Il y a quelques jours, la plateforme australienne Binge annonçait la mise en chantier d’une adaptation locale de la série suédoise Älska Mig, dont la première saison remonte à 2019 sur la plateforme nordique Viaplay. « Quelle coïncidence, j’ai regardé le premier épisode il y a quelques mois à peine ! », me suis-je dit.
Du coup l’occasion était parfaite de trouver quelques heures pour finir la saison, et c’est donc de ça dont on cause, aujourd’hui : d’Älska Mig, en attendant Love Me.
Si au départ je m’étais imaginé qu’Älska Mig allait être une série s’intéressant à une trentenaire célibataire (après tout, ce personnage est incarné par la créatrice, réalisatrice et productrice de la série, l’actrice Josephine Bornebusch, vue précédemment dans Solsidan puis Welcome to Sweden), j’ai rapidement été détrompée : il s’agit plutôt d’une série chorale. On y suit plusieurs personnes d’une même famille alors qu’elles se confrontent aux aléas de la vie et de l’amour.
Celle qui semblait être l’héroïne, Clara, est l’aînée ; lorsque démarre la série, elle a 37 ans, c’est une belle femme à la vie bien installée, avec une carrière de chirurgienne obstétrique, et l’appartement qui va avec. Le problème c’est qu’elle s’inquiète amplement de n’avoir pas d’enfants (ce qui forcément est amplifié par le fait qu’elle croise des bébés toute la journée au boulot), et l’heure tourne. Derrière son apparent cynisme, elle cache à grand’peine un désespoir qui ne fait qu’empirer alors que les rendez-vous sur Tinder et consorts tournent systématiquement à la catastrophe. Sa meilleure amie Sasha, qui est mariée depuis une décennie et des poussières, et a des jumeaux à la maison, est à la fois sa collègue et confidente, et elle est un peu alarmée de l’attitude de Clara. Celle-ci semble perpétuellement insatisfaite, et cette attitude ressemble par moments à de l’auto-sabotage.
Le jeune frère de Clara, Aron, a encore la vingtaine. Il se destine à une carrière d’avocat (comme son père) et essaie de se montrer raisonnable, de bûcher pour ses examens ainsi que de trouver un premier job, en dépit du fait qu’il ait plutôt l’âge de faire la fête. Ce qui n’aide pas, c’est que sa petite amie, Elsa, soit une DJ délurée dont l’essentiel de la vie personnelle comme professionnelle consiste à ne pas se prendre la tête. En plus, Aron est de plus en plus possessif, ce qui a pour effet mécanique à la fois de le rendre plus frustré et malheureux, et de tendre les relations avec Elsa. Heureusement, sa meilleure pote, Jenny, un beau brin de fille extrêmement cultivée et intelligente sur tous les plans, le soutien et lui apporte, quand il est prêt à les entendre, des conseils pour naviguer au travers de cette période charnière.
Et puis il y a Sten et Kersti, qui sont les parents, et sont mariés depuis 40 ans. En fait, dans le premier épisode, ils célèbrent leur anniversaire de mariage, même si… bon, la célébration est en demi-teinte. Voilà deux ans, Kersti a en effet eu un accident de voiture qui lui a coûté une jambe, ainsi qu’une ribambelle d’autres problèmes de santé dont le diabète. Mais surtout, elle ne s’est jamais relevée du traumatisme de voir sa vie changée à jamais par l’accident, et elle supporte en plus très mal l’idée d’être à la charge exclusive de Sten. Celui-ci ne se plaint pas, pourtant. C’en est presque ulcérant. Sten n’est pas juste patient : il a décidé de tout laisser passer, de tout céder à Kersti, parce qu’il l’aime de tout son cœur, et aussi, un peu, parce qu’il la prend en pitié.
Ce soir-là, à l’occasion du dîner d’anniversaire (auquel Clara et Aron participent), Sten a décidé d’offrir à Kersti un incroyable voyage romantique vers une destination chaleureuse et luxueuse. Sauf que Kersti est de méchante humeur, que Clara répond sur le même ton, qu’Aron s’interpose, et qu’au final, le dîner tourne court.
Quelques minutes plus tard, Kersti s’éteint, sans prévenir, sur son lit aménagé. Laissant tant de choses irrésolues…
Dans le genre chialance, ce premier épisode d’Älska Mig fait fort. Mais il a aussi le mérite de poser très intelligemment les jalons des intrigues à venir, et surtout, de nous offrir déjà une description très complète de ses personnages. Les trois membres restantes de cette famille sont complexes, pleines de contradictions, tiraillées entre ce qu’elles veulent, ce dont elles ont peur, et ce qui les bouscule.
Et il va y avoir un paquet de choses pour les bousculer, en particulier parce que la timeline de cette première saison (qui dure à peine 6 épisodes) est extrêmement brève : entre le premier et le dernier épisode, il s’est déroulé quelques semaines à peine, éventuellement deux ou trois mois maximum. Les choses vont très vite, et… les gens vont très vite, aussi. C’est même l’une des rares choses que Clara, Aron et Sten ont en commun : une faculté incroyable à foncer tête baissée après une décision impulsive. Qui du coup, n’a pas toujours l’air d’être une décision. Au cours de cette première saison (la série en compte deux, mais je n’ai pas les épisodes de la suivante), Älska Mig semble même parfois sous-entendre que l’idéal, en amour et plus largement dans la vie, c’est de se lancer d’abord, et de se poser les questions après, quand en fait tout est déjà une évidence.
D’amour, comme l’indique le titre, il va en effet être question au fil des épisodes, avec parfois des revirements qui semblent un peu brusques, et… un entourage qui est plus prompt à remarquer que les décisions des autres sont brusques, mais pas les siennes. Cela conduit, évidemment, à pas mal de conflits, surtout qu’à ces histoires de cœur viennent s’ajouter les émotions turbulentes associées au deuil.
Malgré le chaos ambiant, Älska Mig, tient bon, et essaie de nous insuffler quelque chose qui semble parfois manquer, à mon sens, aux séries traitant de la romance : l’essentiel n’est pas vraiment de prendre LA bonne décision pour orienter sa vie dans LA bonne direction. Et donc, pas vraiment de trouver LA bonne personne, même si évidemment ça ne peut pas faire de mal.
Ce qui importe, c’est plutôt de faire ce qui, sur le moment, est agréable. Il y a tout un leitmotiv au fil des intrigues (parfois compactes !), dont il n’est même pas certain que les protagonistes aient pleinement conscience, qui souligne ce fait : ce qui compte, c’est que là, maintenant, on se sente bien. Qu’on se sente à la fois soi-même et autre, et que ce soit aussi formidable qu’effrayant. Qu’on se sente vivant.
Dans Älska Mig, rien ne dure, même quand il semble que l’amour pourrait durer toujours (et rien n’est moins sûr). Alors seul compte le temps présent, avec qui on passe cet instant, et ce que ces moments flottant de magie éveillent en nous. Le reste ? Il sera bien temps plus tard de s’inquiéter du reste. Ou pas du tout.
C’est bien aussi, pas du tout.
La série a l’air bien faite, mais pas mon genre de séries. Ça me désole parce que quasiment aucune série suédoise ne m’intéresse alors que je parle la langue donc c’est l’occasion. *soupire*