’est pas trop fan. Mais face au peer pressure, le pauvre comprend qu’il va devoir céder à la culture d’entreprise et se mettre à ajouter du piment partout.
La question, c’est comment augmenter sa résistance ? Eh bien, épisode après épisode, Sarukawa va devoir tenter des plats toujours plus épicés, en solo comme en groupe, et apprendre à tolérer les épices.
Gekikaradou ne s’arrête pas à ces séances de torture. Son but est d’utiliser la consommation de piments en tous genres comme une métaphore de la façon dont Sarukawa sort de sa coquille. C’est vrai sur un plan personnel, mais aussi professionnel.
En effet, les collègues de son nouveau bureau ne se contentent pas de manger épicé : elles pensent épicé ! C’est toute une façon de concevoir l’existence que cela représente. Par exemple, les magasins que l’équipe doit démarcher sont notés selon leur degré de difficulté épicée (1 étant un magasin qu’on peut facilement faire signer, 10 étant évidemment le plus ardu). Ou bien les employées considèrent que leur ténacité à manger épicé est comparable à leur ténacité commerciale. Ou encore, comme Tanioka lui expliquera dans ce premier épisode, de l’épice à la douleur, et de la douleur à la félicité, il n’y a qu’un pas. Enfin, qu’une bouchée, en l’occurrence.
Kenta s’apprête aussi à découvrir qu’il y a une certaine satisfaction à consommer des mets rouge fluo. Pas simplement parce qu’il s’agit de dépasser ses limites, comme bragging rights, mais bien parce qu’en réalité, il ne pouvait pas savoir que c’était agréable avant d’avoir essayé.
Du coup, ce que promet Gekikaradou, ce n’est pas juste un défilé de plats épicés, mais aussi le parcours initiatique d’une personne totalement quelconque qui se trouve face à un défi quelconque, mais qu’elle va relever, progressivement, avec brio. L’épisode manifeste d’ailleurs toutes les caractéristiques de la « série d’appétit » classique : beaucoup de nourriture (préparée et/ou consommée) à l’écran, structure en crescendo, voix-off pour détailler à la fois le ressenti à table et le cheminement de pensée entre les repas, et finalement satisfaction d’un désir intérieur… Tout y est ! Le cahier des charges est parfaitement rempli.
Sauf qu’au lieu de donner l’impression d’être vue et revue, Gekikaradou s’est trouvé son concept à elle, sa façon de mêler un human drama sincère et une excuse à peine voilée pour donner faim à tout le monde… et c’est ce qui fait qu’on ne se lasse pas, jamais, des fameuses « séries d’appétit ».